Le parti républicain doit-il s’ancrer dans le conservatisme ou s’adapter aux évolutions de la société? Voici la question – difficile – posée par Atlantico hier soir… Et mes réponses.
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1-Ce 15 septembre, Jean François Copé a déclaré à propos de la PMA « Sur ce sujet, il faut évoluer, et donc, pour ma part, je ne m’y opposerai pas ». En quoi la droite a t-elle besoin « d’évoluer » sur ce types de sujets ? Qu’est ce que la droite a à perdre à vouloir « évoluer » et qu’a-t-elle à y gagner ?
Il me semble qu’un sujet comme la PMA ne peut pas faire abstraction de la sensibilité personnelle des hommes ou femmes politiques. Un parti, une majorité ou une opposition peut difficilement imposer un carcan idéologique où tout le monde devrait se fondre. Cela reviendrait à obliger des personnes à se renier et à trahir leur pensée profonde. Je ne pense pas que la question soit d’imposer une ligne unique sur un sujet qui concerne les convictions éthiques et éventuellement religieuses. Chacun doit pouvoir se prononcer en son âme et conscience. C’est une affaire de liberté d’opinion. En revanche les responsables politiques ne doivent pas non plus me semble-t-il tout réduire à la tactique politicienne, se positionner sur telle question pour se différencier, apparaître moderne et soigner une image. Donc je ne pense pas que « la droite » en tant qu’entité collective, ait besoin d’évoluer collectivement sur de tels sujets à dominante éthique, mais plutôt d’admettre que ces questions ne relèvent pas du clivage droite/gauche mais de l’intime conviction de chacun en évitant aussi de diaboliser et d’insulter ou de mépriser celui qui ne pense pas comme vous. Je ne pense pas qu’il puisse y avoir de consensus sur un tel sujet tant il relève de l’intime. C’est là qu’une réflexion de fond et un vrai débat de société, fondé sur l’échange des arguments, serait nécessaire.
2- Ne peut on pas voir dans les défaites électorales de la droite, une conséquence de ses « évolutions » passées ? D’un point de vue philosophique, que perd la droite en refusant le « conservatisme » ?
Le conservatisme, c’est une étiquette, à connotation négative dans notre pays, un peu comme « la réaction ». D’ailleurs, la droite accuse aussi la gauche de conservatisme sur les réformes économiques. Je pense que personne ne doit se laisser enfermer dans des étiquettes. Il faut prendre chaque sujet au cas par cas et s’interroger sans a priori sur les bonnes solutions pour le pays. Le conservatisme signifie que l’on est favorable au maintien des choses en l’état. Or nul ne conteste que la France a besoin d’être réformée en profondeur. Je crois que personne n’a rien à gagner à se proclamer conservateur dans une société qui a besoin de transformations. En revanche, la droite devrait être beaucoup plus ferme dans ses convictions et dans la défense de ses valeurs éducatives, intellectuelles, qui sont le socle de la vie en société. Ainsi, quand le précédent gouvernement a supprimé ou fortement réduit l’enseignement du latin et du grec, peu de responsables politiques ont marqué leur opposition. Certains l’ont fait, mais la plupart avaient trop peur de se ringardiser en défendant l’enseignement des langues classiques. De même, la réduction de l’enseignement du français, de l’histoire ont un impact désastreux sur le long terme en affaiblissant le niveau scolaire des Français c’est-à-dire leur capacité d’adaptation et leur esprit critique. Face à cette réalité, la question n’est pas d’être conservateur ou de ne pas l’être, mais de lutter contre une grave dérive. Et cela personne n’a su le faire.
3- Dans un environnement politique français particulièrement mouvant depuis la campagne présidentielle, la droite n’aurait elle pas justement intérêt à se définir clairement, en ignorant les tendances de l’opinion ?
Mais comment ignorer les tendances de l’opinion dans une démocratie ? Au contraire, il faut chercher des réponses aux attentes des Français. Voyez le sondage CEVIPOF sur la confiance des Français. D’année en année, il indique que 89% des Français pensent que les politiques ne tiennent aucun compte de ce que pensent les gens comme eux. La rupture entre les élites et le peuple ne cesse de s’aggraver. Elle se traduit par une poussée vertigineuse de l’abstention, plus de 50% aux dernières législatives, et par la montée du vote protestataire. Que disent les Français sur le chômage, l’école, l’autorité de l’Etat, la sécurité, la maîtrise de l’immigration ? Le rôle des politiques est d’être à leur écoute et de leur apporter des réponses. Ils doivent tenir un discours de vérité. Les gens n’attendent pas des solutions miracles. Ils veulent sentir que leurs attentes sont prises en considération par les dirigeants. La politique devient beaucoup trop une affaire de grand spectacle et d’image narcissique. La priorité absolue de la droite, dans l’avenir, est de la ramener au monde des réalités, en finir avec les postures pour se mettre au travail. Mon sentiment, c’est que dans l’avenir le mot d’ordre de la droite ne doit pas être le conservatisme, synonyme d’immobilisme ce qui serait suicidaire, mais le sens des réalités, de la vérité et de l’intérêt général. Mais nous n’en sommes malheureusement pas là…