Ci-dessous, les réponses aux quelques questions que m’avait posées avant-hier le site Atlantico, en tandem avec M. Christophe Bouillaud, dans la perspective du débat des Européennes sur France 2 dans l’Emission politique. On s’attendait au pire mais ce fut encore bien pire… Un honteux spectacle de pitres déchaînés qui compensaient dans une bataille de crachats leur incapacité à formuler la moindre idée et à se différencier. Divas hystériques, nains de jardins fanatisés, brutes épaisses écervelées s’affrontaient dans une mélasse de bêtise comme on en voit peu et dans une course échevelée aux positions les plus extrémistes et les plus démagogiques qui soient. Les coups de com’ ridicules, les chiffres débiles, les mensonges éhontés, l’avalanche de bons sentiments dégoulinants de haine et d’hypocrisie, valsaient dans un tourbillon de démence et de férocité. Peut-être qu’un ou deux des participants surnageaient au beau milieu de cet océan de crétinerie. Il n’auraient jamais dû accepter de participer à cette mascarade ridicule. Ou alors quitter le plateau. Rien ne vaut la dignité. Mieux vaut perdre une élection que de renoncer à sa dignité. On pense toujours avoir atteint le fond de l’abîme, mais c’est de pire en pire. Le mépris des spectateurs, des électeurs, atteignait un nouveau sommet. Et après, les bonnes consciences et donneurs de leçon s’indigneront que les Français n’aillent plus voter. Le « nouveau monde » disiez-vous? Eh bien le voici!
Maxime TANDONNET
1-Ce jeudi 4 avril, l’Emission politique de France 2 accueillera douze candidats sur son plateau à l’occasion des prochaines élections européennes. Comment mesurer la réalité idéologique d’un tel émiettement politique et peut on considérer que ces 12 candidats représentent-ils réellement 12 conceptions différentes de la France et de l’Europe ? Cette abondance est-elle plus le signe d’un vide ou d’un trop plein idéologique ?
Dans l’ensemble, il n’est pas facile de tracer des clivages clairs fondés sur des différences idéologiques dans la France contemporaine. On discerne vaguement quatre courants: une gauche qui se veut écologique, favorable à l’immigration et au multiculturalisme, à davantage de redistribution par l’impôt; un centre LREM qui se réclame du libéralisme économique, du progressisme sur le plan sociétal et du fédéralisme européen ; un courant à tonalité nationaliste qualifié aussi de « populiste » qui se fait le chantre de l’indépendance nationale, des frontières et du rejet total de toute forme d’immigration; enfin un mouvement dit les Républicains cherchant sa voie dans des positions intermédiaires, sur l’immigration, l’Europe, les questions économiques et de société. La présence de 12 listes et 12 candidats sur le plateau de télévision est donc incongrue. Elle ne reflète sûrement pas un trop plein idéologique mais des querelles de personnes et conflits d’ambition. Ainsi, en dehors de désaccords personnels, on voit mal quels sujets de fond pourraient justifier les clivages entre PS et Génération.s ou bien entre Insoumis et PCF ou encore entre RN et « les Patriotes ».
2- Ces clivages politiques internes s’articulent ils avec les clivages des partis représentés au Parlement européen ? Comment mesurer l’intensité de ces clivages des partis européens ?
Les partis politiques européens sont eux aussi assez éclatés mais pas autant. On ne peut pas faire de véritable rapprochement entre les 12 listes françaises et les 8 groupes politiques européens et l’articulation entre eux n’est pas évidente. Au niveau des formations européennes, les clivages existants ont une certaine logique de fond et ne paraissent pas aussi confus que sur le plan français: PPE, c’est-à-dire la droite conservatrice, libéraux ou centristes, socialistes, gauche, écologistes, eurosceptiques (toutefois répartis en plusieurs groupes). Mais la vraie question est celle de savoir quelle est la représentativité de ces différents partis dans la population. Les listes sont formées par des état-majors partisans nationaux ce qui renforce le sentiment d’éloignement entre les peuples et leurs députés. Selon l’enquête annuelle du CEVIPOF sur la confiance des Français, vague 10 de janvier 2019, seuls 23% font confiance dans leurs députés européens, l’institution politique la moins populaire. En quoi les députés européens sont-ils en mesure de répondre concrètement aux inquiétudes des Européens, sur l’environnement, le chômage, le pouvoir d’achat, l’immigration, etc. C’est la seule vraie question qui compte. Et aujourd’hui les Européens n’y croient pas. D’où les taux d’abstention considérables autour de 60%.
3- Quelles sont les causes de cet émiettement des partis ?
Le problème, c’est qu’on nage dans l’hypocrisie. Le Parlement européen n’est pas, en tout cas pour l’instant, une véritable assemblée démocratique, avec une majorité, élue sur un projet, et une opposition qui le critique et propose une alternative. On a 8 groupes politiques composés de représentants de 28 nations. Les députés sont élus dans des conditions et selon des modes différents selon chaque pays. L’ensemble est hétérogène. Il n’est pas question qu’une politique claire et déterminée, voulue par une majorité de citoyens de l’Europe puisse en émerger. Et cela, tout le monde le sait. En réalité, cette élection est vécue en France par la classe politique comme un banc d’essai avant les échéances nationales. Le fond n’a pas beaucoup d’importance. Comme d’habitude, l’Europe et ses grands dossiers vont passer au second plan ou ils serviront d’habillage à une compétition politicienne. D’ailleurs, le choix de faire une seule circonscription nationale, en mettant fin à un vote par région, correspond à un calcul politicien pur et simple, totalement contraire à l’intérêt de l’idée européenne qui est bien au contraire de rapprocher les citoyens de leurs élus. Nous sommes là en plein coeur de la crise du politique, non plus tournée vers l’intérêt général et le service du bien commun mais vers la conquête de fromages au profit de quelques individus, de l’extrême gauche à l’extrême droite, bien éloignés de la réalité des peuples européens.