Nul n’est censé ignorer la loi selon un célèbre principe juridique. Mais le droit procède aujourd’hui d’un tel enchevêtrement de normes jurisprudentielles, constitutionnelles, européennes (directives et règlements), législatives et réglementaires, etc. qu’il est impossible de suivre son évolution dans tous les secteurs de l’action publique. Bref, comme beaucoup de personnes sans doute, j’ai découvert le mode de fixation des tarifs de l’énergie à travers le suivi de l’actualité et de la presse. Et les bras m’en sont tombés. Sous réserve des ajustements fiscaux nationaux, les prix de l’énergie sont fixés grosso modo au niveau de Bruxelles selon un mode de calcul réglementé. Les tarifs sont calculés sur la base d’un raisonnement « marginaliste »: la référence est le coût le plus élevé de la production de cette électricité. Aujourd’hui, à l’échelle de l’Europe, le prix de l’électricité est donc basé sur celui de l’électricité produite par des centrales au gaz dont le coût a explosé du fait de la crise ukrainienne. D’où son augmentation vertigineuse qui pénalise lourdement la France, moins dépendante du gaz russe que les Allemands grâce au réseau de centrales nucléaires issu de la politique des années 1970 à 2012, et malgré le sabotage de ce réseau par les différents gouvernements depuis 2012. Alors les commentateurs qualifient ce mode de fixation des tarifs d’ultralibéral. Mais c’est exactement le contraire en vérité. Il n’a rien d’ultra-libéral, il est au contraire ultra-stalinien. Libéral veut dire que les prix ne sont pas administrés et relèvent d’une logique de marché. En l’occurrence, ils sont bien à l’inverse fixés sur un mode réglementaire, bureaucratique, centralisé à Bruxelles selon une méthode qui privilégie l’uniformité et le nivellement pour 500 millions de consommateurs dans la négation des différences nationales ou régionales. Cela est tout le contraire du libéralisme. La méthode ressemble infiniment plus à celle du Gosplan soviétique et du COMECON. L’idée est bien de pénaliser l’énergie électrique la moins couteuse, le nucléaire. Mais surtout, on est en droit de s’interroger sur la responsabilité personnelle des décideurs qui ont mis en place une telle usine à gaz (…). Et sur ceux qui les ont laissé faire, qui les ont approuvés et donnent désormais dans le coup de menton aussi rageur que vain. C’est toujours le même problème de fond: l’irresponsabilité, le mélange sulfureux de cynisme, de lâcheté (en ce qui concerne la défense des intérêts français) et de crétinisation (absence de vision) des décideurs ou des élites dirigeantes.
MT