Réflexion sur « le Grand Débat »

Le site d’information Atlantico m’interrogeait hier, avec M. Christophe Bouillaud, sur le « Grand débat ». Dans une démocratie, le débat d’idées intervient toujours avant une élection nationale par laquelle la nation se donne un destin. On débat pendant les compagnes électorales et on agit par la suite. Le pays connaît une crise profonde due à la fracture démocratique, le gouffre entre la classe dirigeante et la nation. Un grand débat, sans vote à son issue, sans engagement de la responsabilité de l’équipe au pouvoir,  serait ressenti comme un leurre désespéré et le signe d’un infini désarroi.

  1. Ce lundi, Emmanuel Macron publie sa lettre aux Français, dans laquelle il doit annoncer les contours du prochain Grand Débat national promis lors des vœux. Cependant, la préparation du débat a connu de vraies difficultés ces dernières semaines. Le casse-tête organisationnel ne fait pas déjà de ce débat une impasse pour le pouvoir ?

Oui, le pataquès autour de la rémunération de Mme Jouanno et la démission de celle-ci n’augurent rien de bon. Pourtant, le véritable problème n’est pas d’organisation. Le réseau de l’Etat sur le territoire est dense et efficace. Les préfecture, les mairies, les établissements scolaires sont bien outillés pour une telle organisation. Le problème tient plutôt aux questions de fond. Dans une démocratie, les grands débats de fond précèdent les élections. Ils doivent avoir un enjeu concret, déboucher sur le choix de personnalités, d’un programme, d’une politique. Les élections présidentielles et législatives de 2017 ont été dominées par un scandale qui a écrasé les débats de fond. Ce débat qui n’a pas eu lieu en 2017, on voudrait le faire aujourd’hui.  Le climat de violence et d’émeutes qui s’est installé dans le pays est le résultat direct des défaillances de la démocratie française que déplorent 72% des Français (CEVIPOF 2019). Le débat qui s’ouvre peut donc s’interpréter comme un ersatz du débat qui n’a pas eu lieu en 2017. Mais il semble, de prime abord, être sans enjeu concret: il ne se traduira pas par des élections ni par un changement de cap politique. Dès lors, on peut douter qu’il suffise pour apaiser les esprits.

  1. Un sondage Eudoxa pour le Figaro montre que ce sont les sympathisants de La France insoumise qui souhaitent le plus s’impliquer dans la consultation (53 %).  Politiquement, le débat ne risque-t-il pas d’être politiquement ingérable ?

4 questions essentielles doivent y être abordées, couvrant un champ très large de la vie publique selon la lettre du président de la République: la fiscalité, l’organisation de l’Etat, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté. L’intérêt des sympathisants de la France Insoumise s’explique sans doute par la perspective d’un rétablissement de l’ISF, ou la mise en place d’un impôt équivalent. Mais dans ce débat, chaque participant aura son idée derrière la tête. Il est probable qu’une multitude de revendications vont voir le jour, sur la fiscalité, sur les revenus et le pouvoir d’achat, sur les limitations de vitesse et la sécurité routière, sur l’immigration, sur l’Europe, etc.  Le grand débat s’expose ainsi au risque de la confusion. Nombre de personnes n’y verront qu’une opération de communication, un leurre pour détourner des vrais problèmes et des échecs et pour gagner du temps… Ils accuseront les dirigeants du pays de fuir l’action et les responsabilités dans une ènième opération d’enfumage. D’autres prendront la chose au sérieux, mais feront valoir des propositions déconnectées de tout principe de réalité ou inacceptables pour un gouvernement responsable, par exemple en matière de sécurité routière. La marge de manœuvre des autorités risque ainsi de se révéler étroite… Il est certain que ce grand débat se présente comme un chantier difficile à maîtriser et à canaliser vers des réponses concrètes.

  1. La grande difficulté, et peut-être le plus grand défi ne sera-t-il pas pour le Président de convertir ce débat en une action politique rassembleuse ? Peut-il y arriver ? 

 La France traverse une profonde crise démocratique qui couvait depuis des années ou des décennies. Elle tient au fait que les Français se sentent méprisés par les élites dirigeantes qui sont censées les représenter. Il me semble que le malentendu entre la France dite d’en bas, le peuple, et la France dite d’en haut, la classe dirigeante ou influente, touche en ce moment à son paroxysme. Le grand débat va s’ouvrir sur un malentendu. Une partie du pays est entrée en ébullition, avec le soutien d’une majorité, parce qu’elle veut une révolution de la gouvernance du pays, la fin du culte élyséen de la personnalité, un gouvernement et des ministres qui gouvernent, un parlement qui reflète fidèlement ses aspirations et exprime leurs attentes dans tous les domaines, le recours au référendum pour associer la nation aux grandes décisions qui la concernent, une refonte radicale du fonctionnement de l’Europe pour la rendre moins bureaucratique,  le renouveau de la démocratie de proximité et la réaffirmation du rôle des maires seule source d’autorité de proximité que plébiscitent les citoyens (CEVIPOF). La lettre du président de la République est ambitieuse, parlant d’un « nouveau contrat » national. Pourtant, sauf énorme surprise, les dirigeants du pays, organisateurs du grand débat, ne sont pas dans un état d’esprit se prêtant à une révolution démocratique et un rééquilibrage des institutions. Ils se préparent peut-être à des concessions ponctuelles, sur la fiscalité par exemple, ou sur les 80 km heures. Mais c’est tout autre chose que le pays attend. Pour que ce débat débouche sur une perspective rassembleuse, il faudrait une authentique volonté de rénovation, dans les profondeurs, de la démocratie française. Le débat prend-il ce chemin? Il est permis de s’interroger.

 

 

 

 

 

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Author: Redaction

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Le site d’information Atlantico m’interrogeait hier, avec M. Christophe Bouillaud, sur le « Grand débat ». Dans une démocratie, le débat d’idées intervient toujours avant une élection nationale par laquelle la nation se donne un destin. On débat pendant les compagnes électorales et on agit par la suite. Le pays connaît une crise profonde due à la fracture démocratique, le gouffre entre la classe dirigeante et la nation. Un grand débat, sans vote à son issue, sans engagement de la responsabilité de l’équipe au pouvoir,  serait ressenti comme un leurre désespéré et le signe d’un infini désarroi.

  1. Ce lundi, Emmanuel Macron publie sa lettre aux Français, dans laquelle il doit annoncer les contours du prochain Grand Débat national promis lors des vœux. Cependant, la préparation du débat a connu de vraies difficultés ces dernières semaines. Le casse-tête organisationnel ne fait pas déjà de ce débat une impasse pour le pouvoir ?

Oui, le pataquès autour de la rémunération de Mme Jouanno et la démission de celle-ci n’augurent rien de bon. Pourtant, le véritable problème n’est pas d’organisation. Le réseau de l’Etat sur le territoire est dense et efficace. Les préfecture, les mairies, les établissements scolaires sont bien outillés pour une telle organisation. Le problème tient plutôt aux questions de fond. Dans une démocratie, les grands débats de fond précèdent les élections. Ils doivent avoir un enjeu concret, déboucher sur le choix de personnalités, d’un programme, d’une politique. Les élections présidentielles et législatives de 2017 ont été dominées par un scandale qui a écrasé les débats de fond. Ce débat qui n’a pas eu lieu en 2017, on voudrait le faire aujourd’hui.  Le climat de violence et d’émeutes qui s’est installé dans le pays est le résultat direct des défaillances de la démocratie française que déplorent 72% des Français (CEVIPOF 2019). Le débat qui s’ouvre peut donc s’interpréter comme un ersatz du débat qui n’a pas eu lieu en 2017. Mais il semble, de prime abord, être sans enjeu concret: il ne se traduira pas par des élections ni par un changement de cap politique. Dès lors, on peut douter qu’il suffise pour apaiser les esprits.

  1. Un sondage Eudoxa pour le Figaro montre que ce sont les sympathisants de La France insoumise qui souhaitent le plus s’impliquer dans la consultation (53 %).  Politiquement, le débat ne risque-t-il pas d’être politiquement ingérable ?

4 questions essentielles doivent y être abordées, couvrant un champ très large de la vie publique selon la lettre du président de la République: la fiscalité, l’organisation de l’Etat, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté. L’intérêt des sympathisants de la France Insoumise s’explique sans doute par la perspective d’un rétablissement de l’ISF, ou la mise en place d’un impôt équivalent. Mais dans ce débat, chaque participant aura son idée derrière la tête. Il est probable qu’une multitude de revendications vont voir le jour, sur la fiscalité, sur les revenus et le pouvoir d’achat, sur les limitations de vitesse et la sécurité routière, sur l’immigration, sur l’Europe, etc.  Le grand débat s’expose ainsi au risque de la confusion. Nombre de personnes n’y verront qu’une opération de communication, un leurre pour détourner des vrais problèmes et des échecs et pour gagner du temps… Ils accuseront les dirigeants du pays de fuir l’action et les responsabilités dans une ènième opération d’enfumage. D’autres prendront la chose au sérieux, mais feront valoir des propositions déconnectées de tout principe de réalité ou inacceptables pour un gouvernement responsable, par exemple en matière de sécurité routière. La marge de manœuvre des autorités risque ainsi de se révéler étroite… Il est certain que ce grand débat se présente comme un chantier difficile à maîtriser et à canaliser vers des réponses concrètes.

  1. La grande difficulté, et peut-être le plus grand défi ne sera-t-il pas pour le Président de convertir ce débat en une action politique rassembleuse ? Peut-il y arriver ? 

 La France traverse une profonde crise démocratique qui couvait depuis des années ou des décennies. Elle tient au fait que les Français se sentent méprisés par les élites dirigeantes qui sont censées les représenter. Il me semble que le malentendu entre la France dite d’en bas, le peuple, et la France dite d’en haut, la classe dirigeante ou influente, touche en ce moment à son paroxysme. Le grand débat va s’ouvrir sur un malentendu. Une partie du pays est entrée en ébullition, avec le soutien d’une majorité, parce qu’elle veut une révolution de la gouvernance du pays, la fin du culte élyséen de la personnalité, un gouvernement et des ministres qui gouvernent, un parlement qui reflète fidèlement ses aspirations et exprime leurs attentes dans tous les domaines, le recours au référendum pour associer la nation aux grandes décisions qui la concernent, une refonte radicale du fonctionnement de l’Europe pour la rendre moins bureaucratique,  le renouveau de la démocratie de proximité et la réaffirmation du rôle des maires seule source d’autorité de proximité que plébiscitent les citoyens (CEVIPOF). La lettre du président de la République est ambitieuse, parlant d’un « nouveau contrat » national. Pourtant, sauf énorme surprise, les dirigeants du pays, organisateurs du grand débat, ne sont pas dans un état d’esprit se prêtant à une révolution démocratique et un rééquilibrage des institutions. Ils se préparent peut-être à des concessions ponctuelles, sur la fiscalité par exemple, ou sur les 80 km heures. Mais c’est tout autre chose que le pays attend. Pour que ce débat débouche sur une perspective rassembleuse, il faudrait une authentique volonté de rénovation, dans les profondeurs, de la démocratie française. Le débat prend-il ce chemin? Il est permis de s’interroger.

 

 

 

 

 

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  1. Ce lundi, Emmanuel Macron publie sa lettre aux Français, dans laquelle il doit annoncer les contours du prochain Grand Débat national promis lors des vœux. Cependant, la préparation du débat a connu de vraies difficultés ces dernières semaines. Le casse-tête organisationnel ne fait pas déjà de ce débat une impasse pour le pouvoir ?

Oui, le pataquès autour de la rémunération de Mme Jouanno et la démission de celle-ci n’augurent rien de bon. Pourtant, le véritable problème n’est pas d’organisation. Le réseau de l’Etat sur le territoire est dense et efficace. Les préfecture, les mairies, les établissements scolaires sont bien outillés pour une telle organisation. Le problème tient plutôt aux questions de fond. Dans une démocratie, les grands débats de fond précèdent les élections. Ils doivent avoir un enjeu concret, déboucher sur le choix de personnalités, d’un programme, d’une politique. Les élections présidentielles et législatives de 2017 ont été dominées par un scandale qui a écrasé les débats de fond. Ce débat qui n’a pas eu lieu en 2017, on voudrait le faire aujourd’hui.  Le climat de violence et d’émeutes qui s’est installé dans le pays est le résultat direct des défaillances de la démocratie française que déplorent 72% des Français (CEVIPOF 2019). Le débat qui s’ouvre peut donc s’interpréter comme un ersatz du débat qui n’a pas eu lieu en 2017. Mais il semble, de prime abord, être sans enjeu concret: il ne se traduira pas par des élections ni par un changement de cap politique. Dès lors, on peut douter qu’il suffise pour apaiser les esprits.

  1. Un sondage Eudoxa pour le Figaro montre que ce sont les sympathisants de La France insoumise qui souhaitent le plus s’impliquer dans la consultation (53 %).  Politiquement, le débat ne risque-t-il pas d’être politiquement ingérable ?

4 questions essentielles doivent y être abordées, couvrant un champ très large de la vie publique selon la lettre du président de la République: la fiscalité, l’organisation de l’Etat, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté. L’intérêt des sympathisants de la France Insoumise s’explique sans doute par la perspective d’un rétablissement de l’ISF, ou la mise en place d’un impôt équivalent. Mais dans ce débat, chaque participant aura son idée derrière la tête. Il est probable qu’une multitude de revendications vont voir le jour, sur la fiscalité, sur les revenus et le pouvoir d’achat, sur les limitations de vitesse et la sécurité routière, sur l’immigration, sur l’Europe, etc.  Le grand débat s’expose ainsi au risque de la confusion. Nombre de personnes n’y verront qu’une opération de communication, un leurre pour détourner des vrais problèmes et des échecs et pour gagner du temps… Ils accuseront les dirigeants du pays de fuir l’action et les responsabilités dans une ènième opération d’enfumage. D’autres prendront la chose au sérieux, mais feront valoir des propositions déconnectées de tout principe de réalité ou inacceptables pour un gouvernement responsable, par exemple en matière de sécurité routière. La marge de manœuvre des autorités risque ainsi de se révéler étroite… Il est certain que ce grand débat se présente comme un chantier difficile à maîtriser et à canaliser vers des réponses concrètes.

  1. La grande difficulté, et peut-être le plus grand défi ne sera-t-il pas pour le Président de convertir ce débat en une action politique rassembleuse ? Peut-il y arriver ? 

 La France traverse une profonde crise démocratique qui couvait depuis des années ou des décennies. Elle tient au fait que les Français se sentent méprisés par les élites dirigeantes qui sont censées les représenter. Il me semble que le malentendu entre la France dite d’en bas, le peuple, et la France dite d’en haut, la classe dirigeante ou influente, touche en ce moment à son paroxysme. Le grand débat va s’ouvrir sur un malentendu. Une partie du pays est entrée en ébullition, avec le soutien d’une majorité, parce qu’elle veut une révolution de la gouvernance du pays, la fin du culte élyséen de la personnalité, un gouvernement et des ministres qui gouvernent, un parlement qui reflète fidèlement ses aspirations et exprime leurs attentes dans tous les domaines, le recours au référendum pour associer la nation aux grandes décisions qui la concernent, une refonte radicale du fonctionnement de l’Europe pour la rendre moins bureaucratique,  le renouveau de la démocratie de proximité et la réaffirmation du rôle des maires seule source d’autorité de proximité que plébiscitent les citoyens (CEVIPOF). La lettre du président de la République est ambitieuse, parlant d’un « nouveau contrat » national. Pourtant, sauf énorme surprise, les dirigeants du pays, organisateurs du grand débat, ne sont pas dans un état d’esprit se prêtant à une révolution démocratique et un rééquilibrage des institutions. Ils se préparent peut-être à des concessions ponctuelles, sur la fiscalité par exemple, ou sur les 80 km heures. Mais c’est tout autre chose que le pays attend. Pour que ce débat débouche sur une perspective rassembleuse, il faudrait une authentique volonté de rénovation, dans les profondeurs, de la démocratie française. Le débat prend-il ce chemin? Il est permis de s’interroger.

 

 

 

 

 

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Le site d’information Atlantico m’interrogeait hier, avec M. Christophe Bouillaud, sur le « Grand débat ». Dans une démocratie, le débat d’idées intervient toujours avant une élection nationale par laquelle la nation se donne un destin. On débat pendant les compagnes électorales et on agit par la suite. Le pays connaît une crise profonde due à la fracture démocratique, le gouffre entre la classe dirigeante et la nation. Un grand débat, sans vote à son issue, sans engagement de la responsabilité de l’équipe au pouvoir,  serait ressenti comme un leurre désespéré et le signe d’un infini désarroi.

  1. Ce lundi, Emmanuel Macron publie sa lettre aux Français, dans laquelle il doit annoncer les contours du prochain Grand Débat national promis lors des vœux. Cependant, la préparation du débat a connu de vraies difficultés ces dernières semaines. Le casse-tête organisationnel ne fait pas déjà de ce débat une impasse pour le pouvoir ?

Oui, le pataquès autour de la rémunération de Mme Jouanno et la démission de celle-ci n’augurent rien de bon. Pourtant, le véritable problème n’est pas d’organisation. Le réseau de l’Etat sur le territoire est dense et efficace. Les préfecture, les mairies, les établissements scolaires sont bien outillés pour une telle organisation. Le problème tient plutôt aux questions de fond. Dans une démocratie, les grands débats de fond précèdent les élections. Ils doivent avoir un enjeu concret, déboucher sur le choix de personnalités, d’un programme, d’une politique. Les élections présidentielles et législatives de 2017 ont été dominées par un scandale qui a écrasé les débats de fond. Ce débat qui n’a pas eu lieu en 2017, on voudrait le faire aujourd’hui.  Le climat de violence et d’émeutes qui s’est installé dans le pays est le résultat direct des défaillances de la démocratie française que déplorent 72% des Français (CEVIPOF 2019). Le débat qui s’ouvre peut donc s’interpréter comme un ersatz du débat qui n’a pas eu lieu en 2017. Mais il semble, de prime abord, être sans enjeu concret: il ne se traduira pas par des élections ni par un changement de cap politique. Dès lors, on peut douter qu’il suffise pour apaiser les esprits.

  1. Un sondage Eudoxa pour le Figaro montre que ce sont les sympathisants de La France insoumise qui souhaitent le plus s’impliquer dans la consultation (53 %).  Politiquement, le débat ne risque-t-il pas d’être politiquement ingérable ?

4 questions essentielles doivent y être abordées, couvrant un champ très large de la vie publique selon la lettre du président de la République: la fiscalité, l’organisation de l’Etat, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté. L’intérêt des sympathisants de la France Insoumise s’explique sans doute par la perspective d’un rétablissement de l’ISF, ou la mise en place d’un impôt équivalent. Mais dans ce débat, chaque participant aura son idée derrière la tête. Il est probable qu’une multitude de revendications vont voir le jour, sur la fiscalité, sur les revenus et le pouvoir d’achat, sur les limitations de vitesse et la sécurité routière, sur l’immigration, sur l’Europe, etc.  Le grand débat s’expose ainsi au risque de la confusion. Nombre de personnes n’y verront qu’une opération de communication, un leurre pour détourner des vrais problèmes et des échecs et pour gagner du temps… Ils accuseront les dirigeants du pays de fuir l’action et les responsabilités dans une ènième opération d’enfumage. D’autres prendront la chose au sérieux, mais feront valoir des propositions déconnectées de tout principe de réalité ou inacceptables pour un gouvernement responsable, par exemple en matière de sécurité routière. La marge de manœuvre des autorités risque ainsi de se révéler étroite… Il est certain que ce grand débat se présente comme un chantier difficile à maîtriser et à canaliser vers des réponses concrètes.

  1. La grande difficulté, et peut-être le plus grand défi ne sera-t-il pas pour le Président de convertir ce débat en une action politique rassembleuse ? Peut-il y arriver ? 

 La France traverse une profonde crise démocratique qui couvait depuis des années ou des décennies. Elle tient au fait que les Français se sentent méprisés par les élites dirigeantes qui sont censées les représenter. Il me semble que le malentendu entre la France dite d’en bas, le peuple, et la France dite d’en haut, la classe dirigeante ou influente, touche en ce moment à son paroxysme. Le grand débat va s’ouvrir sur un malentendu. Une partie du pays est entrée en ébullition, avec le soutien d’une majorité, parce qu’elle veut une révolution de la gouvernance du pays, la fin du culte élyséen de la personnalité, un gouvernement et des ministres qui gouvernent, un parlement qui reflète fidèlement ses aspirations et exprime leurs attentes dans tous les domaines, le recours au référendum pour associer la nation aux grandes décisions qui la concernent, une refonte radicale du fonctionnement de l’Europe pour la rendre moins bureaucratique,  le renouveau de la démocratie de proximité et la réaffirmation du rôle des maires seule source d’autorité de proximité que plébiscitent les citoyens (CEVIPOF). La lettre du président de la République est ambitieuse, parlant d’un « nouveau contrat » national. Pourtant, sauf énorme surprise, les dirigeants du pays, organisateurs du grand débat, ne sont pas dans un état d’esprit se prêtant à une révolution démocratique et un rééquilibrage des institutions. Ils se préparent peut-être à des concessions ponctuelles, sur la fiscalité par exemple, ou sur les 80 km heures. Mais c’est tout autre chose que le pays attend. Pour que ce débat débouche sur une perspective rassembleuse, il faudrait une authentique volonté de rénovation, dans les profondeurs, de la démocratie française. Le débat prend-il ce chemin? Il est permis de s’interroger.

 

 

 

 

 

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