Le Figaro: Deux facteurs semblent avoir motivé l’Azerbaïdjan. Tout d’abord, la défaite russe à Kharkiv. «La Russie est moins en mesure de dissuader l’Azerbaïdjan», confirme Florent Parmentier, secrétaire général du CEVIPOF et chercheur associé au Centre de géopolitique d’HEC. Ensuite, la dépendance gazière de l’Europe. Ursula von der Leyen s’est rendue à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, le 18 juillet dernier pour annoncer en grande pompe le doublement des importations gazières en provenance de la république caucasienne. «L’Azerbaïdjan veut tirer profit de cette situation, même si cette fourniture ne pallie pas le gaz russe», abonde Tigrane Yegavian, auteur de la Géopolitique de l’Arménie. La Turquie derrière l’Azerbaïdjan. L’Azerbaïdjan revendique également la construction d’un corridor entre son territoire et celui du Nakhitchevan, contigu de la Turquie mais isolé. Les accords de cessez-le-feu de 2020 prévoyaient, en effet, un tel accès mais celui-ci n’a pas été réalisé, l’Arménie souhaitant pouvoir contrôler la circulation de biens, de marchandises et de citoyens sur son propre sol. Mais ses revendications pourraient aller au-delà. «Bakou revendique le sud de l’Arménie, mais aussi une partie du centre, voire la capitale Erevan», rappelle Tigrane Yegavian. Une telle annexion signifierait l’extinction pure et simple de l’Arménie comme pays indépendant.
L’attaque de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie semble avoir fait plusieurs centaines de morts, des destructions et se présente comme un début d’invasion. Rien n’est plus sidérant que le silence général des dirigeants occidentaux et des médias radio télé qui ignorent cet événement et se gardent prudemment de prendre partie et de dénoncer la responsabilité de l’envahisseur. L’attaque de l’Ukraine par la Russie mobilise l’actualité depuis des mois et donne lieu à un intense engagement des Etats-Unis et de l’Europe en faveur de l’Ukraine, au nom du droit international et du respect intangible des frontières. D’où l’aide massive, économique et militaire à l’Ukraine et les sanctions économiques contre la Russie. En revanche, sur l’Arménie, un grand silence, une totale indifférence, omerta écrase des événements qui certes n’ont peut-être pas (encore?) la même ampleur, en termes de nombre victimes et de destructions, mais relèvent strictement de la même nature: une invasion lâche, illégale et barbare. Ce deux poids deux mesures aussi flagrant, aussi évident, soulève des questions sur les motivations profondes du monde occidental, ses intérêts et ses ambitions, au-delà des légitimes questions de respect du droit et des frontières des Etats.
MT