Réflexion sur l’avenir de l’opposition républicaine

Ci-dessous mon dernier entretien pour le site Atlantico, avec M. René Gérard Slama, au sujet de l’avenir de l’opposition républicaine. 

  • Avantage de fait comparativement au PS, les LR disposent désormais d’un chef en la personne de Laurent Wauquiez. Cependant, selon un sondage datant du mois de décembre dernier seuls 12% des Français feraient le choix des LR pour les élections européennes de 2019. La droite est elle en panne d’idées ? A-t-elle encore quelque-chose à dire pour éviter une défaite électorale qui pourrait l’entraîne à la 4e voire à la 5e place des formations politiques lors de ces scrutin ? 

Pour l’instant, ce n’est pas tellement une affaire d’idées, mais d’image. Le débat d’idées n’existe pas. L’équipe au pouvoir n’a pas spécialement d’idées nouvelles, elle met plus ou moins en œuvre les slogans de campagne présidentielle par exemple sur la taxe d’habitation ou l’impôt sur la fortune. Si, dans les sondages, LREM semble avoir toujours le vent en poupe, c’est parce qu’il est encore sur sa lancée de 2017. Le parti incarne toujours aux yeux de beaucoup de Français le nouveau monde face à l’ancien, le renouvellement, la jeunesse et la modernité. Sur les institutions, la démocratie française, la sécurité, l’école, l’immigration, l’Europe, l’économie, le social, les impôts, l’international, il ne propose pas d’idée nouvelle et originale par rapport aux gouvernements précédents. Mais l’image reste plutôt bonne. Elle bénéficie d’un contexte international de croissance et d’optimisme qui est très favorable. Cette relative réussite est surtout fondée sur une double illusion de modernité et d’autorité. Sur le chômage, la désindustrialisation, les prélèvements obligatoires, la dette publique, la violence, les zones de non droit, la liberté d’entreprendre, la maîtrise des frontières, par-delà les coups de menton et les gesticulations, aucune décision ne permet d’espérer une substantielle amélioration. Pour l’instant, la posture triomphe. Dès lors la droite souffre pour l’instant, par rapport à LERM, d’un déficit d’image. Les idées n’ont plus grand rapport avec la politique française, devenue un grand spectacle, un show médiatique et une manipulation de grande ampleur de l’opinion. L’opposition républicaine ne s’en sortira pas, aussi longtemps que la belle illusion va perdurer. Sa mission est triple aujourd’hui : faire prendre conscience aux Français de la réalité, se donner une nouvelle image qui inspire la confiance et enfin, essayer justement de recentrer la vie politique sur le débat d’idées et non plus la posture. Le défi est colossal…

2- Emmanuel Macron parvient peu à peu à gagner des points chez les électeurs de droite, provoquant ainsi une tentation de durcissement du discours à droite, et dont les bénéfices peinent à se faire ressentir auprès de l’électorat. N’est ce pas justement cette attitude de réaction qui pénalise les LR ?

Sur le plan de l’image, puisque c’est cela qui compte avant tout aujourd’hui, c’est tout à fait vrai. L’opinion publique dans sa majorité, n’acceptera jamais une image de droite dure, cassante, autoritaire, radicalisée. Dans la France moderne, on ne peut pas gagner une élection en donnant une image brutale. L’opinion publique est d’une complexité inouïe. Elle veut l’autorité, enrobée dans la douceur, autrement dit une main de fer dans un gant de velours. L’esprit sectaire n’a jamais gagné une élection et les Français ont soif d’unité… La nouvelle équipe de LR n’a pas encore trouvé le ton juste en termes d’image.  M. Wauquiez et son équipe ont pour l’instant une image qui plaît beaucoup aux militants mais qui ne semble pas avoir encore convaincu l’opinion dans son ensemble. La priorité absolue est de la corriger en l’orientant sur l’unité, l’ouverture, le collectif et le dialogue. En revanche, sur le fond de la politique, il est du premier devoir des LR de s’opposer clairement au gouvernement actuel. Justement, l’enjeu aujourd’hui est de dénoncer l’illusion d’un « nouveau monde » qui aurait remplacé l’ancien. Le rôle de l’opposition démocratique est de proposer aujourd’hui une profonde révolution de la politique française. Il faut en finir avec le culte de la posture, de l’image et du « je » nihiliste. L’opposition républicaine doit replacer le débat d’idées, l’intérêt général, et le destin national au premier plan de la politique. Quel est l’avenir d’une Europe en pleine désintégration avec le Brexit, les crises polonaise, espagnole, autrichienne ? Comment concilier les démocraties nationales et la solidarité européenne face au chaos planétaire  ? Que faire face à la montée de l’insécurité et la crise de l’autorité de l’Etat, face aux zones de non droit, aux zadistes, à la montée de la violence notamment contre les policiers ? Comment réduire drastiquement les prélèvements obligatoires  et la dette publique ? Comment sauver le système scolaire, réhabiliter les savoirs fondamentaux, pas seulement dans le discours, mais dans la réalité ? Quelles réponses à apporter sur la question de l’unité nationale face au communautarisme, à l’islamisme radical, la maîtrise des frontières ?  Il faut parler et débattre de ces sujets sans peur ni tabou en vue de forger une ligne réaliste et républicaine.

3- De nombreux politologues ont pu faire le constat, au sein des démocraties libérales, de la disparition progressive de la social-démocratie. Si la case vide de l’échiquier politique actuel correspond à celle de la social-démocratie, la droite ne risque-t-elle pas son existence même face à la percée de LREM ?

Le risque existe en effet. Mais c’est à l’opposition républicaine de se resituer dans un nouveau contexte. Si le débat libéralisme/sociale démocratie est dépassé, il faut s’adapter aux circonstances nouvelles. Le véritable clivage qui se présente aujourd’hui est entre la politique spectacle et la politique des réalités. LR ne doit pas cesser de dénoncer les dérives de la politique actuelles dans le culte de l’image, les paroles, le narcissisme. Et surtout, pour exister, LR doit repenser de fond en comble la politique française. Ce qui est en cause aujourd’hui, dans l’aveuglement et l’indifférence générale, c’est un certain modèle politique fondé sur le présidentialisme à outrance, cette idée que l’essence du pouvoir se concentre dans l’image médiatique d’un seul homme au détriment de tout le reste, le gouvernement, le parlement, les collectivités locales, la nation. Cette idée est profondément illusoire. Le culte médiatique du « chef providentiel » sert à dissimuler l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat, son impuissance et son renoncement à traiter les problèmes de fond. LR doit fonder son renouveau sur la sortie du schéma de l’ultra narcissisme ou culte de la personnalité, et le retour à la politique en tant qu’action au seul service du bien commun. LR doit lancer une réflexion sur la reconquête de la démocratie française. Comment restaurer la notion de gouvernement, de choix de société, de décision publique ? Quelle place pour le gouvernement et le Parlement en tant que détenteur de la souveraineté ? Quelle place pour la Nation à travers la démocratie directe (le référendum) et la démocratie locale, la liberté communale ? Il est fort probable que d’ici, 2022, les masques vont tomber et le pouvoir actuel, fondé sur l’image, fera l’objet d’un profond rejet de l’opinion publique. La France aura besoin d’une opposition pour accomplir l’alternance. C’est dès maintenant qu’elle se construit.


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Author: Redaction