La transgression de M. Valls

téléchargementLes propos de M. Valls, parlant « de guerre de civilisation » qu’on ne doit pas perdre », ont quelque chose de sidérant. En effet, les termes mêmes de « guerre de civilisation », dans la pensée dominante socialo-médiatique, sont la quintessence de la « réaction », appelant tous les qualificatifs de rigueur: nauséabonde, ignominieux, honteux, ignoble, etc. N’importe quel homme politique de l’autre bord, en prononçant ces paroles eût provoqué une épouvantable polémique de deux semaines, avec appel à la démission, renvoi aux « heures sombres de l’histoire, etc. » On se souvient du tollé déclenché par M. Guéant fin 2011 pour avoir déclaré que « toutes les civilisations ne se valent pas », expression nettement en retrait sur celle de « guerre de civilisations », dont même le parti lepéniste ne veut pas entendre parler, dans sa course à la dédiabolisation… Alors pourquoi une pareille trangression? Il faut y voir trois explications possibles:

1)-Le dérapage, l’erreur de communication, commise dans l’élan d’une interview. Difficile à croire: M. Valls est un pur professionnel de la politique, de la communication. Ses mots sont calculés, il n’est pas homme à commettre une bourde de ce genre.

2)-L’opération tactique, de court terme, le calcul politicien. Nous voyons quotidiennement à quoi se résume pour l’essentiel la politique aujourd’hui: une course à la posture, au bon mot, à la provocation destinée à faire parler de soi pour occuper le terrain médiatique. Il faut toujours frapper un peu plus fort pour susciter l’intérêt des radios et télévision, faire le « buzz », d’où une surenchère verbale permanente (« 5ème colonne », « Nutella », fuites d’eau, etc.) Faute de pouvoir ou de vouloir changer les choses, les politiques s’engagent dans une spirale de polémiques destinée à donner le sentiment de l’événement, du mouvement et de l’action tout en attirant l’attention sur eux. Dès lors, il aurait juste cogné un peu plus dur que les autres.

3)-La révolution stratégique, l’anticipation. Dans cette hypothèse, M. Valls aurait bien senti le séisme idéologique en cours dans notre pays, le mouvement profond des idées se manifestant par les cris d’alarme des intellectuels face au danger fondamentaliste. Il aurait compris que la soi-disant « gauche » idéologique, fondée sur la bienpensance, l’accueil bienheureux, la sublimation du communautarisme, la société multiculturelle, l’avenir radieux du « vivre-ensemble », l’esprit du 11 janvier, est en train de voler en éclats. Il anticiperait une profonde révolution de la pensée politique et une recomposition de la classe politique. Dès lors, M. Valls serait un visionnaire en avance sur son temps.

La seconde hypothèse, faut-il le préciser, est celle qui a ma faveur…

Maxime TANDONNET

Author: Redaction