Sauveur providentiel ou homme d’Etat?

Il est une constante de la vie politique française: quelles que soient l’humeur de l’opinion et les idées dominantes, il n’est possible de prendre le pouvoir et de l’exercer, qu’à la condition qu’un leader soit en position d’incarner l’espérance. Sans doute faut-il y voir un phénomène de psychologie collective: les Français ont, de fait, par delà les idées, besoin d’un visage qui personnalise le pouvoir. Le projet ne suffit pas. Les électeurs doivent aussi pouvoir s’identifier à un homme ou une femme.

Le camp des républicains qui ne sont ni socialistes, ni extrémistes, a toujours eu besoin d’un chef pour l’emporter et pour occuper le pouvoir: Millerand de 1920 à 1924, Poincaré de 1926 à 1929, Tardieu de 1929 à 1932, de Gaulle de 1943 à 1946, puis de 1958 à 1969. Cette espérance s’est incarnée en Georges Pompidou et VGE de 1969 à 1981. Dans les années 1980 à 2007, par intermittence au pouvoir, elle eut pour leader Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, le dernier de ses chefs à exercer les plus hautes responsabilités.

Le retour des républicains au sommet de l’Etat passe par l’émergence, dans les années à venir, d’une personnalité susceptible d’incarner une réponse aux préoccupations des Français. Une majorité d’entre eux sait ce qu’elle veut: une baisse des impôts et de la dette publique, une réorientation de la construction européenne dans un sens plus démocratique, une maîtrise effective des flux migratoires, le redressement du niveau scolaire, la sécurité face au terrorisme et à la délinquance, un retour de l’autorité de l’Etat, une amélioration du pouvoir d’achat surtout pour les plus fragiles. Reste un point décisif: une personnalité qui inspire la confiance.

La tâche est complexe. Il y eut une accumulation des déceptions, par exemple Jacques Chirac, élu en 1995 sur une promesse de pouvoir d’achat et de lutte contre la fracture sociale puis appliquant une politique de rigueur. L’influence médiatique est prépondérante sur l’image des politiques qui dépend largement de l’exposition télévisuelle qui leur est accordée. La manière dont la candidature Fillon a été saccagée aux présidentielles de 2017 est symptomatique de ce facteur déterminant. Une succession de scandales tonitruants depuis 2010 a eu pour effet de miner toujours davantage la crédibilité de la politique auprès des Français, se traduisant pas une abstention massive.

Alors, quel leader pour la France?

La vie politico-médiatique se focalise, depuis quelques années, sur une succession de présidents de la République qui ont fondé leur mandat sur une mise en scène de leur personnage. Cette exaltation du « je » avec la bénédiction du monde médiatique, se présente sans doute comme l’habillage ou le masque d’une tragédie dans les profondeurs du pays, qui combine le chaos sociétal, le déclin économique et intellectuel, la montée des violences, l’impuissance et le renoncement sous toutes ses formes.

Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur le « chef » susceptible de redonner l’espoir à une partie de l’opinion découragée ou dégoûtée de la politique. Peu importe d’ailleurs le cadre institutionnel: futur président de la République ou grand Premier ministre qui, dans un contexte de chaos politique, en viendrait à marginaliser l’Elysée pour remettre la France à l’endroit.

L’avenir pourrait bien appartenir à un homme ou une femme ayant à coeur de s’effacer devant son projet, son engagement pour le pays et de placer l’intérêt général avant son destin individuel ou son image personnelle. Celui-ci ou celle-là dira « nous » plutôt que « je ». Il choisira le « faire » contre le « paraître ». Il se fera fort de mobiliser une équipe sur des objectifs plutôt que de pavoiser pour son propre compte. Tournant le dos à toute espèce de démagogie ou de posture, il aura pour unique mot d’ordre celui de vérité. Homme d’Etat, plutôt que sauveur providentiel, il ne cherchera à faire rêver personne, mais  à inspirer la confiance, privilégiera quelques réformes réalistes, modestes et néanmoins déterminantes, sur les grandes proclamations illusoires telle la « transformation de la France ».

Expérimenté, à l’écoute du pays, rassurant et protecteur face à l’apocalypse qui vient, se définissant comme un humble serviteur de la France et rien d’autre, il orientera son action sur les sujets de préoccupation des Français: niveau scolaire, sécurité, emploi, maîtrise de la frontière. Résolu à ne pas s’incruster, étant au service de la France et non de lui-même – ce qui suppose un homme ou femme assez intelligent pour avoir d’autres centres d’intérêt personnels que les attributs du pouvoir – il conditionnera toujours son maintien à la confiance du pays. Mais un personnage ayant ce profil a-t-il une chance d’exister?

Maxime TANDONNET

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Author: Redaction