M. Alain Juppé, fausses et vraies questions

imagesDe mémoire, je n’ai pas souvenir d’un candidat à l’élection présidentielle qui ait été à tel point considéré comme favori d’un scrutin présidentiel un an à l’avance. Les sondages s’enchaînent et se ressemblent. Bien sûr, parmi les grandissimes favoris qui n’ont pas été élus, nous avons eu Raymond Barre en 1986-1989, Edouard Balladur en 1993-1995, Dominique Strauss-Kahn en 2010-2011… Mais cette fois, le phénomène semble d’une autre nature, puissant, transcendant les clivages. Les enquêtes ont une part de factice et d’artificiel, mais comment ne pas voir qu’elles reflètent largement la sensibilité ambiante de la société française? A quoi tient ce mouvement de l’opinion? A la quête d’un repère, d’une impression de sagesse et de hauteur dans la tourmente du monde et la désintégration de la politique intérieure. M. Juppé a réussi en deux ans à incarner cette image de sagesse et de hauteur à laquelle l’opinion publique est sensible en ce moment. Ses chances d’accéder à l’Elysée sont réelles même si rien n’est évidemment joué d’avance.

Face à ce phénomène, il est de fausses et de vraies questions que nous sommes en droit de nous poser.

Les fausses– Les attaques vont déferler sur son âge. Celles-là sont absurdes et inacceptables car les plus grands dirigeants de l’histoire ont allégrement dépassé les 70 ans au pouvoir: Clemenceau, Churchill, de Gaulle, Reagan… L’expérience n’est pas un handicap, au contraire, surtout pour la fonction de chef de l’Etat qui suppose de la distance et du recul. Les attaques sur sa personnalité –  qui commencent à sortir – ne nous intéressent pas non plus. Il serait « froid, distant, désagréable » Un livre de témoignage vient de sortir à ce sujet… Ce mode de dénigrement est absurde. L’image d’Epinal d’un homme –  plus ou moins authentique (car j’ai entendu nombre de témoignages contraires) – n’a jamais fait la qualité d’une politique. Les retours sur son passé ne sont pas pertinents non plus: les grèves de décembre 1995, les condamnations. Il a voulu agir, il a commis des erreurs,  il a payé pour un autre, pour d’autres, dans sa vie et dans son honneur bafoué. Il serait quelque peu répugnant de brasser de la boue pour l’atteindre avec ce genre d’argument. Ce qui ne tue pas rend plus fort et M. Juppé est bel et bien vivant.

Les vraies – Non, les vrais sujets sont ailleurs.  Si M. Juppé permet de nous débarrasser de la clique socialo-narcissique au pouvoir, ce sera, à court terme, un immense service rendu à la France, et pourquoi ne pas le dire, un soulagement et un bonheur immédiat. Pourtant, un lourd mystère pèse sur ses idées profondes, ses intentions et ses projets. A-t-il pris la mesure de l’état de déliquescence de la vie publique française; est-il déterminé à la recentrer sur le réel et l’action plutôt que sur l’esbroufe médiatique qui impose une sorte de tyrannie au pays? A-t-il conscience de la débilité profonde du système bruxellois qui sublime une bureaucratie obtuse au détriment de la volonté politique et l’unité des Européens? Sera-t-il capable de soutenir les réformes profondes dont le pays a besoin, économique, sociale, éducative, contre la rue et les multiples obstacles? Réalise-t-il la gravité du malaise sociétal, tenant au déclin de l’autorité de l’Etat, la maîtrise des frontières, la montée des communautarisme, la sécurité de la vie quotidienne? Est-il dans l’esprit de restaurer les fondamentaux de la Ve République, autour d’un chef de l’Etat qui préside, d’un Premier ministre et de ministre qui gouvernent? Saura-t-il trouver un grand Premier ministre réformateur dont la France a tellement besoin? Je sais ce que beaucoup en pensent mais nul ne peut prévoir à coup sûr quel serait le comportement d’un homme confronté à des circonstances.

Ces questions sont fondamentales. Au fond le véritable enjeu n’est plus 2017 mais 2022. Si M. Juppé prend l’Elysée puis s’effondre comme son prédécesseur pour n’avoir rien compris à  la gravité du malaise français et européen, aux élections présidentielles de 2022 se retrouveront face à face, d’une part la gauche radicale autour de Mme Aubry, Mme Taubira, M. Mélenchon et M. Besancenot rassemblés, poussés par les mouvements sociaux, et en face un membre de la famille le Pen. Et c’est la gauche radicale qui l’emportera, largement…

Maxime TANDONNET


Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction