Lecture: Histoire du monde, J.M Roberts, O.A Westad, Perrin 2016 (T1)

couv_histoire_monde_3d-1Il n’existe pas de plus grand bonheur au monde que la lecture d’un excellent livre. Depuis quelques nuits, je suis plongé dans la lecture de l’Histoire du monde de Roberts et Westad. Dès les premières lignes, sur la genèse de l’humanité, ce livre prend à la gorge et on a un mal fou à la quitter tant il est captivant,  fascinant, bouleversant. Il se lit exactement comme un roman d’aventure, l’aventure de notre espèce. Il combine l’érudition et une prodigieuse facilité de lecture. Il nous explique la naissance de l’homme, la sortie de la préhistoire – qui n’était pas sans splendeurs –  et le processus d’édification des civilisations environ 6000 ans avant JC autour des cités de Mésopotamie. Le plus étrange est cette continuité entre les millénaires sur lesquelles l’ouvrage insiste, pointant le lien entre la première grande civilisation, Sumer, et les idées, les pensées, les croyances qui sont parvenues jusqu’à nous.

« Outre ce genre de relevés, l’invention de l’écriture [par Sumer 6000 av JC] permet à l’historien de s’immiscer dans le passé d’une autre façon. Grâce à elle, il dispose enfin d’éléments solides qui lui permettent de parler en connaissance de cause des mentalités […] L’épopée de Gilgamesh est la plus vieille histoire du monde. C’est lui, tel qu’on le retrouve également dans d’autres poèmes, qui devait devenir le premier personnage et le premier héros de la littérature mondiale. Pour le lecteur moderne, le passage le plus frappant de cette épopée est certainement celui où se trouve évoquée l’arrivée d’une grande inondation qui détruit tout le genre humain, à l’exception d’une famille qui survit en construisant une arche […] La Mésopotamie inférieure  dû être sujette de tout temps à des variation du niveau des eaux qui mettaient gravement en danger le fragile système d’irrigation dont dépendait sa prospérité. Les inondations, notamment, avaient vite fait de tourner à la catastrophe; elles ont pu contribuer à engendrer ce fatalisme désabusé dans lequel certains spécialistes ont vu la clé de la religion sumérienne. C’est cette humeur sombre qui donne la tonalité à l’épopée. Gildamesh multiplie les exploits dans un effort incessant pour s’affirmer face aux lois d’airain des dieux qui vouent l’humanité à l’échec […] De l’eau finit par émerger la terre: ce qui nous est proposé ici équivaut peut-être à un récit de la création du monde, à une genèse. Dans l’Ancien Testament [qui  s’en inspire], c’est la volonté de Dieu qui fait sortir la terre des eaux, et cette interprétation a satisfait la plupart des Européens cultivés pendant près d’un millénaire. Il est fascinant de penser que nous pourrions devoir une bonne part de notre fonds culturel à la reconstruction mythique faite par les Sumériens de leur préhistoire, c’est-à-dire de l’époque où les marais du delta furent transformés en terres agricoles. »

Cet ouvrage splendide, qui mène sans le moindre effort à l’air vivifiant de la plus haute altitude, nous incite à relativiser notre place dans l’histoire, en tant qu’individu, que nation, les malheurs du quotidiens et les déceptions de l’actualité, à comprendre d’où nous sommes issus. Elle ouvre bien sûr de nouveaux horizons, gigantesques, à la réflexion sur le passé et l’avenir de l’espèce humaine. Mais là n’est pas le plus important à mes yeux. Cette lecture est la source d’un intense moment de plaisir et de bonheur tout simple, le bonheur de la découverte et n’est-ce pas là l’essentiel de ce qu’il faut attendre d’un livre?

Maxime TANDONNET

 

 

Author: Redaction