Le premier oeil de mouche artificiel

Le premier oeil composé artificiel fonctionnel vient de voir le jour : nommé CurvACE, cet oeil dote déjà quelques robots aériens d’une vision panoramique unique grâce à seulement quelques centaines de pixels. Il arrive certes avec 100 millions d’années de retard sur son ancêtre naturel l’oeil de la mouche, mais avec l’avantage de pouvoir être reprogrammé à volonté.
C’est ainsi un véritable oeil de mouche artificiel que viennent de construire ensemble cinq équipes européennes rassemblées dans le projet CurvACE, dont font partie les bioroboticiens de l’Institut des sciences du mouvement (CNRS / AMU) et un électronicien du Centre de physique des particules de Marseille (CNRS / AMU).

Publiés en ligne la semaine du 20 mai 2013 sur le site de la revue Proceedings of the National Academy of Science (PNAS), ces travaux jettent une lumière nouvelle sur l’oeil composé de la mouche, mais aussi sur les futurs capteurs visuels pour la robotique.

CurvACE
OEil composé CurvACE (photo de gauche), premier oeil composé artificiel courbe capable de mesurer le défilement des objets dans son champ visuel panoramique, vecteurs de flux optique à la manière d’un insecte en vol.

Ce capteur optique innovant est composé de 640 petits yeux élémentaires, soit 42 colonnes de 15 ommatidies. Chaque ommatidie est constituée d’une lentille de 172 microns et d’un pixel de Ø 30 microns. L’oeil composé CurvACE bénéficie d’un avantage majeur caractéristique de tous les yeux composés à savoir un grand champ visuel pour une extrême compacité. Ainsi, l’oeil composé CurvACE offre un champ visuel panoramique horizontal de 180° et vertical de 60° pour une taille de seulement Ø 15 mm, pour une consommation de quelques milliwatts et pour une masse de l’ordre d’une pièce de 2 centimes.

Pour en arriver là, il a fallu pas moins de 4 années aux chercheurs du consortium CurvACE (EPFL à Lausanne, Fraunhofer Institut à Jena, Université de Tuebingen, CNRS et Aix-Marseille Université) pour surmonter les nombreuses difficultés liées notamment à la précision d’alignement des lentilles avec les pixels et à la possibilité de pouvoir courber l’oeil à volonté selon une dimension. Pour cela, la technique utilisée a consisté à empiler et à positionner avec une précision micrométrique un circuit microélectronique contenant les pixels intelligents du capteur avec une matrice optique composée de microlentilles. Ce circuit intégré, constitué de 42 colonnes – chaque colonne étant composée de 15 ommatidies (des petits « yeux » en quelque sorte) – est ensuite découpé et collé sur un circuit imprimé flexible assurant l’interconnexion des pixels. Puis, à la manière d’une mangue que l’on découpe en cubes tout en les laissant attachés au fruit, les 42 colonnes sont séparées les unes des autres grâce à une scie circulaire miniature formant des micro-tranchées entre chaque colonne. Il ne restait plus qu’à relier les 42 colonnes au circuit imprimé souple par un procédé high-tech de micro-câblage et à courber le capteur en lui donnant une forme cylindrique.

CurvACEGrâce à sa capacité d’auto-adaptation au niveau du pixel, ce capteur compense localement de fortes variations d’éclairage ambiant tout en permettant une vitesse de lecture rapide (jusqu’à 1 000 images par seconde). Ainsi, l’oeil composé artificiel CurvACE est prêt à prendre son envol hors du laboratoire et à ouvrir de nouvelles voies vers une meilleure compréhension de la vision des insectes mais aussi vers de futurs vêtements intelligents ou des robots souples mais aussi vers des applications en domotique, en automobile ou encore en robotique terrestre, aérienne ou spatiale pour l’évitement d’obstacles.

En savoir plus : CurvACE.org

Author: Redaction