RENFORCER LA QUALITÉ DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
Les notes thématiques publiées ce jour par la Cour des comptes font partie d’un ensemble de travaux destinés à contribuer à la revue des dépenses initiée par le Gouvernement dans la perspective des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2024. Synthétiques et ciblées, elles capitalisent sur les nombreux travaux récents réalisés par les chambres de la Cour.
Les neuf thèmes choisis correspondent à des politiques publiques dans lesquelles les questions de l’efficacité et de l’efficience de l’action publique se posent avec une acuité particulière. La publication de ces notes intervient parallèlement à celle du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 2023 le 29 juin, qui propose une vision consolidée de la qualité de la dépense à tous les niveaux d’administration publique et une grille d’analyse susceptible de déboucher sur des dispositifs plus économes, plus efficaces et plus équitables. Comme pour les notes structurelles publiées fin 2021, la Cour a développé une approche distincte de ses travaux habituels, pour apporter sa contribution à l’évaluation de la qualité de la dépense, dans sa conception, sa mise en œuvre et son suivi, tout en veillant à laisser ouvertes les différentes voies de réformes envisageables.
Piloter et évaluer les dépenses fiscales.
Les dépenses fiscales regroupent l’ensemble des avantages fiscaux et réductions d’impôt prévus par la loi et susceptibles de bénéficier à différentes catégories de contribuables. La maîtrise du coût des dépenses fiscales nécessite un pilotage tout aussi rigoureux que celui existant en matière budgétaire. Pour y parvenir, il est nécessaire de les considérer comme des dépenses budgétaires ordinaires, avec le même niveau d’exigence sur leur suivi et sur leur efficience, en les évaluant et en les intégrant dans la revue d dépenses initiée par le Gouvernement. La Cour identifie quatre leviers d’action.
Apprécier la contribution de la dépense publique à la transition écologique
Pour atteindre les ambitieux engagements internationaux pris par la France en faveur du climat et d’autres défis environnementaux, la dépense publique sera sollicitée de manière croissante dans les prochaines années. Cet impératif devra se concilier d’une part avec la maîtrise des dépenses prévue par la trajectoire des lois de programmation des finances publiques, et d’autre part avec les nouveaux besoins sectoriels. Une évaluation des financements publics nécessaires à la transition écologique est donc essentielle pour garantir que les moyens mobilisés sont proportionnés aux bénéfices attendus. Or, cette évaluation fait actuellement défaut en dépit des nouveaux instruments mis en place comme la nouvelle annexe budgétaire, dite « budget vert ».
Les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales
Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI à FP) disposent de ressources qui sont versées par les particuliers ou les entreprises. Ils perçoivent en outre un certain nombre de ressources financières allouées par l’État qui prennent des formes multiples. La présente note thématique en analyse le contenu, l’évolution, la répartition et les effets. La Cour identifie trois leviers d’action, afin de faire jouer à ces transferts financiers un rôle plus actif dans le redressement des finances publiques, de mieux proportionner leur contribution au financement des missions des collectivités territoriales dans un cadre solidaire et de les redéployer vers le financement des coûts de la transition écologique.
Garantir l’efficacité des aides de l’État aux entreprises pour faire face aux crises
La Cour a examiné les aides de l’État aux entreprises pour faire face aux crises sanitaire et énergétique.
Pour améliorer la qualité des aides publiques octroyées aux entreprises en temps de crise et réduire les dépenses, la Cour identifie trois leviers d’action : affirmer le caractère temporaire des aides et prévoir leur évaluation et systématiser les outils de contrôle a priori.
Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage
La présente note porte sur la nécessité de recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage, compte tenu de la très forte dynamique des dépenses relatives au compte personnel de formation (CPF) et, surtout à l’apprentissage. Si l’accès à ces dispositifs a été fortement encouragé, le développement de l’apprentissage a surtout bénéficié aux étudiants de l’enseignement supérieur. En outre, le système visant à s’assurer de la qualité des formations délivrées présente des lacunes. Pour remédier à cette situation, la Cour propose de mobiliser trois leviers d’action, déclinés en 12 recommandations.
Privilégier l’approche territoriale et l’autonomie dans la gestion des dépenses d’éducation
La Cour a procédé à une analyse des dépenses consacrées à la politique scolaire, leur nature, leur volume et leur évolution. Le périmètre retenu est celui des dépenses supportées par le budget de l’État décrites dans la mission interministérielle « enseignement scolaire », et celles qui sont à la charge des collectivités territoriales, régions, départements et communes. La Cour identifie quatre leviers d’amélioration, potentiellement mis en œuvre par voie d’expérimentation, qui doivent avoir pour conséquence une approche territoriale et une autonomie plus marquée des établissements.
Les forces de sécurité intérieure : des moyens accrus, une efficience à renforcer
La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) votée en 2022 prévoit une augmentation significative des moyens consacrés au ministère de l’intérieur, dont une part prépondérante bénéficie aux forces de sécurité intérieure. Toutefois, cette forte hausse des crédits et des effectifs ne règle pas les difficultés structurelles des forces de sécurité intérieure. Des hausses de crédits ont été consacrées aux augmentations salariales des policiers et gendarmes prévues dans le cadre du « Beauvau de la Sécurité », finançant des primes souvent sans cohérence et qui ne résolvent pas les difficultés croissantes de recrutement et de fidélisation des forces de l’ordre. La Cour présente trois leviers d’action, pour permettre aux forces de l’ordre d’améliorer, à budget constant, la qualité de la dépense et du service rendu aux citoyens.
Accélérer la réorganisation des soins de ville pour en garantir la qualité et maîtriser la dépense
Les dépenses de soins de ville sont essentiellement constituées des honoraires médicaux et paramédicaux, des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux), des indemnités journalières, des actes de biologie médicale et des transports sanitaires. En 2022, elles constituent, devant l’hôpital, le premier poste des dépenses d’assurance maladie. Régulièrement dépassée avant même la crise sanitaire, l’enveloppe prévisionnelle annuelle de ces dépenses comporte de nombreuses zones qui échappent en tout ou partie à toute régulation. Si certaines pistes lancées par les pouvoirs publics (comme la coordination et le partage de compétences entre professionnels de santé libéraux) sont intéressantes, leur efficacité reste à démontrer et le modèle de l’exercice libéral isolé, assis sur une rémunération à l’activité, est toujours prédominant.
Assurer la cohérence de la politique du logement face à ses nouveaux défis
Les fondamentaux de la politique du logement, élaborés il y a plus de cinquante ans, ne correspondent plus aux réalités et aux besoins humains de la France de 2023. En constante évolution, cette politique peine à atteindre des objectifs de plus en plus nombreux, notamment dans sa dimension sociale. Dans un contexte de dégradation des finances publiques, les enjeux apparaissent nombreux : nécessité d’un meilleur ciblage des diverses aides et des bénéficiaires du parc de logements sociaux, réponse aux évolutions des besoins des ménages sur le territoire, adaptation de l’habitat au vieillissement de la population, à une décohabitation croissante et au changement climatique. Pour assurer une cohérence à la politique du logement, la Cour propose trois leviers d’action susceptibles d’être mobilisés.