Voici un texte de juillet 2016, non publié, de M. François Martin, pseudonyme d’un haut fonctionnaire. En deux ans et demi, il n’a pas pris une ride ce qui montre à quel point l’actuel quinquennat est le frère jumeau du précédent. Mais à la grande différence de 2016, aucune perspective d’alternative à la médiocrité ambiante ne permet – pour l’instant – d’espérer autre chose…
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Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Il y a urgence à la rassembler. Or le parallèle entre la situation actuelle et la France de la fin de l’Ancien Régime finissant est saisissant.
On observe l’apparence d’un pouvoir très fort, voire tenté par l’autoritarisme quand il appelle à une union nationale qui ne serait que soumission à ses vues ; mais en réalité, ce pouvoir est impuissant, tout entier personnifié par un Président de la République en spectacle médiatique quotidien, devenu sitôt élu le bouc émissaire national, n’incarnant plus la continuité de l’Etat mais les soubresauts émotifs d’une actualité dérisoire ou tragique.
On observe aussi les intrigues de cour, les postures, et le lancement d’une course des prétendants, non dans l’objectif d’une autre politique, mais surtout pour occuper les palais de la République. Et on observe enfin un pays devenu irréformable, chaque tentative même limitée de réforme de l’Etat se heurtant à des oppositions minoritaires, mais pas moins intransigeantes, et parfois violentes, mettant à mal la concorde civile, quand celle-ci n’est pas attaquée par le pouvoir lui-même : la seule réforme majeure du quinquennat poursuivie avec obstination, au nom du progressisme sociétal, au risque de fracturer la société et au mépris de ses conséquences réelles, ne répondait à aucune urgence autre que partisane.
Les fondements théoriques et philosophiques de l’Etat sont devenus irréels ; à la fin de l’Ancien Régime, la monarchie de droit divin et les privilèges nobiliaires avaient perdu sens ; aujourd’hui, où va la démocratie quand une forte majorité de citoyens rejette massivement la classe politique? Les principes républicains, le souci premier de l’intérêt général, semblent avoir disparu au profit des privilèges de castes sociales opportunistes coupées du pays réel : les Parlements sous l’Ancien Régime, aujourd’hui le monde politico-médiatique, et tous les intérêts corporatistes, minorités de blocage et mutins de Panurge que le pouvoir flatte pour se les concilier, du moins quand ils partagent son orientation idéologique.
Pour éviter une révolte aux dérives imprévisibles, la classe politique doit faire une révolution. Le pouvoir doit, dès [2017], être confié à un Gouvernement d’au plus quinze ministres qui, disposant de la confiance de l’Assemblée, déterminera et conduira la politique de la Nation, avec fermeté et courage, sous l’autorité d’un Premier ministre qui ne soit ni le collaborateur, ni le concurrent du chef de l’Etat ; les députés élus devront organiser de nouveaux Etats généraux, avec les moyens modernes, pour recueillir l’avis de tous les citoyens de bonne volonté, sur les réformes essentielles à la refondation de la Nation ; et ces réformes, préparées en un an par le Conseil économique, social et environnemental avec l’expertise du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, mûries le temps nécessaire à leur acceptation, devront ensuite être conduites sans faillir.
Autres priorités: le réexamen des conditions d’accès et des devoirs liés à la nationalité ; laplace de la France dans une construction européenne indispensable, mais qui ne soit plus une fuite en avant bureaucratique et désincarnée ; le recentrage de l’Etat sur ses missions premières de conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ; la revalorisation d’un Parlement moins pléthorique et réorganisation drastique du millefeuille territorial ; limitation du cumul des mandats dans l’espace et dans le temps ; ouverture et renouveau des fonctions politiques, la politique ne devant plus être un métier, mais tous les métiers devant contribuer à la politique, ce qui suppose un statut de l’élu ; principe de responsabilité, car la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ; tels seraient les principaux préalables à cette refondation.
Transmettre de façon responsable un univers durable à nos enfants: tout législateur, tout responsable politique devrait avoir pour seul horizon l’intérêt des générations à venir. Pour que la jeunesse du pays ne soit plus, comme aujourd’hui, majoritairement anxieuse de vivre dans une société plus dure et moins heureuse que celle de ses parents, et tentée par l’exil quand elle le peut, les responsables politiques doivent indiquer clairement l’orientation de long terme qui structure leur action, dans les deux domaines essentiels pour l’avenir que sont l’environnement et l’éducation.
Une écologie politique dévoyée, au service d’ambitions partisanes et d’une idéologie anti-humaniste, a trahi l’enjeu majeur de l’environnement. Celui-ci doit avant tout être considéré comme la protection de l’homme, qui a des devoirs envers la nature et envers lui-même. Il en résulte la nécessité de choix clairs à long terme sur l’énergie et la protection de la nature. La fin prévisible des énergies fossiles qui dégradent l’environnement impose de choisir le moindre mal qui est l’énergie nucléaire, et à terme, si la recherche s’en donne les moyens, la fusion nucléaire, source pratiquement inépuisable et non polluante. Prétendre que les énergies douces et renouvelables, dont certes un développement raisonnable doit être envisagé, suffiraient à couvrir les besoins du pays est un mensonge irresponsable et hypocrite. La protection de la nature : air, eaux, paysages, biodiversité, agriculture, impose aussi des choix, non des postures ; des actions politiques, non de la communication. Mais protéger la nature, ce doit être aussi protéger l’homme : l’évolution exponentielle du progrès technique, appuyée par les moyens colossaux de quelques firmes mondiales, nécessite de fixer des limites à la transformation démiurgique, aux conséquences potentiellement effroyables sous un couvert rassurant de santé, de l’homme en « post-humain ». Enfin, les enfants sont sujets et non objets de droit : tout ce qui tolère, voire encourage, un marché des droits à l’enfant, les privant délibérément d’un père et d’une mère, doit être résolument combattu dans l’intérêt suprême des citoyens de demain.
L’éducation doit former des citoyens en mesure d’être libres et égaux en droit, les distinctions sociales ne pouvant être fondées que sur l’utilité commune. L’égalitarisme de façade, fondé sur une idéologie dépassée et arrogante, appuyé sur la mesure de résultats privés de sens, ne produit que des inégalités nouvelles, privant de tout espoir d’ascension sociale ceux qui en auraient les capacités, tout en accélérant la concentration des pouvoirs chez ceux qui en ont les moyens. L’éducation doit d’abord remplir son rôle premier d’instruction élémentaire et d’enseignement de l’histoire nationale ; un citoyen ignorant est mûr pour la servitude volontaire, un citoyen inculte n’aimera pas sa Nation. Elle doit ensuite permettre à chacun, suivant sa capacité, d’exercer le métier de son choix : la Nation a plus besoin d’artisans, d’ouvriers, d’employés, de commerçants, d’agriculteurs, d’entrepreneurs, que de chômeurs surdiplômés.
Allier liberté économique et fraternité sociale: aucun régime fondé sur le dirigisme économique n’a jamais assuré la prospérité et la paix. A l’inverse, le libéralisme intégral ne relève que de la théorie économique pure. Des lois sont donc nécessaires pour réguler le capitalisme, mais trop de lois oppriment : quand le droit est illisible, il devient par nature injuste ; vouloir trop protéger détruit l’initiative et étouffe la création de richesses et d’emplois. Notre système de protection sociale, de droit du travail et de santé publique doit être réexaminé dans ses objectifs, son financement et ses acteurs. Pour assurer la concorde publique, la société doit quand il le faut aider ses citoyens, plutôt qu’assister des individus. Enfin, source historique de l’invention de la démocratie et ferment des révolutions, le consentement à un juste impôt est nécessaire. Or l’ensemble des prélèvements obligatoires doit être profondément réformé et reposer sur des règles claires, stables et équitables, la première étant que la contribution commune soit également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
François MARTIN