Des preuves d’incendies datant de l’ère glaciaire retrouvées au coeur des Alpes

Si les incendies de végétation sont communs en été sous les latitudes tropicales ou méditerranéennes, il est inattendu de découvrir des preuves d’incendies en haute montagne et de surcroît à une époque glaciaire. Cependant, de telles preuves ont été découvertes dans le massif du Queyras (Alpes, France) à 2 240 m d’altitude.

Une étude internationale conduite par Christopher Carcaillet, directeur d’études EPHE au Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés (CNRS/Université Lyon 1/ENTPE) et Olivier Blarquez (Université de Montréal) a permis de reconstruire la fréquence des feux de végétation et la composition des boisements durant les derniers 20 000 ans, incluant le dernier maximum glaciaire. Cette étude apporte la preuve d’un refuge glaciaire d’arbres, soit un lieu isolé où les arbres ont survécu en population restreinte sous conditions extrêmes, qui a été sujet à des incendies. Elle permet ainsi une analyse qui décompose les interactions de long terme entre les feux, la végétation et le climat.

Cette découverte a été publiée en ligne le 14 août 2017 dans la revue internationale New Phytologist.

Les incendies de végétation se propagent lorsque du combustible est disponible et que le climat est sec. Il est
contre-intuitif d’imaginer des incendies de végétation en zones périglaciaires, subpolaires ou montagnardes. Or,
c’est ce que des sédiments lacustres de haute montagne ont révélé. Des incendies, certes rares, mais bien
attestés par des charbons de bois, y compris durant des époques glaciaires et postglaciaires.

Des incendies ont pu avoir lieu sur le site du massif du Queyras (Alpes occidentales) car des arbres y ont survécu
en pleine époque glaciaire, comme en atteste la présence de macrorestes (feuilles, graines Ce site a hébergé un
refuge glaciaire de pins cembro et de mélèzes en isolement « telle une île au milieu d’un océan de glace ». Ces
arbres en situation de refuge durant le dernier maximum glaciaire pourraient être à l’origine des lignées
génétiques de pins cembro et de mélèzes qui occupent aujourd’hui les vallées internes des Alpes occidentales.

En outre, le régime de feu a changé simultanément avec le changement de dominance de couvert d’arbre. Au
début de l’Holocène (vers 10 700 ans) le climat devient plus chaud et plus humide : le pin cembro qui dominait
en période glaciaire (froide, sèche), à faible fréquence de feu, a été remplacé par le mélèze, associé à des
incendies plus fréquents.

Cette étude montre donc qu’un climat périglaciaire ne présume pas de l’absence d’incendies. Des arbres (ici le
pin cembro) sont nécessaires aux incendies en haute montagne, et si le climat régule la fréquence des feux, ces
derniers, en retour, contrôlent la diversité des arbres. Cette étude fait écho aux récents incendies dans les
toundras de l’Arctique, qui sont de plus en plus envahies par les arbres, avec des conséquences importantes sur
le cycle du carbone, ce qui interpelle la communauté scientifique. Les changements de couvert boisé en haute
montagne sous l’effet du réchauffement climatique, et surtout de la déprise agricole, risquent d’accentuer la
propagation des feux dans les prochaines années.
Référence de l’article
“Fire ecology of a tree glacial refugium on a nunatak with a view on Alpine glaciers”, New Phytologist, Christopher
Carcaillet (1,2,3,4) and Olivier Blarquez (4,5), http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/nph.14721/full publié le 14
août 2017.

Organismes partenaires

  1. EPHE, PSL Research University, 4–14 rue Ferrus, Paris F-75014, France.
    CEFE UMR 5175, CNRS, Université de Montpellier, Université Paul-Valéry Montpellier, Biogéographie et Ecologie des Vertébrés, 1919 route de Mende, Montpellier 34293, France.
  2. Laboratoire d’Écologie des Hydrosystemes Naturels et Anthropisés (UMR 5023 CNRS), Université Lyon 1,
    Villeurbanne Cedex F-69622, France.
  3. LTER Zone Atelier Alpes, Grenoble F-38000, France.
  4. International Associated Laboratory (LIA France-Canada MONTABOR), Montpellier F-34000, France.
  5. Département de Géographie, Université de Montréal, C.P. 6128 Succ. Centre Ville, Montréal, QC H3C 3J7,
    Canada.

Contacts

Christopher CARCAILLET,
Directeur d’études, EPHE,
Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés (CNRS/Université Lyon 1/ENTPE)
Tél. : 04 72 43 12 94
christopher.carcaillet@ephe.sorbonne.fr

Patricia LEDOUX,
Directrice de la communication
Tél. : 01 53 63 61 50
patricia.ledoux@ephe.sorbonne.fr

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Notes :

1 membres du Laboratoire international associé franco-canadien MONTABOR

Références :

“Fire ecology of a tree glacial refugium on a nunatak with a view on Alpine glaciers”New Phytologist, Christopher Carcaillet and Olivier Blarquez, publié le 14 août 2017, Consulter le site web.

Author: Redaction