Le champ du possible, dans la vie publique actuelle, est enserré à l’intérieur de limites étroites. La jurisprudence du Conseil constitutionnel tient en plusieurs tomes, intervient dans le moindre détail, et ne cesse de s’enrichir – dernièrement le principe de « fraternité » en matière d’immigration irrégulière. D’ailleurs, toutes les juridictions, tous les tribunaux sont en capacité d’écarter une loi jugée incompatible avec la « norme supérieure ». Les règlements et les directives de l’Union européenne auxquelles s’ajoutent les jurisprudences de la Cour de Justice européenne et de la cour européenne des droits de l’homme forment un autre carcan extrêmement puissant. Interviennent par dessus le marché, les contraintes financières, monétaires, la dette publique, les déficits, etc. De fait les marges de manœuvre du politique sont aujourd’hui extrêmement réduites. Mon propos ici n’est pas de dire que c’est bien ou que c’est mal. Il est de dire la vérité: c’est ainsi et voilà tout.
Penser que le référendum d’initiative populaire, citoyenne, pardon, le RIC, est susceptible d’ébrécher ce double ou triple, quadruple carcan est illusoire. Les dirigeants et la technostructure le savent pertinemment. L’organisation d’un RIC, s’en prenant au couvercle des normes et règles et contraintes supérieures, est inconcevable. Ce serait comme un impardonnable blasphème dans une société théocratique. Et s’il avait lieu quand même, son résultat serait annihilé, ignoré d’une façon ou d’une autre, considéré comme nul et non avenu, un peu comme le référendum de Notre-dame-des-Landes, précurseur de ce que serait demain le RIC. Le thème du RIC rappelle celui de la déchéance de la nationalité en 2015-2016: occuper l’opinion par des leurres et des chiffons rouges. De fait, il n’aboutira pas plus ou alors privé de toute portée: parole d’honneur.
Le Grand Débat est une autre initiative ambiguë. Dans une démocratie le temps du débat est celui des élections nationales. Les élections présidentielles et législatives 2017 ont été biaisées par le scandale, la présence bien calculée au second tour du candidat lepéniste et l’abstentionnisme vertigineux. Elles n’ont donné lieu à aucun débat de société, les Français n’ont pas eu de véritable choix. Un débat national n’a de sens que s’il est suivi d’une sanction, d’une décision. Celle-ci ne peut être qu’une élection nationale, débouchant sur le choix d’une orientation politique. Or, il n’est pas question, de ce que l’on en sait, que ce Grand Débat, ouvre la voie d’une élection présidentielle ou législative anticipée. Sans doute faudrait-il parler de causerie ou de bavardage institutionnalisé, mais sans conséquences. En démocratie, le seul débat national qui compte est celui qui débouche sur une élection. Un grand Débat sans élection nationale est une mystification. Non, le supposé Grand Débat de 2019 ne vas pas remplacer le vrai débat escamoté de 2017. Le reste n’est que mensonge et comédie. Alors à quoi bon: tenir, tenir, encore quelques mois, gagner du temps sur la décomposition en cours de la politique française… Mais comment tenir encore trois ans et demi de la sorte? That’s the question.
Maxime TANDONNET