Une idée lumineuse

imagesL’un de mes amis, un ancien collègue, conseiller à la présidence de la République à la même époque que moi, m’a adressé le message suivant à la suite du billet d’hier:

« Maxime, mon avis est qu’il faut désormais obtenir la prise d’un texte tout simple par nos élus, pour sortir de la logique égotique et mortifère que tu décris : la fixation de la date des élections législatives avant celle des élections présidentielles. Cela vaudrait réforme constitutionnelle, sans en avoir la lourdeur, et assainirait la situation en mettant en avant un projet plutôt qu’un homme. »

Voilà une idée lumineuse. Nous voyons bien ce qui se passe en ce moment. Une lutte à mort entre une dizaine de  géants politico-médiatiques envoutés par l’obsession élyséenne, une course au trône devant laquelle tout doit s’effacer: l’intérêt national, les programmes,  l’avenir du pays. Cette République narcissique n’a aucun équivalent dans le monde, pas même aux Etats-Unis où l’omni-présence présidentielle est compensée par  le fédéralisme et le puissant Congrès. Le chef de l’Etat français incarne-t-il le pouvoir réel? Même pas: avec les transferts à Bruxelles, la décentralisation, l’endettement vertigineux, le climat de renoncement général, il en est réduit à la gesticulation médiatique, à la gouvernance de la posture et de la frime. La proposition de mon ami aurait le mérite de sortir de ce climat nauséeux qui annihile le sens de la Nation au profit de d’une course à la démence narcissique. Le culte de la personnalité, cette apothéose du nombrilisme médiatique qui fascine jusqu’à la folie aveugle les candidats à la présidentielle, n’est donc que la contrepartie de l’impuissance présidentielle.

L’idée de mon ami  permettrait de se rapprocher des fondements de la Ve République. Non, celle-ci n’a jamais prévu un « président nombril » . Que dit la Constitution de 1958:

Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités (article 5).  Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation (article 20). Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement (article 21). Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques (24).

Le chef de l’Etat, dans l’esprit de la Ve République, n’est pas le zébulon médiatique qu’il est devenu, dont la principale préoccupation est d’occuper l’écran dans la perspective d’une réélection. Il est bien au contraire un sage, un guide, un arbitre au-dessus des partis et des idéologies, des ambitions personnelles, qui fixe un cap et représente la Nation vis-à-vis de l’extérieur. Le gouvernement du pays au quotidien – la lutte contre le chômage, la politique économique et sociale, la sécurité –  incombe au Premier ministre chargé d’appliquer la politique définie par la majorité au Parlement et responsable devant ce dernier s’il échoue.

Revenir au septennat? Il le faudrait mais personne ne le fera jamais. En décidant, ce qui est très simple, comme le propose mon ami, d’élire d’abord le Parlement, donc une majorité parlementaire dont serait issu un Premier ministre, avant le président de la République, la France redonnerait la priorité au débat d’idées, aux projets d’avenir,  aux propositions d’actions, portées par un chef de gouvernement issu de la majorité, mandaté pour agir, en situation de prendre les risques nécessaires, décider et choisir. Puis elle élirait le chef de l’Etat, sur le seul fondement de la Ve République: le gardien de la Constitution, de l’intégrité et de l’unité nationale, l’homme du destin et des crises en cas de catastrophe.

Pour parvenir à cette objectif et remettre la France dans le sens de la marche, il n’est pas besoin de grande réforme. Il suffirait d’une lueur de lucidité par delà le climat de folie narcissique, le jeu de déments qui emballe et entraîne la France vers le pire un an et demi avant les élections présidentielles. C’est pourquoi cette jolie idée, ne nous berçons pas d’illusion, ne sera probablement jamais mise en œuvre…

Maxime TANDONNET


Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction