La grande illusion

sans-titreL’hebdomadaire Marianne publie un éditorial  qui aborde le sujet de fond sur la politique française, condamnant l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel et le principe « d’un président de la République tout puissant ». Cet article soulève une vraie question mais à mes yeux, se trompe sur le diagnostic. « Il faudra bien, un jour, se poser la question taboue de l’élection du président de la République au suffrage universel. Grâce à un statut de monarque républicain, ce dernier est doté de pouvoirs exorbitants qui écrasent tous les autres. Or ce n’est pas parce que les partis ne jouent plus leur rôle qu’il faut idéaliser la pratique du sauveur suprême. La démocratie, c’est le pouvoir du peuple, non le pouvoir d’un homme sur le peuple. » Le problème de la France d’aujourd’hui n’est pas la toute puissance présidentielle, mais bien au contraire la grande illusion présidentielle. La culture politique actuelle, à l’image de cet éditorial et d’une chimère largement répandue, fait de lui le détenteur suprême du pouvoir politique et le maître du destin national. Jamais une aussi grande illusion n’avait à tel point perturbé les esprits et découragé les bonnes volontés. En vérité, la grande illusion de la toute puissance, écrase tout sur son passage. La Constitution fait du chef de l’Etat un arbitre, garant des institutions et de l’intégrité du territoire (article 5) mais ne lui reconnaît que très peu de pouvoirs personnels en dehors de la dissolution de l’Assemblée (article 12). Ce dernier a tenu son autorité, pendant des décennies, de son élection au suffrage universel source d’un prestige lui permettant de contrôler une « majorité présidentielle » à l’Assemblée. Que reste-t-il de ce prestige présidentiel aujourd’hui? Quasiment rien et le prochain mandat a toutes les chances d’être pire que l’actuel, avec une majorité sans but, sans programme, déchirée par les rancunes, peut-être introuvable dans la perspective d’une résistance sur le terrain des socialistes et d’une poussée lepénienne. Le président n’est plus un monarque républicain et encore moins un sauveur suprême, sinon le temps d’un état de grâce de plus en plus court au fil des mandats. Il faut cesser de le croire. Depuis quarante ans d’échecs de tous les présidents, sans exception, à maîtriser la dette, à régler les problèmes du chômage et de la violence, de la désintégration sociale, il est tout de même étrange que subsiste le mythe de la toute puissance présidentielle. Les présidences bavardes, vaniteuses et gesticulantes, ne s’expliquent pas autrement: paraître à n’importe quel prix pour exister. La semaine dernière, j’ai écrit pour Figaro Vox ce que je pensais des primaires de la droite et du centre et j’ai répondu aux questions du site Atlantico sur le même thème. Sans doute sont elles un pis aller dans le contexte actuel , un gadget inévitable pour éviter le scénario délirant  d’un deuxième tour des présidentielles opposant un candidat socialiste et un lepéniste. Mais elles sont  avant tout le symptôme de la  décomposition et du nihilisme qui emportent la société politique française. C’est ce néant, face aux grands enjeux de l’époque – l’avenir de l’Europe, la maîtrise de l’immigration, le déclin industriel de la France, la poussée des passions identitaires, le devenir de l’école et de l’intelligence – qui est absolument dramatique et nous entraîne à l’abîme, sauf prise de conscience collective de toute urgence.

Maxime TANDONNET

Author: Redaction