M. Fillon a perdu 11 points dans le dernier sondage sur la cote d’avenir des hommes politiques, et il est repassé derrière la candidate lepéniste ans les intentions de vote du 1er tour des présidentielles. Il n’est pas certain qu’il faille y voir un simple trou d’air. Vainqueur des primaires de la droite et du centre, sa dynamique semble brisée. Le phénomène est à prendre au sérieux. Quelque chose ne marche pas entre lui et les Français et il est grand temps qu’il s’en rende compte avant le désastre d’un échec aux présidentielles et l’arrivée à la tête de l’Etat d’une personnalité socialiste ou extrémiste. Il a grand tort de revendiquer un mot comme celui de « radicalité » et d’affirmer haut et fort que rien ne le fera bouger d’un iota de son « programme ». Le fond du problème est que la France est une société meurtrie, blessée dans sa chair par le terrorisme, le chômage de masse, les 5 années épouvantables qu’elle vient de traverser. Il faut bien sentir le climat de ce pays. Les Français dans leur majorité silencieuse – en dehors des marges extrémistes du pays – ne croient plus à l’homme providentiel, au sauveur, qui vient avec sa vérité toute emballée et son programme salvateur, conçu par des conseillers, pour soi-disant faire le bien de tous. Ils ont été trop déçus par des bienfaiteurs droits dans leurs bottes fiers comme Artaban, qui ne leur ont apporté que des malheurs et des humiliations. Ils veulent, ils exigent d’être écoutés par leurs dirigeants. 88% déplorent que les politiques ne tiennent aucun compte de ce que pensent les gens comme eux (CEVIPOF). Une nouvelle révolution silencieuse s’est produite dans ce pays. Dans ce contexte, il est suicidaire de revendiquer une « radicalité » et d’en faire un mot d’ordre, de se donner une image « droit dans ses bottes » et marchant en avant les yeux fermés avec des œillères. La certitude immuable, dans le monde moderne, est le chemin le plus sûr vers la capitulation en rase campagne et l’échec. L’idée d’un président Jupiter, armé de sa foudre et élu pour apporter la vérité et le « bien » est désormais obsolète, inacceptable pour la grande majorité à l’exception des idolâtres extrémistes. L’exigence d’écoute et de démocratie est immense. L’idée d’un homme ou femme, d’un sauveur, voire d’un petit groupe qui impose unilatéralement sa vérité et sa notion du bien à la majorité silencieuse n’est plus audible. Elle a trop fait de dégâts. Les élections présidentielles sont celles de la confiance en une personnalité. Les législatives ne sont pas qu’une simple routine, comme le croient les candidats aux présidentielles (y compris Macron qui n’a rien compris à cet égard), mis le lieu du dialogue démocratique sur le programme des cinq ans. Si M. Fillon ne comprend pas cela rapidement, il va au devant de graves déboires. Et la France avec lui.
Maxime TANDONNET