Marisol TOURAINE a répondu aux questions de Christine MATEUS, journaliste du Parisien, à l’occasion des 40 ans de la loi Veil et de la présentation du Programme national d’action pour améliorer l’accès à l’IVG en France.
Vous pouvez lire son interview ci-dessous ou sur le site du Parisien en cliquant ici.
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Touraine veut «que les sages femmes réalisent des IVG médicamenteuses»
A l’occasion des 40 ans de la loi Veil, la ministre de la Santé présente ce vendredi son plan pour améliorer l’accès à l’avortement. Marisol Touraine souhaite que les sages femmes puissent pratiquer les IVG médicamenteuses.
L’Assemblée nationale a adopté en novembre, de façon symbolique et consensuelle, une proposition de résolution cosignée par tous les présidents de groupes pour réaffirmer le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France et en Europe.
Ce vendredi, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, présente ses ambitions pour faire évoluer l’application de ce droit qui, il y a quarante ans, a changé la vie des femmes. La socialiste se dit notamment favorable à ce que «les sages femmes soient autorisées à réaliser des IVG médicamenteuses et les médecins des centres de santé, des IVG instrumentales».
Que représente pour vous la loi Veil et est-elle aujourd’hui menacée ?
Marisol Touraine.La loi Veil a fait bien plus que dépénaliser l’avortement. C’est une loi d’égalité, d’émancipation pour les femmes. Il est important de la célébrer. Quarante ans, ce n’est pas rien et cet anniversaire intervient à un moment où l’on a besoin de rappeler qu’il faut toujours se battre pour garantir les droits, y compris pour celui de l’IVG même si celui-ci est solidement ancré dans notre pays. Il existe aujourd’hui un discours moralisateur que l’on n’entendait plus et qui revient. Pas suffisamment fort pour remettre en cause ce droit mais suffisamment présent pour être préoccupant.
Les anti-IVG, se sont manifestés lors du débat à l’Assemblée, sur la suppression de la notion de «situation de détresse». Certains évoquaient une banalisation de l’acte.
L’avortement n’est banalisé par personne, mais la notion de détresse a été supprimée car elle ne correspond plus à la réalité. Cela a suscité des réactions de la part de parlementaires minoritaires mais très bruyants. Il faut donc être attentif, vigilant, parce que ce qui a été conquis n’est pas nécessairement acquis. C’est pour cela aussi que j’ai voulu proposer un programme d’actions qui permette de garantir l’accès effectif de toutes les femmes au droit à l’avortement.
Quelles sont les principaux objectifs de ce plan que vous présentez ce vendredi à Saint Denis ?
Ils sont au nombre de trois : assurer une meilleure information des femmes sur leurs droits, faciliter le parcours de celles qui souhaitent avorter et garantir son accès partout sur le territoire. Nous allons ainsi mettre en place, en septembre, un numéro national unique d’appel, pour répondre aux questions sur la sexualité, la contraception et l’IVG, sachant qu’il existe déjà le site gouvernemental*. Nous lancerons aussi une grande campagne d’information pour le faire connaître.
Le délai légal de recours à l’avortement qui est aujourd’hui fixé à 12 semaines n’est-il pas trop court ?
Je crois que non. Nous avons un délai qui est assez long. Il s’agit d’éviter, le plus possible, les avortements tardifs, qui sont toujours plus risqués, et les avortements souhaités qui se retrouvent hors délai, obligeant certaines femmes à se rendre encore à l’étranger. Pour faciliter ce parcours, nous irons aussi au bout du processus de prise en charge à 100% de l’IVG. Depuis 2013, l’acte est totalement remboursé par la sécurité sociale. Désormais, l’ensemble des actes associés à l’IVG le seront également, comme les échographies ou les examens de biologies médicales.
Mais les associations constatent un manque de médecins pratiquant les IVG…
Je veux garantir à toutes les femmes qu’elles pourront trouver à côté de chez elles un moyen d’avorter si elles le souhaitent, et avoir le choix entre les méthodes utilisées. Pour cela, je demande à toutes les régions de faire d’abord un diagnostic sur les besoins existants et de proposer sur cette base, des solutions adaptées à chaque territoire. Par ailleurs, je propose que les sages femmes soient autorisées à réaliser des IVG médicamenteuses et les médecins des centres de santé, des IVG instrumentales, ce qui aujourd’hui ne leur est pas possible.
Les chiffres sur l’avortement ne baissent pas, est-ce inquiétant ?
Nous avons 210 000 avortements environ chaque année. C’est un chiffre stable. Est-ce que c’est trop ? La France est un pays où l’on fait beaucoup de bébés. C’est la meilleure des réponses. Il n’y a pas de bon ou de mauvais chiffre sur l’IVG et arriver à zéro est impossible. Il y a des femmes pour qui ce n’est pas le bon moment d’avoir un enfant, des femmes qui n’en veulent pas ou pour qui la contraception n’a pas marché. L’IVG n’est pas un acte banal et il n’y a pas de jugement à porter.