Un régime cent fois pire que la IVe République

Attention! Les propos ci-dessous ne visent en aucun cas à la critique personnalisée d’un homme, mais à la dénonciation d’un régime politique qui, par delà les hommes et les alternances, conduit la France à l’impuissance.

A l’origine, dans la Ve République, telle qu’elle a été conçue en 1958 et 1962, le président de la République, élu au suffrage universel pour sept ans, fixe un cap au pays, dirige sa politique étrangère et de défense, incarne la Nation, arbitre et protecteur, et s’en remet au Parlement et au Gouvernement, Premier ministre et ministre, pour gouverner le pays. De corruption en corruption, ce principe a été bafoué, violé, foulé au pied. Nous en sommes arrivés, notamment avec le quinquennat présidentiel, à un système qui n’a plus aucun rapport avec la logique de la Ve République, et devenu encore moins efficace que la IVe République dans ses pires moments.

La mission constitutionnelle du chef de l’Etat, empreinte de hauteur, de sagesse et de vision historique, traverse une crise sans précédent. Ce dernier a été transformé en un super député, dont la circonscription coïncide avec l’ensemble du territoire national, élu pour un mandat de super député, dont la préoccupation naturelle est de soigner son image, au mieux pour préparer sa réélection et au pire dans l’obsession de sa « trace ». Il symbolise à lui tout seul, à travers son omniprésence médiatique, l’ensemble du pouvoir politique. Une sorte de névrose permanente se cristallise sur son personnage, son reflet médiatisé, qui absorbe, efface, annihile toute autre source de responsabilité publique: parlement, premier ministre, ministres, collectivités locales. La faiblesse et l’indécision, jadis reprochées au régime d’assemblée se sont, sous d’autres formes, réincarnées dans le présidentialisme actuel.

L’image personnelle s’imposant comme l’objectif fondamental de la vie politique, le monde des réalités passe au second plan. Le débat d’idées, la vie démocratique, la notion de projet collectif, s’efface de l’horizon des Français. Le pouvoir se focalise sur l’impératif de communiquer, faire croire ou passer un message, répandre des illusions et mobiliser l’attention autour d’émotions fugaces. Le mythe du chef se substitue à la notion d’intérêt général ou du bien commun. Mais l’action véritable –  celle qui ébranle une société dans ses profondeurs pour la transformer, supposant des efforts, une mobilisation collective, une volonté générale, des remises en cause, du mouvement, des risques et des colères, devient inconcevable. Le principe de décision, de décision authentique, dans tous les domaines stratégiques pour le pays – économie, social, crise migratoire, indivisibilité de la France, sécurité des biens et des personnes, démocratie locale – tend à s’effacer. L’idée de gouvernement des hommes et des choses est sacrifiée à l’obsession du paraître.

La IVe République avait ses défauts, immenses, autour de l’instabilité gouvernementale. Cependant, des décisions se prenaient, émergeaient, par delà son chaos: reconstruction, politique industrielle, plan quinquennal, résistance au stalinisme, alliance atlantique, sortie de la crise indochinoise, indépendances du Maroc et de la Tunisie, traité de Rome, etc.  Aujourd’hui, l’apparence de la stabilité recouvre le néant et l’indécision. Le principe même de gouvernement ne cesse de s’estomper. En Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne, des  choix s’effectuent, en bien ou en mal. La France bien au contraire, se fige peu à peu dans sa névrose de l’image présidentielle. Le danger n’est pas celui de la personnalisation du pouvoir, mais bien au contraire, celui de la personnalisation de l’impuissance, de l’immobilisme qui débouche inévitablement sur une vertigineuse impopularité.

Par delà le choix des hommes, la France a besoin d’une réflexion nationale sur son régime politique, d’une remise en cause des préjugés, des clichés et des tabous qui pèsent sur la question, en vue d’une transformation radicale de son mode de fonctionnement politique et de ses institutions.

Maxime TANDONNET

 


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Author: Redaction