Une étrange affiche

Sous réserve de vérification, c’est la première fois, dans l’histoire de la politique française, que des affiches électorales (hors scrutin présidentiel), exposent le portrait du chef de l’Etat. Selon l’article 5 de la Constitution, le rôle du président de la République est « d’assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Incarnant la nation dans son unité, président de tous les Français, il se situe au dessus de la mêlée. Ce principe a certes été maintes fois maltraité lors d’échéances électorales où les occupants de l’Elysée ont pris parti pour un camp. Mais cette fois, une étape nouvelle est franchie: non seulement la liste se targue du soutien du président, mais elle s’identifie physiquement à lui, dans une logique fusionnelle. Les pratiques de ce genre ont toujours été considérées comme contraire à la tradition républicaine. Elles renvoient aux élections législatives issues de la crise du 16 mai 1877. Les Républicains, autour de Gambetta, fustigèrent la pratique des candidatures officielles où figurait une référence explicite au président Mac Mahon. Cela s’est terminé par la démission de l’occupant de l’Elysée deux ans plus tard. En outre, il est extrêmement dangereux de surexposer, surtout pour une élection supranationale, l’image du président qui ne peut en sortir qu’un peu plus banalisée, troublée et affaiblie: au mieux, en cas de première place pour LREM avec 22% des voix elle n’aura fait qu’aggraver la rancœurs des 78% d’opposants; au pire, en cas de seconde place, elle fera du chef de l’Etat le vaincu du scrutin. Tout cela est à l’évidence anti-démocratique et anti-républicain. Cette affiche achève d’enterrer la (belle) tradition du président qui est « président de tous les Français ». Elle le montre en chef de parti plutôt qu’en garant de l’unité nationale. Elle contribue donc à aggraver la fragmentation du pays. Mais elle est surtout d’une idiotie invraisemblable,  qui (me) laisse pantois… Tout ceci va mal finir.

NB: depuis la parution de ce billet, de nombreux lecteurs sur les réseaux sociaux me font observer, images à l’appui, que ce n’est pas la première fois qu’un chef de l’Etat figure sur des affiches électorales lors d’une élection européenne. Mea culpa, donc. Pour autant, cela ne change rien au raisonnement: un président qui se pose en chef de parti renonce à sa mission de garant de l’unité nationale et de serviteur du pays dans son ensemble. Cela fait partie des graves dérives qui contribuent au malaise français. 

Maxime TANDONNET

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Author: Redaction