La bêtise est la maîtresse de ce monde, la mère de toutes les catastrophes, les guerres, le totalitarisme, les génocides. Elle est l’autre face de la méchanceté, ce fléau suprême. Elle commence dans notre vie quotidienne, fermente, envahit tout. Quand j’allume mon poste de télévision ou ma radio, je suis comme terrassée par la bêtise, assommé, groggy dans mon fauteuil. Bien sûr que ce que j’écris est prétentieux, mais je l’assume, et alors? Six conseils toutefois, pour lui résister, s’engager dans la résistance contre la bêtise:
- Rejeter affligeante idolâtrie qu’on nous assène, les cultes de la personnalité, le matraquage autour de quelques personnages, clans ou familles, supposés sauveurs, leurs conflits, leurs bons mots et leurs disputes. C’est grotesque. Les héros n’existent que dans l’histoire, après coup, ceux qui ont accompli un exploit avéré pour leur pays. Idolâtrer un personnage, une famille ou un clan, mis en avant par la magie des médias, est un signe express de soumission. Les jeux de boucs- émissaires, de lynchage médiatique, les polémiques sur les personnes, procèdent de la même crétinerie inversée.
- Refuser la vision strictement franchouillarde et cocardière: la France fait partie de la planète, elle n’est pas isolée, tout ce qui s’y passe trouve une explication ou une influence au dehors. On ne peut absolument rien comprendre à la France, aux phénomènes qui y surviennent, aux événements qui s’y déroulent, si l’on ne s’intéresse pas tout autant à ce qui se passe en Europe et dans le monde.
- Se garder de tout esprit de table rase. En permanence, l’immédiat nous asphyxie, nous manipule. Le message suprême de notre époque: il n’y avait rien auparavant. On repart à zéro! Les bilans, les saloperies du passé, les échecs comme les réussites: oubliées, enfouies, à la trappe… C’est pourquoi tous les pouvoirs s’acharnent depuis des décennies à réduire la place de l’histoire dans l’éducation. La résistance commence par la curiosité historique, pas forcément la connaissance, mais l’intérêt, l’envie de la découverte…
- Ne pas surestimer la politique. Il n’est pas de slogan plus imbécile que le soixante-huitard « tout est politique » qui a empoisonné notre jeunesse. Non, tout n’est pas politique justement, le bonheur de vivre, de lire un bon livre, de s’occuper de ses enfants, de marcher seul dans la forêt ou sur la plage, d’écouter un morceau de Chopin, de faire du sport, de prier si on a une religion, cela n’a rien de politique et ne concerne que le jardin secret, la vie privée de chacun.
- Rester lucide sur le pouvoir. Il est totalement absurde d’imaginer que les gouvernements, les dirigeants politiques peuvent accomplir des miracles. La monde est dirigé par de puissants courants économiques, démographiques, idéologiques, qui échappent à la logique humaine, entraînent tout sur leur passage et s’affrontent de temps en temps. La marge d’action des gouvernements sur ces phénomènes est minime, elle joue sur 10 à 20% du réel grand maximum. On peut tenter de les apprivoiser, les canaliser, les orienter mais vouloir lutter de face contre eux conduit toujours au désastre.
- L’élitisme, la croyance dans l’intelligence supérieure de quelques-uns est enfin la bêtise la plus monstrueuse de toutes. Les grands esprits ne cessent de se tromper, de dire n’importe quoi. Les génies, les surdoués, les stratèges finissent toujours dans le fossé. Je me souviens de ce grand savant, X, ENA, homme politique, écrivain, intellectuel parmi les plus célèbres, qui m’affirmait, fin 2011: « je n’ai strictement aucun doute, Sarkozy sera réélu dans 6 mois » (sic). L’intelligence est partout, insaisissable, fuyante, libre de toute attache, dans la passion, la curiosité, le travail manuel et artistique ou la sociabilité, la compréhension des autres, autant que dans les exercices intellectuels. Celui qui prétend la tenir, se pense supérieur aux autres, est forcément le premier des imbéciles.
Maxime TANDONNET