Qu'est ce que les JIRS ?
Créées par la loi du 9 mars 2004 et mises en place en octobre 2004, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) regroupent des magistrats du parquet et de l’instruction possédant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière dans des affaires présentant une grande complexité.
La loi a donné une compétence territoriale étendue, interrégionale, à 8 juridictions implantées, eu égard à l'importance des contentieux traités et aux aspects liés à la coopération transnationale, à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort de France. Les JIRS ne sont donc pas un nouvel ordre de juridiction.
Spécialisés dans ces matières techniques, les magistrats sont déchargés des dossiers plus simples et bénéficient du soutien d'assistants spécialisés (douane, impôts…) Les JIRS bénéficient de dispositifs novateurs en matière d'enquête (infiltrations, sonorisations, équipes communes d'enquête entre plusieurs pays).
Les JIRS sont la démonstration de la capacité d'adaptation de la justice à la criminalité et à la délinquance modernes. L'autorité judiciaire se voit ainsi dotée d'outils l'autorisant à se montrer volontariste et offensive face aux organisations criminelles souvent transnationales dont le démantèlement est de plus en plus complexe.
Domaines d'interventions des JIRS
La criminalité organisée
Les JIRS sont compétentes dès lors que les infractions visées aux articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale apparaissent d’une grande complexité. Ces articles recouvrent notamment les infractions suivantes :
- Trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, proxénétisme aggravé, vol en bande organisée, crimes aggravés d’extorsion, crimes de fausse monnaie…;
- Toute infraction commise en bande organisée (meurtre en bande organisée, torture et actes de barbarie en bande organisée, vol en bande organisée, escroquerie en bande organisée…) ainsi que le délit d’association de malfaiteurs) ;
- Les infractions connexes.
Quels sont les critères de saisine des JIRS ?
- la pluralité d’auteurs et de complices animés par une résolution d'agir en commun ;
- le caractère organisé et planifié des faits commis par des bandes structurées hiérarchisées, présentant une certaine dangerosité ;
- la dimension nationale voie transnationale des faits ou de l'organisation criminelle;
- la puissance financière et la surface patrimoniale de l'organisation criminelle, le nombre important de victimes, résidant sur l'ensemble du territoire national ou à l’étranger ;
- l'importance des préjudices causés par l'infraction.
Les infractions économiques et financières
La compétence des JIRS s’étend à l’ensemble des infractions visées à l’article 704 du code de procédure pénale :
- les comportements illicites constatés dans la vie de l’entreprise : abus de biens sociaux, banqueroutes, travail illégal, emploi d’étrangers sans titre en bande organisée, infractions au code de la consommation.
- diverses formes de délinquance astucieuse comme les faux ordres de virement internationaux ou les utilisations frauduleuses de données de cartes bancaires, escroqueries à la TVA, abus de confiance et abus de faiblesse très élaborés, commis au préjudice de nombreuses victimes.
- les trafics de marchandises prohibées ou fortement taxées : contrefaçon de marques, contrebande de tabac et infractions au code des douanes.
- les atteintes à la probité : corruption, prise illégale d’intérêt, trafic d’influence.
Les JIRS en quelques chiffres …
- 8 juridictions interrégionales spécialisées implantées en régions.
- 417 magistrats, 28 assistants spécialisés.
- 2 857 nouveaux dossiers entre le 1er octobre 2004 et le 31 décembre 2013 (dont une grande majorité en criminalité organisée : 2246, contre 610 en matière économique et financière et seulement un dossier relevant de la criminalité environnementale) Près de 8 affaires sur 10 traitées par les JIRS relèvent de la criminalité organisée.
- 1 037 affaires de criminalité organisée et 405 affaires économique et financière sont toujours en cours en 2014.
- Les stupéfiants représentent 38% de l’ensemble des affaires traitées par les JIRS, et 48 % du nombre total de dossiers ouverts en criminalité organisée (1087 affaires)
- Les escroqueries représentent 7,6% de l’ensemble des affaires traitées par les JIRS, et 36 % des dossiers ouverts en matière économique et financière (219 affaires). Par rapport à ces moyennes, deux fois plus d’affaires d’escroquerie ont été ouvertes en 2013.
Les affaires emblématiques des Jirs
En criminalité organisée
Affaire des « faux dinars algériens » (JIRS DE LYON)
Le 29 avril 2009, la police judiciaire de Lyon ouvrait une enquête relative à un projet de contrefaçon de dinars algériens de grande ampleur. L’enquête permettait de démontrer que plusieurs malfaiteurs originaires des régions lyonnaise et marseillaise étaient en possession de papiers fiduciaires provenant d’un vol avec armes commis en 2006, au cours duquel 22 rouleaux de papiers permettant chacun l’impression de 400 000 billets de 1000 dinars algériens avaient été dérobés. Les investigations mettaient également en évidence la complicité d’un individu de nationalité italienne ainsi que l’existence d’un réseau d’écoulement des billets en région parisienne. Le 20 décembre 2012, la cour d’assises du Rhône condamnait les 14 accusés à des peines de 4 à 10 ans de réclusion criminelle.
Affaire « Miss Cindy » (JIRS DE FORT-DE-FRANCE)
Arraisonnement le 8 février 2011 au large de la Martinique d’un caboteur battant pavillon de Saint-Kitts-et-Nevis et contenant 302 kilogrammes de cocaïne, à destination de Saint-Martin. 6 personnes natives de Grenade, Cuba et Trinidad étaient interpellées. Le 10 octobre 2013, le tribunal correctionnel de Fort-de-France prononçait 6 condamnations allant de 3 à 8 ans de prison ainsi qu’une amende douanière solidaire de 12 millions d’euros.
En grande délinquance économique et financière
Affaire Wei WANG, démantèlement d’une structure criminelle étrangère (JIRS DE PARIS)
Affaire ayant donné lieu à la saisie en septembre 2011 d’un container de 11,6 tonnes de cigarettes contrefaisant la marque Marlboro, au démantèlement d’une filière chinoise d’approvisionnement des marchés français, allemand et italien et à la condamnation en juin 2013 à la peine de 4 ans d’emprisonnement avec maintien en détention et à une amende douanière de 3 442 650 euros.
Affaire Société Méditerranéenne de sécurité (JIRS DE MARSEILLE)
Dans la continuité de l’action de la JIRS de Marseille en lien avec les juridictions insulaires dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, la délinquance économique et financière et les assassinats en Corse, on peut citer l’affaire dite « SMS » Société Méditerranéenne de Sécurité. Une information judiciaire est ouverte au titre de plusieurs chefs (abus de biens sociaux, faux et usage, recels, blanchiment, escroqueries en bande organisée...) conduisant en 2007 au placement en garde à vue de plus d’une trentaine de personnes, à la mise en examen de près d’une vingtaine, à la délivrance d’une dizaine de mandats de dépôt, et à la saisie du solde du prix de vente d’un bien immobilier. L’affaire aboutit en juin 2011 à des condamnations s’échelonnant entre 4 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis et 10000 euros d’amende puis en octobre 2013, à des condamnations définitives à 2 ans d’emprisonnement dont un an avec sursis et 3 ans d’inéligibilité ainsi qu’à une peine de 3 ans d’emprisonnement dont 2 avec sursis et 5 ans d’inéligibilité.