Quand l’obsession des affaires détruit la politique

Dernière contribution au Figaro Vox:

Une grave crise politique secoue la France à l’issue d’une double élection présidentielle/législative : un record de vitesse absolu dans l’histoire de la Ve République. Et cette crise est de grande ampleur : la démission des ténors du Modem, M. François Bayrou, Mme Sarnez et Mme Goulard, qui occupaient des postes clés au gouvernement, ébranle un pilier du dispositif de conquête de l’Elysée et du Palais Bourbon qui a si bien fonctionné en ralliant l’opinion centriste. Les sources même d’un succès se trouvent donc altérées au risque d’indisposer les électeurs qui ont accordé leur confiance au tandem En Marche-Modem.

Les affaires sont déjà de retour. Les leaders du parti de M. Bayrou sont accusés d’emploi fictif. Aucune condamnation, cela va s’en dire, n’a été prononcée et les démissions sont intervenues avant même d’éventuelles mises en examen. Un simple soupçon, concernant des pratiques certes illégales, mais hors enrichissement personnel, suffit donc à provoquer une grave secousse politique. L’image du nouveau pouvoir, qui tient avant tout sa légitimité du renouvellement et de la recomposition politique, se voit donc profondément salie.

Certes il est parfaitement légitime que les politiques ayant commis des fautes soient sanctionnés sur un plan personnel, au même titre que n’importe quel citoyen coupable d’une infraction. Mais la question qui se trouve posée aujourd’hui est d’une toute autre nature : celle de la paralysie continue du pouvoir politique par l’obsession de la vertu.

La France n’en sort pas. Les « affaires » et la pureté des dirigeants tournent à l’obsession et étouffent toutes les autres questions. Dans une sorte de roulement continu, les scandales s’enchaînent les uns aux autres, écrasant la vie publique. Depuis 2011, une tornade sans fin de mises en cause du comportement des responsables politique semble emporter la politique française : DSK, Cahuzac, Thévenoud, « Merci pour ce moment » et ses suites, Bygmalion au centre des primaires…Les présidentielles de 2017 ont été broyées par le « Fillongate ». Et puis aujourd’hui, voici le nouveau pouvoir, mandaté pour assainir la vie politique, pour changer son visage, frappé à son tour par le scandale.

Une hystérie chasse l’autre. Un jour, la France médiatique s’enivre d’optimisme, de jeunesse, d’euphorie, d’exaltation, de jubilation, de culte de la personnalité. Le lendemain, elle bascule dans le soupçon, l’accusation, le lynchage, le passage à tabac, la quête de boucs émissaires. A l’image d’un Robespierre, elle a soif de vertu, de sang et de têtes qui tombent. Les idoles et les héros du matin se métamorphosent le soir en pestiférés.

Et tout le reste disparaît car cette quête de la pureté relègue au second plan les enjeux vitaux pour le pays. L’obsession de la vertu en politique renverse le cours de l’histoire politique, bouscule les logiques électorales, déstabilise les gouvernements les plus fraîchement désignés. Elle exprime la fuite de la vie publique dans l’émotion, l’image et le spectacle permanent, la personnalisation des choses au détriment de la politique au sens noble du terme : le gouvernement de la cité.

La France, en deux ans a été ensanglantée par le terrorisme et vit sous la menace de nouveaux attentats. Le pays compte toujours 3,5 à 5,5 millions de chômeurs. Il est déchiré par l’exclusion, la crise des cités sensibles et de l’éducation nationale, la violence quotidienne, le danger du communautarisme, la pauvreté, la crise migratoire européenne. Il est confronté à une situation internationale chaotique, au retour de la guerre froide, au risque d’une déstabilisation du Moyen-Orient et de l’Afrique par le djihadisme. Mais ces questions décisives pour l’avenir du pays s’effacent de l’actualité, étouffées par l’obsession de la vertu.

Consciemment ou inconsciemment, cette fixation obsessionnelle de la France médiatisée sur la vertu des politiques reflète une tendance à l’anéantissement de la volonté générale, de la notion de gouvernement et de choix collectif. En neutralisant le politique c’est-à-dire la maîtrise du destin, elle tend à livrer le pays au laisser-faire, à l’indécision et au chaos. Au fond, ce qui est en cause, c’est l’autorité du politique, du suffrage universel, donc la démocratie. Et ces événements ne peuvent qu’amplifier le discrédit populaire envers la chose publique, qui s’exprime dans un niveau d’abstentionnisme phénoménal.

 


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Author: Redaction