Edito : Le drôle de match (Les trois visages de la réforme constitutionnelle)
Cette semaine s’ouvre au Parlement le débat sur la révision constitutionnelle, un sujet touffu d’où émergent quelques propositions qui semblent accessoires (permettre au Président de parler au Congrès, limiter le droit d’amendement…) et bien éloignées du quotidien des Français. Ce qui est difficile à expliquer c’est que la réforme a elle-même été scindée en 3 volets : ce qui relève de la constitution, ce qui relève d’une loi organique (le nombre de députés par exemple) et ce qui relève d’une simple loi (le mode de scrutin).
Si je ne retiens que ce qui relève strictement de la constitution, on aurait tort de croire que débat est anodin : autant la majorité compte introduire un certain nombre de gadgets symboliques (supprimer le mot race, enlever du conseil constitutionnel les anciens présidents, etc…), autant certains détails qui viennent redéfinir les « règles du jeu démocratique » sont capitaux pour déterminer dans quelles conditions on pourra régler les problèmes qui empoisonnent la vie des Français.
En réalité, c’est comme au football : passer des heures à discuter de l’opportunité de l’arbitrage vidéo n’amène en soi aucun plaisir immédiat à un supporter qui y verra une perte de temps. Mais les matchs futurs ne seront pas joués de la même manière suivant la manière dont on arbitrera…
Les aspects les plus délétères de la réforme touchent au rapport de force entre le Gouvernement et le Parlement. Dans le combat qui s’ouvre trois camps se font face.
A tout seigneur, tout honneur, commençons par exposer la philosophie des réformes voulues par l’Exécutif. Au plan des institutions nationales, Emmanuel Macron ne fait que déformer un peu plus la Vème République en renforçant la présidentialisation.
Il s’agit de réaliser un vieux fantasme, que depuis 20 ans, réforme après réforme les politiques de tous bords confondus ont cherché à assouvir sans l’avouer : imiter la constitution américaine, où le Président se confond avec l’Exécutif, en pensant que singer les pouvoirs constitutionnels du Président américain nous transfèrera un peu de la puissance americaine. C’est une erreur : si les Etats-Unis sont une superpuissance mondiale, le Président américain a beaucoup moins de pouvoirs que le Président Français au sein de son ordre juridique interne, car le Président Français n’est pas censé être le capitaine de l’équipe gouvernementale mais l’arbitre du match. Obama ou Trump ne peuvent ainsi pas dissoudre le Congrès et nombreux sont les présidents qui ont passé la moitié de leur mandat en cohabitation avec un Congres hostile.
Le Président français est censé être au dessus des partis, une position que le quinquennat a malheureusement affaibli.
Emmanuel Macron, après avoir importé des Etats-Unis la mise en scène de la promulgation des lois, qui n’est pourtant qu’une simple étape technique, veut désormais son « discours de l’Etat de l’Union » annuel, discours lors duquel l’Exécutif américain présente les grandes orientations de politique générale.
Problème : en France, c’est le Premier ministre qui mène cette politique, c’est lui le capitaine de l’équipe, la contrepartie étant la responsabilité devant le Parlement et le droit présidentiel de dissolution. S’il continue dans cette voie, et que le Président peut débattre avec le Parlement de sa politique, on finira par supprimer le Premier ministre, inutile, le droit de dissolution, et réintroduire le découplage partisan Executif/Legislatif. On aura un match avec deux équipes, sans arbitre…Car imagine-t-on un capitaine d’équipe qui pourrait siffler des penalties ?
Surtout, Emmanuel Macron n’a retenu que ce qui l’intéressait de la constitution américaine. Il a oublié que le Parlement (Congrès) américain est beaucoup plus puissant que son alter-ego Français. Avec des cabinets de 10 à 15 collaborateurs, des moyens inquisitoriaux, et aucun juge supranational capable d’annuler la loi, les parlementaires américains sont certes moins nombreux mais ils pèsent. En voulant limiter les moyens du Parlement de discuter/amender les projets de loi, Emmanuel Macron fait l’inverse. L’instauration de la dose de proportionnelle, qui ne relève pas de la constitution proprement dite, complètera le tableau : plus le Parlement est divisé, plus le Président est fort. Jouer à 11 lorsque le Parlement n’a que 5 joueurs, c’est plus facile pour marquer des buts…
Voilà pourquoi face à cette transformation rampante du régime Français (parlementaire) en régime américain (présidentiel), qui n’est que la conséquence du quinquennat qui a fait du Président un super-Premier ministre, j’ai déposé des amendements visant à moderniser la Vème République en revenant sinon à la lettre, du moins à son esprit. Je propose des mandats législatifs de 4 ans (au lieu de 5), avec une Assemblée nationale renouvelée par moitié tous les 2 ans, et un Président élu pour 8 ans (au lieu de 7, puis 5).
Cela voudrait dire quoi ? Que l’année prochaine, avec mon système, plus de 280 députés, dont 150 en Marche remettraient leur poste en jeu et qu’en cas de rejet de la politique menée, un autre gouvernement bâti sur une autre majorité prendrait les manettes. Au lieu d’avoir 5 ans de Macronisme triomphant, les Français en auraient 2, puis de 2 à 6 ans de cohabitation, en fonction du succès des politiques menées. Réfléchissez y…
Avec un mandat plus long, le Président reprendrait de la hauteur, ce qui supposerait en cas de cohabitation de lui laisser le dernier mot sur des domaines qu’on doit protéger des à-coups : les Affaires étrangères, la Défense, la Recherche et la Justice.
Ce débat constitutionnel a également fait remonter des profondeurs un troisième camp, en opposition aux atlantistes macronistes, un camp dont j’ignorais la présence aussi massive : une Gauche anti-républicaine, qui veut désagréger la Nation en supprimant le français comme langue officielle, ou la référence à un seul peuple français, ou encore en accordant le droit de vote – donc la citoyenneté – aux étrangers extra-européens. Cette Gauche communautariste ou ultra-régionaliste est – n’hésitons pas à le dire – l’ennemie de la République une et indivisible. Son inconscience ou son impertinence montre qu’elle n’hésite plus à dire haut et fort son objectif qui est de saper les fondements mêmes de la Révolution française. Dans ma métaphore footballistique, ils seraient l’équivalent des hooligans faisant irruption sur la pelouse…
Que penser de cette passion pour le melting pot ? En leur temps, les Romains eurent la riche idée de faire citoyens tous les barbares, en les affranchissant du service dans la légion. L’édit de Caracalla date de 212. La civilisation romaine avait presque mille ans. Deux siècles à peine plus tard, elle s’effondrait.
Voilà pourquoi face à un centre qui cherche son inspiration à l’étranger, outre-atlantique, et la Gauche, qui aime l’Humanité mais plus la France, il y a la place pour un rassemblement large de tous ceux qui aiment la République, la France, et les institutions éprouvées qui sont les nôtres.
Julien AUBERT