Rénovation de la procédure devant la cour d’appel

Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile a réformé la procédure devant la cour d'appel. Interview de Damien Pons, magistrat, chef du bureau du droit processuel et du droit social à la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du ministère de la Justice.

 

Pourquoi cette réforme de la procédure devant la cour d'appel était-elle nécessaire ?

Damien PONS ©Caroline Montagné/DICOM/MJDamien Pons (DP) : La réforme entrée en vigueur le 1er septembre 2017 s'inscrit dans le prolongement du décret Magendie entré en vigueur en 2011. Ce texte avait substantiellement modifié la procédure d'appel avec représentation obligatoire, c'est-à-dire la procédure où l'avocat est obligatoire.

Il faut rappeler que l'appel est une voie de recours qui permet à un justiciable de porter son affaire devant une juridiction supérieure qui jugera à nouveau en fait et en droit. Le décret du 6 mai 2017 encadre davantage cette procédure et ancre l'appel dans sa fonction de critique de la décision de première instance.

Il était en effet devenu nécessaire de remettre l'ouvrage sur le métier car le taux d'appel n'a cessé de progresser ces dernières années, ce qui constitue un véritable enjeu en termes de maîtrise des flux. Ainsi, de 237 212 affaires en 2011, on est passé à 250 609 en 2016. La nouvelle procédure vise donc à améliorer la célérité et la qualité de la Justice.

Quelles sont les sources d'inspiration de cette réforme ?

(DP) : La première source d'inspiration est la jurisprudence. Depuis 2011, la Cour de cassation a rendu de nombreux arrêts concernant la procédure d'appel afin de préciser ses contours. Dans un objectif de sécurité juridique, un certain nombre de solutions ont été consacrées dans le décret de 2017.

A côté de la jurisprudence, il faut mentionner l'inspiration que constitue la doctrine qui a mis en évidence la nécessité de certaines évolutions.

Enfin, la voix des praticiens fut très importante dans le cadre de la préparation du décret du 6 mai 2017. Le ministère de la Justice a été très attentif aussi bien aux préconisations des magistrats et greffiers qu'à celles des avocats. Le résultat d'ensemble se veut équilibré.

Cette réforme modifie-t-elle la conception de l'appel ?

(DP) : On ne peut pas vraiment dire que la conception de l'appel se trouve bouleversée par la réforme. Celui qui forme l'appel, que l'on nomme appelant, comme celui qui est visé par l'appel, que l'on nomme intimé, peuvent soumettre à la cour de nouveaux moyens, c'est-à-dire un nouvel argumentaire. Ce qui est nouveau, c'est que désormais les parties sont tenues de présenter à la cour l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès leurs premières conclusions.

Parmi les nouvelles règles procédurales, quelles sont les plus importantes ?

(DP) : Première innovation : le délai dont dispose l'appelant pour transmettre ses conclusions au greffe et à l'intimé est de trois mois. L'intimé a lui-même trois mois pour lui répondre. Dans les procédures d'urgence, ce délai est réduit à un mois. Le décret du 6 mai 2017 fixe aussi les délais dans le cas où la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel et renvoie l'affaire devant une autre cour d'appel.

Autre innovation : les parties peuvent interrompre les délais pour conclure en recourant à des processus de résolution amiable. Les parties, assistées de leurs avocats, peuvent en effet conclure une procédure participative ou s'engager dans un processus de médiation. L'objectif est clairement de favoriser les accords.

Enfin, comment ne pas évoquer l'introduction de la notion de ''force majeure'' dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire. Désormais, le juge peut écarter la sanction de caducité ou celle d'irrecevabilité encourue par une partie lorsque le non-respect d'un délai est dû à un événement imprévisible.

Cette réforme est-elle un point d'aboutissement ou la première étape d'une réforme de la procédure devant la cour d'appel ?

(DP) : D'autres évolutions restent possibles. En effet, l'appel s'inscrit dans un continuum qui va de la première instance à la cassation. Un rapport remis récemment à la garde des Sceaux dans le cadre des ''Chantiers de la Justice'' formule 30 recommandations pour améliorer et simplifier la procédure civile. Les prochains mois diront quelles sont les évolutions envisagées.

En ce qui concerne l'appel, il faut laisser vivre le nouveau dispositif. Le rôle du ministère de la Justice consiste maintenant à accompagner les juridictions dans la mise en œuvre de la réforme en mettant à leur disposition tous les outils utiles.

En conclusion, cette nouvelle procédure recentre l'appel sur la critique de la décision de première instance, encadre les délais et encourage le recours aux modes amiables de résolution des litiges.


Interview réalisée par le ministère de la Justice – SG – DICOM – Damien ARNAUD

Relais de brève

Lire la suite sur le site relayé...

Author: Redaction

Rénovation de la procédure devant la cour d’appel

Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile a réformé la procédure devant la cour d'appel. Interview de Damien Pons, magistrat, chef du bureau du droit processuel et du droit social à la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du ministère de la Justice.

 

Pourquoi cette réforme de la procédure devant la cour d'appel était-elle nécessaire ?

Damien PONS ©Caroline Montagné/DICOM/MJDamien Pons (DP) : La réforme entrée en vigueur le 1er septembre 2017 s'inscrit dans le prolongement du décret Magendie entré en vigueur en 2011. Ce texte avait substantiellement modifié la procédure d'appel avec représentation obligatoire, c'est-à-dire la procédure où l'avocat est obligatoire.

Il faut rappeler que l'appel est une voie de recours qui permet à un justiciable de porter son affaire devant une juridiction supérieure qui jugera à nouveau en fait et en droit. Le décret du 6 mai 2017 encadre davantage cette procédure et ancre l'appel dans sa fonction de critique de la décision de première instance.

Il était en effet devenu nécessaire de remettre l'ouvrage sur le métier car le taux d'appel n'a cessé de progresser ces dernières années, ce qui constitue un véritable enjeu en termes de maîtrise des flux. Ainsi, de 237 212 affaires en 2011, on est passé à 250 609 en 2016. La nouvelle procédure vise donc à améliorer la célérité et la qualité de la Justice.

Quelles sont les sources d'inspiration de cette réforme ?

(DP) : La première source d'inspiration est la jurisprudence. Depuis 2011, la Cour de cassation a rendu de nombreux arrêts concernant la procédure d'appel afin de préciser ses contours. Dans un objectif de sécurité juridique, un certain nombre de solutions ont été consacrées dans le décret de 2017.

A côté de la jurisprudence, il faut mentionner l'inspiration que constitue la doctrine qui a mis en évidence la nécessité de certaines évolutions.

Enfin, la voix des praticiens fut très importante dans le cadre de la préparation du décret du 6 mai 2017. Le ministère de la Justice a été très attentif aussi bien aux préconisations des magistrats et greffiers qu'à celles des avocats. Le résultat d'ensemble se veut équilibré.

Cette réforme modifie-t-elle la conception de l'appel ?

(DP) : On ne peut pas vraiment dire que la conception de l'appel se trouve bouleversée par la réforme. Celui qui forme l'appel, que l'on nomme appelant, comme celui qui est visé par l'appel, que l'on nomme intimé, peuvent soumettre à la cour de nouveaux moyens, c'est-à-dire un nouvel argumentaire. Ce qui est nouveau, c'est que désormais les parties sont tenues de présenter à la cour l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès leurs premières conclusions.

Parmi les nouvelles règles procédurales, quelles sont les plus importantes ?

(DP) : Première innovation : le délai dont dispose l'appelant pour transmettre ses conclusions au greffe et à l'intimé est de trois mois. L'intimé a lui-même trois mois pour lui répondre. Dans les procédures d'urgence, ce délai est réduit à un mois. Le décret du 6 mai 2017 fixe aussi les délais dans le cas où la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel et renvoie l'affaire devant une autre cour d'appel.

Autre innovation : les parties peuvent interrompre les délais pour conclure en recourant à des processus de résolution amiable. Les parties, assistées de leurs avocats, peuvent en effet conclure une procédure participative ou s'engager dans un processus de médiation. L'objectif est clairement de favoriser les accords.

Enfin, comment ne pas évoquer l'introduction de la notion de ''force majeure'' dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire. Désormais, le juge peut écarter la sanction de caducité ou celle d'irrecevabilité encourue par une partie lorsque le non-respect d'un délai est dû à un événement imprévisible.

Cette réforme est-elle un point d'aboutissement ou la première étape d'une réforme de la procédure devant la cour d'appel ?

(DP) : D'autres évolutions restent possibles. En effet, l'appel s'inscrit dans un continuum qui va de la première instance à la cassation. Un rapport remis récemment à la garde des Sceaux dans le cadre des ''Chantiers de la Justice'' formule 30 recommandations pour améliorer et simplifier la procédure civile. Les prochains mois diront quelles sont les évolutions envisagées.

En ce qui concerne l'appel, il faut laisser vivre le nouveau dispositif. Le rôle du ministère de la Justice consiste maintenant à accompagner les juridictions dans la mise en œuvre de la réforme en mettant à leur disposition tous les outils utiles.

En conclusion, cette nouvelle procédure recentre l'appel sur la critique de la décision de première instance, encadre les délais et encourage le recours aux modes amiables de résolution des litiges.


Interview réalisée par le ministère de la Justice – SG – DICOM – Damien ARNAUD

Relais de brève

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