Paroles de visionnaire

Attention! L’intention de mon article pour le Figaro Vox n’est pas de rouvrir un débat pour ou contre Sarkozy, ni sur le bilan de sa présidence dès lors que celui-ci est retiré de la vie politicienne. Tel n’est pas le sujet. Elle est simplement de constater que, par-delà l’effarante, l’invraisemblable, la monstrueuse médiocrité de la politique française en ce moment, le débat d’idées et la réflexion sur le destin commun sont encore possibles…

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Les affres d’un changement de nom pour tenter de faire oublier le reste ; un lapsus malheureux ; de belles images narcissiques et vaniteuses : au cours du weekend du 10 au 12 mars, la politique française a connu une nouvelle rechute dans les abysses de la médiocrité.

Pourtant, il s’est trouvé un homme politique pour redresser le niveau du débat public: M. Nicolas Sarkozy. Tenus à Abou Dhabi, ses propos sur l’avenir de l’Europe témoignent d’une volonté de prendre de la hauteur qui contraste fortement avec la vie politique et médiatique française du temps présent. Ainsi, alors qu’une grande partie du monde politicien se réjouit du Brexit, y voyant l’occasion de dépouiller la Grande-Bretagne, avec une tonalité anglophobe qui rappelle de sinistres souvenirs, le président Sarkozy tient, lui, des propos d’une toute autre envergure.

Au rebours de la meute, il affirme que le Brexit est un « cauchemar pour tout le monde et que tout le monde y perd, [que] le projet européen est vieux, [et que] nous avons besoin de mettre un nouveau traité européen sur la table qui repense l’Europe – sans considérer les 60 années passées, mais les 60 années à venir – et dire aux Britanniques : vous avez décidé de quitter la vieille Europe, mais voici une nouvelle Europe, votez maintenant si vous voulez être membre de ce club. » Ces paroles témoignent d’une authentique vision de l’avenir, refusant la fatalité d’une Europe bureaucratique et déconnectée des Européens et formulant l’espoir d’une refondation  du projet européen.

Ses déclarations sur l’immigration reflètent une même volonté de prospective qui tranche avec les calculs de courte vue et les exploitations à la petite semaine en tout genre sur cette question : « En trente ans, l’Afrique va passer d’un milliard d’habitants à 2,3 milliards. Le seul Nigeria, vous m’entendez, le Nigeria, dans trente ans, aura plus d’habitants que les États-Unis. Le peuple dit : On ne peut pas accueillir toute l’immigration. Et c’est vrai. Il ne s’agit pas de supprimer l’immigration. Mais dans trente ans, il y aura 500 millions d’Européens et 2,3 milliards d’Africains. Si l’Afrique ne se développe pas, l’Europe explosera. Ce n’est pas un sujet populiste, c’est un sujet tout court. » Un tel discours à caractère géostratégique, tenant compte des réalités démographiques et économiques sur le long terme, illustre ce que doit être une vision d’homme d’Etat.

Nicolas Sarkozy soulève enfin la question de l’avenir de la démocratie dans le monde moderne: « Comment pouvons-nous avoir une démocratie et, en même temps, accepter un leadership? Comment pouvons-nous avoir une vision à dix, vingt ou trente ans et en même temps avoir un rythme électoral aux Etats-Unis, par exemple, de quatre ans? Les grands leaders du monde viennent de pays qui ne sont pas de grandes démocraties et je crois que c’est le leadership qui fait le pays. »

Là aussi, il se montre ici fidèle à une vision du pouvoir politique qui a toujours été la sienne, fondée sur la croyance en la nécessité d’un chef de la nation, garant de la continuité de l’Etat et de l’intérêt national. Alors que le taux d’abstention a atteint 51% aux dernières élections nationales, Sarkozy a raison d’ouvrir un tel débat, sans tabou, sur la nature du pouvoir politique. Certes, il  aurait pu rappeler que la démocratie a produit les plus grands leaders politiques du XXe siècle, vainqueurs des totalitarismes: Clemenceau, Churchill, Roosevelt, de Gaulle… Il aurait pu ajouter  que le chef de la nation, dans une démocratie,  ne peut être qu’un homme d’exception, par sa vision et son sens de l’Etat ; et qu’en France, il en vient un ou deux par siècle. Il aurait pu également préciser que rien n’est possible sans une équipe solide et déterminée autour de lui, et sans un peuple qui lui fait confiance pour conduire le pays dans la bonne direction. De même aurait-il pu souligner qu’en démocratie, la responsabilité, devant un parlement ou devant la nation, est la contrepartie de l’autorité.

En tout cas, alors que la vie politique française au quotidien fait naufrage dans la polémique, les postures vaniteuses et les manipulations de l’opinion publique, l’intervention du président Sarkozy montre que le débat d’idées n’est pas mort. Dans un climat de grave confusion des esprits, un ancien chef de l’Etat est parfaitement dans son rôle quand il met son expérience et sa vision de l’avenir –  sans pouvoir être suspecté d’ambition personnelle – au service du débat d’idées et de l’intérêt général.

Maxime TANDONNET

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Author: Redaction