Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, est intervenue en conclusion de la 23ème Université d’été de l’Assemblée des femmes.
A cette occasion, Marisol TOURAINE a rappelé les actions menées cette année en faveur des droits des femmes, comme la mise en place de la garantie publique contre les impayés de pension alimentaires ou la généralisation de la parité.
La ministre a également évoqué ses priorités pour l’année à venir, comme la lutte contre les violences faites aux femmes, dont la prostitution qui bénéficiera de moyens supplémentaires en 2016, et l’amélioration de l’accès à l’IVG. Marisol TOURAINE reste entièrement mobilisée pour faire progresser les droits des femmes.
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Madame la Ministre, chère Pascale BOISTARD, Madame la Présidente de l’Assemblée des femmes, chère Danielle BOUSQUET, Mesdames et messieurs les parlementaires, Mesdames et messieurs les élu-e-s, Chers ami-e-s,
Ces Universités d’été sont devenues un rituel incontournable pour les militantes féministes et progressistes que nous sommes. C’est un rendez-vous important. Parce qu’il est toujours utile de se rassembler pour réfléchir, débattre et proposer. Mais plus encore, parce que nous savons combien les combats que nous portons doivent être menés collectivement.
L’an dernier je faisais ici mon premier déplacement en tant que ministre des Droits des femmes. Je vous avais alors dit toute ma détermination à agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes, à poursuivre les chantiers engagés depuis mai 2012 et à ouvrir des champs nouveaux.
Cette détermination, elle vient de ma conception profonde de ce que sont les droits des femmes : des droits politiques. C’est la raison pour laquelle je ne parle pas seulement d’égalité entre les femmes et les hommes. Je parle de droits, de conquêtes. Et j’en parle d’autant plus que l’environnement dans lequel nous sommes reste contrasté.
Parce qu’en période de crise, la tentation est grande de considérer les droits des femmes comme secondaires, y compris dans le monde du travail, alors que les femmes restent payées 25% de moins que les hommes.
Parce que les réactionnaires, les intégristes et les obscurantistes de tous bords prospèrent. Leurs offensives n’ont qu’un seul et même objectif : s’en prendre aux droits qui conditionnent l’émancipation des femmes.
C’est pour cela que le combat féministe est un combat actuel pour la société actuelle. Il n’est ni nostalgique, ni rétro, et encore moins un combat de luxe. Ce combat, nous le menons de front.
Nous le menons par nos valeurs, au premier rang desquelles la laïcité – j’y reviendrai.
Nous le menons aussi politiquement, par nos actions, en faisant progresser les droits des femmes partout où c’est possible et nécessaire.
Je sais que les attentes sont fortes, qu’il y a parfois des doutes, des interrogations. Il y en aura toujours, tant que les inégalités n’auront pas disparu, tant que les violences sexistes existeront. Mais en rester à cette analyse, c’est ne pas voir ce qui a été accompli par la gauche. Oui, par la gauche, parce que si, en théorie, aucun parti n’ose s’opposer frontalement aux droits des femmes, c’est bien la gauche qui, dans la réalité, les fait progresser.
Nous venons de voir, à nouveau, l’illustration du conservatisme de la droite française. Vous le savez, le projet de loi de modernisation de notre système de santé comporte des mesures fondamentales pour l’accès à l’IVG, en permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG médicamenteuses, en permettant aux centres de santé de pratiquer des IVG instrumentales, en supprimant le délai de réflexion. La majorité sénatoriale vient, en Commission, de les supprimer une à une. Ma détermination à les rétablir n’en sera que plus forte lorsque le projet de loi reviendra à l’Assemblée nationale. Et nous continuerons à agir. Pour lutter contre la désinformation, la culpabilisation et la propagande mensongère des anti-IVG, un numéro national d’information et une campagne de communication sur le droit des femmes à disposer de leur corps seront lancés fin septembre.
Nos actes sont là. Ils sont nombreux, et parfois insuffisamment mis en avant. Je pense par exemple à la nomination de femmes à des postes à responsabilités. Dans le domaine social, je m’y emploie résolument.
- En nommant davantage de femmes à la tête de Centres hospitaliers universitaires : depuis 2012, la proportion de femmes directrices est déjà passée de moins de 10% à un tiers.
- En généralisant la parité dans les ordres professionnels, dans les mutuelles, dans les autorités administratives. Et, demain, dans toutes les agences sanitaires.
Parmi nos actes forts, il y a aussi l’application de la loi du 4 août. Nous savons que ce qui conditionne la réalité d’un droit, c’est son effectivité. Et nous savons combien les droits des femmes ont souffert des déclarations de principe. A l’issue d’un travail acharné, nous pouvons être fières que la quasi-totalité des textes d’application de la loi du 4 août aient été publiés. Cette fierté n’a rien d’administrative, elle politique au sens le plus noble du terme. C’est la satisfaction de voir, chaque jour, la société se transformer.
Grâce à la garantie des impayés de pensions alimentaires, des mères peuvent compter sur le versement d’une pension ;
Grâce aux sanctions enfin appliquées dans les entreprises, des femmes victimes d’inégalités salariales voient leur situation évoluer ;
Grâce à une meilleure coordination sur le terrain, à un recours facilité à l’ordonnance de protection et, bientôt, au déploiement du Téléphone Grand Danger, les femmes victimes de violence sont mieux protégées.
Grâce à la mobilisation des pouvoirs publics contre les stéréotypes et le sexisme, les chaines sont aujourd’hui strictement évaluées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Notre action porte ses fruits. Les résultats sont là. Et si nous, femmes et hommes de progrès, ne le disons pas haut et fort, personne ne le fera à notre place.
Les inégalités salariales reculent plus vite, presque deux fois plus vite, dans notre pays que dans le reste de l’Europe. Alors que le taux d’emploi des femmes en France n’avait cessé de reculer entre 2009 et 2012, il a recommencé à progresser depuis 2012.
Les stéréotypes reculent eux-aussi. Il n’est pas toujours facile de le percevoir, tant notre environnement est saturé par le sexisme. Et pourtant le sexisme recule. Nous le voyons dans les enquêtes d’opinion : génération après génération, les mentalités changent.
Cette transformation de la société, nous allons la poursuivre, avec la même détermination, avec des actions tout aussi fortes.
Notre ambition est de construire une société dans laquelle les violences auront laissé place au respect, dans laquelle les discriminations auront laissé place à l’égalité. Pour cela, nous le savons, il faut agir sur tous les fronts, agir tout le temps, agir sans relâche, sans répit, sans trêve. Avec Pascale BOISTARD, nous investirons des chantiers nouveaux pour les droits des femmes.
- Mettre en œuvre le plan de lutte contre les violences sexuelles et le harcèlement sexiste dans les transports présenté en juillet, d’abord. Il s’agit d’un plan concret, qui répond à des situations que vivent quotidiennement des millions de Françaises qui prennent les transports en commun.
- Second chantier, celui de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il nous faut porter de nouvelles actions, je pense notamment à la classification des emplois, pour que les emplois occupés par les femmes soient plus justement valorisés. Je saisirai dans les prochains jours le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle à ce sujet.
- Troisième chantier : faire aboutir, rapidement, l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre le système prostitutionnel et préparer sa mise en œuvre immédiate. Sans attendre la promulgation de la loi, j’ai souhaité que les moyens alloués aux actions de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains soient doublés en 2016 : ils passeront de 2,4 millions d’euros à près de 5 millions d’euros. C’est un engagement particulièrement fort.
- Quatrième chantier : porter notre combat à l’international. La grande conférence mondiale sur le climat, qui aura lieu à Paris en décembre, sera un moment historique. Il nous faudra saisir cette occasion pour sensibiliser l’opinion à la thématique « genre et climat » et valoriser les actions des femmes actrices de la lutte contre le changement climatique. Ce combat, nous continuerons de le porter au niveau européen. L’Union européenne doit adopter une nouvelle stratégie ambitieuse pour les droits des femmes. Nous portons cette revendication avec nos partenaires européens.
Enfin, je connais vos préoccupations sur l’impact de la réforme territoriale sur le réseau des droits des femmes et de l’égalité. Nous y travaillons avec une méthode, la concertation, et avec un objectif, mieux positionner le réseau dans les territoires.
Enfin, je veux aborder la question de la laïcité, qui est au cœur de vos journées.
Oui, l’extrémisme religieux est une menace pour les femmes. Il faut le dire, il faut le répéter sans relâche. Il menace leur autonomie, leur droit à disposer de leur corps, parfois leur accès au savoir, à la santé, à l’espace public.
La laïcité, c’est ce qui permet aux femmes d’être soignées en toute circonstance sans l’aval de leur mari. C’est ce qui permet à des femmes de religions diverses de travailler au sein des services publics.
La laïcité ne se brade pas, elle ne se marchande pas, elle ne se relativise pas. Elle nous impose de rester fermes sur nos valeurs, sur nos principes. Elle nous impose aussi de refuser l’exclusion. La laïcité n’est pas la négation des religions. Elle crée, partout et pour tous, un cadre protecteur : celui de la loi, celui de la République, celui de l’égalité.
Parfois, ce cadre est attaqué par ceux qui cherchent à imposer aux femmes la loi de la religion plutôt que celle de la République. Alors, la République doit être intransigeante et les sanctions exemplaires. Cela vaut pour les communautaristes islamistes, comme pour les extrémistes catholiques qui se sont introduits cet été dans les locaux du Planning familial de Paris.
Ma conviction, c’est que cette lutte contre les extrémistes, contre les communautaristes, elle passe aussi par la réaffirmation de nos politiques sociales et par une association des femmes aux politiques et aux actions menées dans les quartiers.
La laïcité est notre combat. C’est le combat de la gauche et des progressistes, contre les obscurantistes, contre ceux qui cherchent à enfermer les esprits, à brider la réflexion, à restreindre les savoirs. La laïcité émancipe, elle libère, et sans laïcité, sans séparation des Eglises – quelles qu’elles soient – et de l’Etat, sans séparation du politique et du religieux, les droits des femmes ne sauraient être garantis.
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Chères ami-e-s,
En cette rentrée, le message que je tiens à vous faire passer, c’est que nous continuerons, avec Pascale BOISTARD, à faire progresser les droits des femmes, partout où cela est nécessaire. Nous resterons vigilantes. Nous continuerons à mobiliser l’ensemble du Gouvernement : chaque ministère nous présentera à l’automne sa feuille de route pour 2016. Elles constitueront un programme interministériel fort et ambitieux, à l’image de ce qui a été produit ces trois dernières années.
« La fatalité triomphe dès que l’on croit en elle », écrivait Simone de Beauvoir. Je ne crois pas que les inégalités entre les femmes et les hommes, ni les violences qu’elles subissent, soient une fatalité. Vous et moi, militantes politiques, progressistes et féministes, croyons à l’action qui transforme les mentalités et la société toute entière. Ensemble, nous continuerons à porter ce combat.
Je vous remercie.