Rouen
Lundi 17 juin 2019
Seul le prononcé fait foi
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
C’est un plaisir de vous retrouver ici à Rouen. Dans « Cette vieille cité normande » que Madame Bovary percevait, nous dit Flaubert, « comme une capitale démesurée, comme une Babylone ». Pour ceux qui connaissent Rouen, la ressemblance avec Babylone n’est peut-être pas flagrante. Mais Babylone signifiait, paraît-il, « la porte de dieu ». Et c’est vrai qu’à Rouen, Madame Bovary retrouvait son amant Léon et d’autres formes de transports que ceux qui nous intéressent aujourd’hui pour le commerce extérieur.
Quoi qu’il en soit, pour moi aussi, Rouen a été, peut-être pas une porte de dieu, mais en tous cas la porte de la France puisque j’y suis né. Donc je suis, en quelque sorte, un de ces nombreux produits normands qui s’exportent.
Bref, c’est un plaisir de vous retrouver ici à Rouen. Il y a seize mois, en février 2018, nous nous étions réunis à Roubaix. J’avais rappelé que le commerce extérieur, c’est toujours une aventure – pas celle de Madame Bovary, mais une prise de risque. Qui demande d’être bien accompagné.
Or à Roubaix, je remarquais qu’on pouvait encore beaucoup progresser. Le déficit de notre balance commerciale avait atteint, en 2017, un niveau inégalé depuis 2012. Ce qui nous chiffonnait. Car une balance commerciale, comme pas mal de choses dans la vie, ça demande un minimum de réciprocité et d’équilibre.
Il y a seize mois, nous avons décidé que ce n’était pas une fatalité. Le destin, le déterminisme, ça fait de beaux sujets de romans. Mais ça ne remplit pas les caisses des entreprises, ça ne crée pas des emplois ni de la croissance. Donc nous avons décidé de nous retrousser les manches.
Après l’élection d’Emmanuel Macron, le contexte était redevenu favorable au développement international : l’investissement des entreprises, les coûts salariaux, l’innovation, la confiance, les clignotants passaient progressivement au vert.
Et pourtant, les PME et les ETI restaient confrontées à un dispositif d’accompagnement atomisé et complexe, alors qu’elles pouvaient être plus nombreuses à tenter l’aventure de l’export.
D’où la clarté de notre ambition : booster les potentialités du tissu économique français en stoppant les logiques en silo, où chacun tient un seul fil de la tapisserie qui, du coup, se défait constamment.
Pour insuffler une vraie culture de l’export, notre premier pilier consistait à miser sur les compétences, notamment sur l’apprentissage et sur la formation. C’est pour ça que, l’an dernier, je parlais devant des étudiants d’une école de management. Parce que l’export, c’est un métier qui s’apprend, à tous les âges de la vie. Et un métier qui se parle et se pratique souvent en anglais. Voilà pourquoi le Gouvernement financera pour les étudiants de premier cycle universitaire (Licence, BTS, IUT, …) une certification internationale.
Le second pilier consistait à mettre en place un « service public de l’export », plus lisible, plus efficace. Pour mieux accompagner les entreprises, pour favoriser les synergies entre des acteurs jusqu’alors éclatés. Et cette petite révolution de l’accompagnement à l’export, les régions en ont été les principales actrices. Voilà pourquoi, après l’école de management, nous sommes aujourd’hui réunis dans ce conseil régional.
Enfin, nous avons lancé de nouveaux outils de financement compétitifs. Le bond de 17% de l’assurance prospection, en six mois, prouve que les attentes étaient réelles et que ce produit y répond. Les prêts du Trésor ou la garantie des projets stratégiques sont aussi de bons outils dont il faut favoriser le déploiement – je compte sur les ministres pour y veiller.
Ces trois volets, mieux former, mieux accompagner, mieux financer, voilà le triptyque que nous avons bâti pour créer une culture de l’export.
Cette réforme était par ailleurs fondée sur des convictions qui m’animent depuis longtemps, et que le Grand débat a encore renforcées.
La première, c’est qu’on ne s’appuie pas assez sur nos territoires, on ne croit pas assez en leur potentiel. La réforme de l’export, telle que nous l’avons conçue, consiste d’abord à réinvestir nos territoires, à leur faire pleinement confiance en matière de développement économique. La bataille de l’export se gagne dans les territoires. C’était le mot d’ordre de Roubaix qui est valable pour tous nos territoires, de la Normandie aux outre-mer.
C’est ce que nous avons fait en déplaçant, dans nos régions, des postes de fonctionnaires qui se trouvaient jusqu’alors à Paris ou dans notre réseau à l’étranger. Une centaine de personnes sont venues étoffer les rangs des 250 conseillers internationaux des CCI. Ce qui représente 50% de conseillers exports supplémentaires, au plus près des entreprises. Ce n’est plus aux entreprises de se frayer un chemin vers les administrations mais aux administrations d’aller proposer leurs services aux entreprises ou aux usagers. Voilà l’état d’esprit qui nous anime, depuis le début du quinquennat, dans la transformation de nos administrations.
Ma deuxième conviction, c’est qu’il faut encourager la différenciation entre les territoires. C’était l’un des axes de ma déclaration de politique générale au Sénat, jeudi dernier. Proposer le même accompagnement à une startup lilloise et à une entreprise d’agroalimentaire bretonne n’a aucun sens. Aborder le marché japonais ou l’économie nigériane avec la même méthode non plus. Les solutions doivent être pensées au cas par cas : tantôt publiques, tantôt privées, parfois les deux.
Avec, pour maître mot, la subsidiarité. Là où le marché privé peut offrir un accompagnement de qualité, à des coûts raisonnables pour nos entreprises, le public doit laisser la place.
Ma troisième conviction, c’est que cette réforme, comme beaucoup d’autres, exige une modernisation de nos services publics. Ce qui commence déjà par la numérisation. La plateforme des solutions exports, que nous lançons aujourd’hui, en offre un bel exemple. Elle a bénéficié du Fonds de transformation de l’action publique (FTAP), financé par le Grand Plan d’investissement, car nous lui accordons une extrême importance. Les entreprises y trouveront toutes les offres d’accompagnement, région par région et pays par pays.
Ma quatrième conviction, c’est qu’on peut, parfois, faire mieux avec moins. Dont acte, car c’est exactement ce que nous avons réussi avec la réforme de l’accompagnement export. La subvention de l’Etat à Business France, qui s’élevait à 90M d’euros, a été un peu revue à la baisse, tout comme les dotations aux CCI. Mais quand on est mieux formé, mieux accompagné sur le terrain et mieux organisé, on peut être plus économe.
A condition, évidemment, que les acteurs entretiennent les meilleures relations possibles. Et, de fait, cette réforme n’aurait pas abouti sans la parfaite entente entre le Gouvernement, les collectivités et les chambres consulaires. On doit la qualité de cette relation à l’excellent travail de Jean-Yves Le Drian et des secrétaires d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne et Agnès Pannier-Runacher, et grâce à une mise en œuvre efficace de Christophe Lecourtier et de Pascal Cagni à la tête de Business France. On la doit aussi à l’engagement de Régions de France, que représente aujourd’hui son Président, cher Hervé Morin. On la doit enfin au réseau très granulaire des CCI, représentées par Pierre Goguet.
Cette entente est la plus sûre alliée de la réussite. Et donc la meilleure manière de restaurer le crédit de la parole politique, en montrant que nous tenons nos engagements. Quand on s’y met tous ensemble, et pas les uns contre les autres.
La nouvelle culture de l’export, que nous voulons favoriser, commence à infuser et à montrer de premiers résultats. En 2018, on note une timide amélioration de notre balance commerciale, qui se poursuit au cours du 1er trimestre 2019.
Les résultats ne peuvent pas être spectaculaires, en si peu de temps. Je le disais à Roubaix, notre déficit commercial résulte d’un cumul de déficits français : déficit de compétitivité, d’investissement, d’accompagnement, déficit de stratégie structurée par filière… Vous pouvez nous faire confiance, nous nous attaquons à chacun de ces déficits, avec méthode et détermination.
Et pour le commerce extérieur, de premiers signaux faibles passent au vert. L’année dernière, nous avons battu notre record historique d’exportations en atteignant le montant de 492Md€.
Par ailleurs, pour la première fois en dix ans, nous assistons à une hausse du nombre des entreprises exportatrices, passées à 125.000.
Nous allons donc garder le cap en consolidant les trois axes que nous avions fixés en févier 2018 : mieux former, mieux accompagner, mieux financer. Je sais que les ministres y veilleront. Et je suis convaincu que cette « Team France Export », comme nous l’avons nommée l’an dernier, peut devenir l’une des Dream Team qui transportera notre pays, aussi vite et beaucoup plus loin que la diligence qui emmenait Madame Bovary à Rouen.
Je vous remercie.
Dossier de presse – Point d’étape sur la réforme du dispositif de soutien public à l’export
Discours du Premier ministre – 1ère Convention nationale Team France Export