L’anéantissement de la politique française

Ici, j’entends la politique au sens noble du terme, celui de « gouvernement de la cité ». Qu’en reste-t-il en ce moment? Emmanuel Macron est devenu le favori de l’élection présidentielle de mai 2017. D’aucuns voient dans son succès le fruit d’une manœuvre souterraine, orchestrée de longue date dans les coulisses de l’Elysée pour prolonger le mandat de M. Hollande. Je ne partage pas ce point de vue. L’ascension de M. Macron est selon moi bien au contraire le fruit du chaos absolu dans lequel a sombré la vie politique française depuis des années. La succession des affaires (DSK, Cahuzac, etc) les scandales à répétition, les mensonges et les échecs, le carriérisme exacerbé au détriment de l’intérêt général, les massacres terroristes commis sur le sol français,  ont provoqué une crise de confiance, un climat d’aversion envers la vie publique. Dans une atmosphère de désespérance et de démence collective, les digues du bons sens ont cédé. Les Français se raccrochent à une image, une illusion, celle de la jeunesse, du renouveau, le mythe de l’homme « neuf ». Certes, le monde médiatique a porté à bout de bras la montée de M. Macron. Mais ce soutien n’explique pas seul un triomphe qui s’enracine dans une atmosphère de chaos absolu.  Il repose sur un vide fantastique. M. Macron n’a pas de parti politique. Il existe à travers d’éphémères polémiques qu’il a déclenchées et désormais, une vague de ralliement droite-gauche puant l’hypocrisie et le carriérisme le plus sordide. Sur les grands sujets d’envergure présidentielle, l’avenir de l’Europe, les institutions, la politique industrielle, la maîtrise des frontières, la politique internationale de la France, son discours est d’un vide abyssal. Le débat qu’il a ouvert sur la « taxe d’habitation » illustre sa pauvreté! Son succès est celui du néant. Il repose sur la destruction en cours du parti socialiste et de ses alliés, mais aussi de la « droite » républicaine. Il annonce, s’il est élu, la fin de la fonction présidentielle, l’aboutissement d’un long processus d’anéantissement de l’autorité élyséenne qui remonte au début des années 2000. Sans soutien d’un parti, sans la moindre esquisse d’une majorité parlementaire durable, sans idée, sans ligne politique claire, son arrivée à l’Elysée, après trois mois d’euphorie hystérique, marquerait probablement la désintégration, en peu de temps, des derniers vestiges du prestige présidentiel. Alors, il faut espérer autre chose, espérer l’achèvement de la décomposition du système politique – la désintégration et la disparition du parti lepéniste en est un préalable –  sa recomposition autour d’une majorité d’idées et de conviction, l’émergence sur les ruines de la politique française, d’un grand Premier ministre réformateur, visionnaire, homme de caractère à la tête d’un gouvernement de combat, qui mouchera sèchement le fantôme d’un chef de l’Etat, lui demandera de s’enfermer à l’Elysée ou mieux, à Rambouillet, et de le laisser travailler pour le bien commun. Les esprits sont-ils mûrs pour une telle révolution? Rien de moins sûr…  Mais peu importe, ce sont les circonstances, issues du présent chaos, qui imposeront en définitive leur loi.

Maxime TANDONNET

Author: Redaction