Le scandale du jour est la vidéo mise en ligne par l’Elysée dans laquelle le président Macron exhibe les portraits de mcFly et Carlito dans le cadre d’un pari tout en souhaitant une bonne rentrée aux élèves et bâclant un hommage au professeur Samuel Paty. Les experts et autres analystes fourmillent d’interprétations ou d’explications. Il est question bien entendu de jeunisme exacerbé et démagogie. Surtout, le syndrome de la « transgression » est le plus souvent relevé. Pourtant, sans doute faut-il voir dans ce scandale autre chose qu’un phénomène se rattachant à la seule personnalité et au psychisme du chef de l’Etat – sans nier pour autant cette dimension.
Quasiment tous les jours et sous tous les prétextes, l’actualité est écrasée par le spectre présidentiel: Covid-19, vaccination, passe sanitaire, Afghanistan, Irak, Marseille, drogue, la rentrée scolaire, macFly et Carlito… Le culte de la personnalité, obsessionnel, permanent, insatiable, domine la conscience nationale à un degré et avec une intensité qui n’ont jamais été atteints dans la France contemporaine. Ce visage auquel le big brother de 1984 n’a rien à envier imprègne les cerveaux médiatisés, autant pour susciter l’extase et la béatitude que l’agacement ou la haine. Il envahit les écrans et les consciences au quotidien, obnubile les commentateurs, accapare l’attention, absorbe tout le reste de l’actualité – sans que cela ne dérange personne. Y voir uniquement un phénomène de nature psychique paraît dès lors superficiel.
Bien entendu, cette mise en scène quotidienne a un sens. Elle sert à recouvrir la tragédie d’un pays en plein d’effondrement: 5,7 millions de chômeurs (les vrais chiffres de pole emploi) sans compter le million et demi du chômage partiel, dette publique record de 120% du Pib, 9,6 millions de pauvres, 2 millions de personnes au RSA, déficit commercial de 85 milliards, vertigineux désastre scolaire qui voue la France à la dernière place du classement PISA en mathématiques, violence endémique se traduisant par une explosion de la criminalité, perte du contrôle des frontières et des migrations…
Telle est la sinistre et évidente réalité. L’histrion présidentiel a dès lors une fonction bien précise qui est d’occuper les esprits et de servir de leurre à la tragédie française. Avec la complicité active du pouvoir économique et ses relais médiatiques (voir la une ci-jointe du Parisien), l’actuel président joue plutôt bien ce rôle qui lui revient. Et une grande partie du peuple, asphyxié par la terreur de l’épidémie, est aussi complice si l’on en croit les sondages qui prédisent une réélection à peu près certaine. A quoi sert un président? faire de l’esbroufe à tout prix, en bien comme en mal, pour occuper les esprits. Et pourquoi cela fonctionne-t-il si bien? Il ne suffit pas de dénoncer les calculs personnels ni une névrose narcissique. En vérité, tout cela fonctionne grâce à un contexte, une formidable et complaisante caisse de résonance médiatique et la servitude volontaire d’une partie de la population. Si le président Macron n’existait pas, il faudrait l’inventer et un jour, tôt ou tard, faudra-t-il le remplacer par autre chose d’équivalent.
MT