Comment différents insectes ayant mauvais goût pour les oiseaux développent-ils les mêmes couleurs d'avertissement sur leurs ailes, renforçant ainsi leur protection contre les prédateurs ? Une équipe de scientifiques, composée notamment de Mathieu Joron, Lise Frézal, Robert Jones et Annabel Whibley (UMR 7205, CNRS/ Muséum national d'Histoire naturelle, « Origine, Structure et Evolution de la Biodiversité »), a pour la première fois découvert ce qui permet aux papillons tropicaux de réaliser cette étonnante stratégie évolutive appelée mimétisme Müllérien : un « supergène ». En étudiant un papillon amazonien qui "imite" plusieurs espèces vénéneuses très différentes, les chercheurs ont révélé la coexistence, chez ces insectes, de trois types chromosomique, correspondant à trois types mimétiques différents. Au niveau de cette région chromosomiques, les scientifiques ont montré qu'un bloc d'une trentaine de gènes s'est trouvé immobilisé, au cours de l'évolution, par des phénomènes d'inversions (des régions d'ADN qui se retrouvent en position inversée chez différents individus), supprimant le processus naturel de mélange génétique entre générations. De cette manière, de nombreux gènes sont hérités en bloc et produisent des papillons d'apparence totalement différente. De tels regroupements coordonnés, appelés supergènes, gouvernent de nombreuses autres adaptations, comme la variation de forme des fleurs chez les primevères, le camouflage chez les papillons de nuit ou bien les motifs et formes de coquilles chez certains escargots. L'étude est publiée cette semaine dans la revue Nature.