Consultants: installez-vous en ZFU qu’ils disaient…..

Photographie des Mureaux, où il existe une ZFUParmi les missions du droit fiscal, il en est une spécifique: aider au développement du territoire. A cet fin, certaines communes  (celles qui sont dans un territoire économiquement sinistré et dont les élus locaux savent donner de la voix….voir liste ici) possèdent des territoires de « zone franche »: des Zones Foncières Urbaines (ZFU). Lorsqu’il s’installe à l’intérieur de cette zone, l’entrepreneur bénéficie de régimes fiscaux de faveur (en particulier exonération d’impôt sur le résultat et de Contribution économique territoriale (voir pour IS précis de l’administration fiscale n°508-3; pour CET précis de fiscalité de l’administration n°6065-9). En outre, les cadeaux fiscaux sont accompagnés de larges exonérations de cotisations sociales, ce qui – en pratique dans bien des cas- correspond à l’essentiel de l’attrait du régime de ZFU  (pour être exonéré d’impôt sur les bénéfices, il faut déjà avoir des bénéfices…..).

L’idée du législateur est simple: si vous vous installez dans ces territoires qui ont besoin d’emploi et où il est difficile de trouver des clients, vous travaillez plus qu’un autre pour la collectivité, il est bien naturel que vous bénéficiez de quelques cadeaux fiscaux et sociaux…

Fait pour inciter la localisation d’entreprises qui font appel à de la main d’oeuvre non qualifiée, ce régime a très rapidement été détourné de son objectif principal : il est aujourd’hui utilisé par de nombreux conseils, qui – travaillant dans un milieu essentiellement dématérialisé- n’ont que des liens assez très éloignés avec le territoire: tel est le cas par exemple des ingénieurs-conseils (qui sont chez leurs clients), experts-comptables et de certains avocats (ceux qui travaillent essentiellement de manière indépendante….où ils veulent et pas nécessairement au siège de leur cabinet) et surtout des consultants informatiques.

Face à cette propagation des implantations fiscales de consultants, l’administration a très vite réagi en entamant des « campagnes » de redressements fiscaux dans les ZFU. Les contentieux sont nombreux.  Il faut donc, lorsqu’on est consultant, faire très attention à ce que l’on fait lorsqu’on fixe un domicile en ZFU: l’administration veille au respect du territoire….

Dans un Arrêt du 16 mai 2011, le Conseil d’Etat  (9 et 10 s-s) s’est prononcé sur le cas d’un ingénieur-conseil qui s’était domicilié au 49 avenue Paul Raoult, dans la ZFU des Mureaux . Plus spécifiquement, l’ingénieur louait un local commun en plateau partagé avec six autres ingénieurs pour moins de 100 € par mois. Il prétendait que cette domiciliation lui donnait droit au régime de ZFU. L’administration prétendait le contraire. Après avoir perdu au TA, puis en Appel,  l’ingénieur se pourvoit devant le Conseil d’Etat….qui donne raison à l’administration fiscale: dans cette affaire le lien entre l’activité et le territoire n’est pas assez développé. 

Quels sont donc les critères pour que l’activité soit considérée comme effectuée réellement en ZFU? Le Conseil d’Etat en retient trois:

La situation des locaux : ils faut que les locaux soient en ZFU 
La situation des moyens d’exploitation: dans le cas de notre ingénieur conseil, la plupart des immobilisations de son entreprise étaient situées à son domicile personnel. Il n’avait que peu de moyens d’exploitation sur le local en plateau. En outre, il n’avait pas de salariés.
Le lieu d’exercice de l’activité:  l’activité avait lieu essentiellement chez les clients. Le Conseil d’Etat tient compte des attestations fournies par l’ingénieur selon lesquelles il avait reçu à plusieurs reprises les clients dans les locaux en ZFU mais  il ne trouve pas cet élément pertinent : « les attestations ne comportent pas de précisions sur les dates et les circonstances des rencontres ».

Ainsi, Il est clair que le régime des ZFU n’est pas fait pour les localisations fictives ou essentiellement sociales et fiscales d’entreprises. L’arrêt du Conseil d’Etat rappelle ce principe. Mais le Conseil ne s’est pas borné à constater l’absence de salariés pour remettre en cause le régime des ZFU. Le Conseil d’Etat s’est lancé dans une analyse beaucoup plus fine de la structure de l’activité exercée: c’est seulement parce que le contribuable n’a pas été capable de démontrer qu’il entretenait un lien économique avec le territoire qu’il s’est vu refuser le régime des ZFU.  Ainsi, la lecture de ces critères montre que le Conseil d’Etat s’adapte plus que l’administration fiscale aux évolutions économiques: aujourd’hui, il est bien rare qu’un véritable projet d’une entreprise importante commence autrement que grâce à des consultants -qui sont eux-même des entreprises….entreprises précaires (parfois rentables) avec peu ou pas de salariés….mais utiles  à l’économie et pourquoi pas locale?-



Stanislas Lhéritier


 

Author: Redaction