Il paraît que la période électorale en cours est la plus incertaine de l’histoire! Pourtant, notre époque est au contraire étrangement convenue et prévisible. Essayons de dessiller ce qui espèrent encore en un lendemain meilleur. Il me semble que l’avenir proche est déjà scellé dans le marbre. Le champ des possibles se resserre. Nous sommes face à trois alternatives sérieuses:
- Victoire de M. Macron (40% de chances) : l’extase, et l’immobilisme. Que se passe-t-il dans cette hypothèse que les médias et les sondages présentent désormais comme la plus forte probabilité? Au début, de mai à septembre, un vertigineux extase collectif. Les médias sont ivres de bonheur. « L’été français ». Pensez-vous, un jeune homme de 39 ans, souriant, beau et bien élevé, ni droite ni gauche, tout le monde l’aime, le renouvellement, la jeunesse, l’ouverture et la modernité. Nous vivons un temps d’euphorie nationale ou tout s’efface devant la prodigieuse joie collective et le monde nouveau qui s’ouvre; le miracle français, un peu comme lors de la Victoire du 12 juillet 1998 en finale de la coupe du monde de football, une sorte de jouissance infinie, un émerveillement de la France réunifiée, la France qui gagne, et fait la « une » de la presse et de médias jusqu’à septembre. 9 mai: un millions de Français célèbrent une ère nouvelle sur les Champ Elysées. A l’Assemblée, M. Macron obtient le soutien d’une vaste coalition enthousiaste, du centre gauche et du centre droit, incluant M. Valls, M Perben, M. Estrosi, Mme Montchamp, les amis de M. Bayrou, etc. Un Premier ministre centriste est nommé à la tête d’un gouvernement composite. Septembre: que faire qui soit consensuel et préserve la belle unité nationale et la coalition? Surtout ne pas toucher au 35 heures, à l’ISF, au droit du travail, aux lois sur la sécurité et l’immigration, à la réforme de l’Europe, aux institutions. Il reste à augmenter les impôts en douce pour financer quelques mesures de redistribution supplémentaire et surtout communiquer, beaucoup se montrer et parler pour préserver l’illusion du renouveau. Janvier: le chômage ne baisse pas ou si peu et si lentement, la croissance reste terne, la violence explose partout, les policiers sont agressés, le danger terroriste menace, frappe, les squats et bidonvilles continuent à se propager dans Paris, le grandes villes et le Nord. La désillusion est effroyable. M. Macron n’est plus le dieu vivant de l’année passée mais devient pour la France d’en haut « l’énarque banquier » à la solde des « puissances financières »; sa vie privée est fouillée, son rapport à l’argent suinte de partout, un tas d’horreurs remontent et s’étalent. Il devient l’homme à abattre, le maudit suprême, pire que Hollande! Et la France poursuit sa route déclinante.
- Victoire de M. Fillon (40%): l’hystérie et le dilemme. L’élection de François Fillon est le seul scénario inadmissible pour le pouvoir médiatique. Il marquerait son échec, la faillite du plus grand lynchage médiatique de l’histoire politique française. On imagine le déchaînement de haine de la presse dite de gauche, des médias, radios, télévisions, abasourdis par le coup du sort qui les frappe. Les électeurs français seront passés outre l’opération de propagande qui ruisselle sur la France depuis janvier. Ils ne se seront pas soumis au pouvoir médiatique. L’affront est sans précédent. Une nouvelle déferlante de haine se déchaîne contre le chef de l’Etat. Toutefois, cette hypothèse est la seule où le président a de bonne chance de disposer d’une majorité LR à l’Assemblée, cohérente et solide. Il disposera alors de deux options: l’une intelligente consistant à désigner un puissant et autoritaire gouvernement qui prendra en main la réforme du pays, une réforme difficile et de longue haleine, mais inévitable dans l’intérêt du pays; ou bien s’exposer lui-même au premier plan, sur tout et n’importe quoi, à l’image de ses prédécesseurs, gesticuler à son tour en réponse au déchaînement contre lui, et se voir peu à peu emporté dans une logique de destruction, d’hystérisation de son image, de chute dans l’enfer du narcissisme stérile et de l’impuissance. Tel sera son dilemme.
- Victoire de Mme le Pen (20%): l’hypocrisie et la crise. Bien sûr que cette hypothèse n’a plus rien d’invraisemblable. Et ils l’auront bien cherchée et bien voulue, ces médias qui ne cessent de la mettre en avant en prenant soin de la ménager, ces éditeurs de romans ou de bande dessinées, ces commentateurs, éditorialistes, ces cinéastes qui l’ont anticipée depuis des mois, en prétendant mettre en garde l’opinion, mais en banalisant sournoisement la perspective d’un pareil avènement. Et au fond, ils auront obtenu gain de cause: voici, à la tête de l’Etat, l’héritière du parti créé par son père en 1970. Les cris d’indignation, les manifestations, les larmes d’horreur ne seront que de façade, pour masquer une intense et profonde jubilation: la voilà démasquée cette France « moisie » la preuve en est faite de ce qu’est la France, son essence même, une France assimilée au lepénisme et tout ce qu’il incarne en profondeur. L’heure est au sensationnel, aux innombrables expertises en sociologie, les « intellos » du quartier latin ont du grain à moudre. Combien de unes et d’ouvrages savants sur l’avènement du lepénisme à la tête de l’Etat français? Et aussitôt, un chaos inouï s’enclenche. L’extrême gauche, convergeant de toute l’Europe, sème la terreur et la confusion dans la rue. Les policiers et l’armée sont débordés. Un « front républicain » se met en place de facto: une gigantesque majorité anti-lepéniste domine l’Assemblée (500 députés sur 577). Les chefs d’Etat occidentaux et Européens répugnent à tout contact avec le nouveau président français. Tout premier ministre désigné est aussitôt renversé par l’Assemblée: aucun gouvernement n’est possible. L’administration, qui n’est plus dirigée, entre en dissidence. Des grèves se déclenchent. Janvier: le pays est bloqué, paralysé, son économie s’effondre, des vagues de licenciements déferlent, la violence se déchaîne dans tout le pays, n’épargnant même plus les quartiers bourgeois. Et nul ne perçoit de sortie de crise. Oui, les apprentis sorciers auront gagné leur pari!
Pessimiste, moi? Non pas du tout. Réaliste: tout cela je le vois venir comme si j’y étais déjà!
Maxime TANDONNET