Les syndromes totalitaires

Système totalitaire ne s’entend pas strictement au sens de jadis, celui des régimes soviétique, fasciste et nazi, fondés sur la violence et le meurtre de masse. Pourtant, nos sociétés des années 2010 comportent étrangement, à bien des égards, des caractéristiques du monde totalitaire que l’on croyait définitivement anéanti. Le totalitarisme renaît, plus vivace que jamais, sous des formes certes différentes, avec la violence d’Etat en moins, rendu intolérable par la médiatisation, mais plus sournois, plus subtil, plus pervers. Les signes d’une société totalitaire en gestation, nous les ressentons au quotidien.

  • Le mythe du chef, autour d’un dirigeant surexposé, au centre de la lumière médiatique, présenté comme l’incarnation du pouvoir alors que s’effacent les autres pôles de pouvoir, soumis ou affaiblis, gouvernement, parlement, collectivités territoriales. Cependant, à la grande différence des totalitarismes du passé, le nouveau chef est impuissant, faible, privé d’autorité sur le monde réel, sa puissance se déployant essentiellement dans un monde virtuel et mythique. Il règne avant tout par la communication (tweets, postures médiatiques, faire-semblant, images) et non à titre principal sur le monde des réalités. Tout pouvoir se ramène au reflet d’un visage, ce qui le rend à la fois déconnecté du monde réel et immensément fragile.
  • La puissance d’une idéologie dominante, qui rayonne sur le monde occidental, formé sur le libre arbitre de l’individu roi, la négation des frontières et des nations, le culte des minorités et de la société ouverte. L’idéologie contemporaine, comme tous les totalitarisme du passé, vise à engendrer un homme neuf, un nouvel être humain (vaut-il mieux dire) interchangeable, sans passé, sans racine, indifférencié, indéfiniment malléable et servile.
  •  La liberté de pensée et d’expression bafouée. Certains thèmes, au fil du temps deviennent absolument tabous. Toute forme d’expression qui n’est pas conforme à l’idéologie dominante est bannie, en rapport avec les thèmes des relations entre les sexes, l’orientation sexuelle, les minorités, la diversité, l’immigration, l’Europe, etc. Ceci n’est qu’un constat: jadis, il y a quelques décennies, il était possible d’avoir un avis divergent et de l’exprimer. Il était même possible de plaisanter, y compris à la télévision. Aujourd’hui, non. Il faut être dans le rang. Regardez à tout hasard les sketchs de Coluche (années 1980) ou des Inconnus (1990). Les deux tiers seraient interdits par le politiquement correct.
  • Les châtiments de tout comportement divergent ont changé: ce n’est plus la hache des bourreaux, les camps de concentration, ou les hôpitaux psychiatrique, mais le lynchage médiatique. Celui qui, d’une manière ou d’une autre, sort du droit chemin est pris en chasse par les réseaux sociaux et les médias, roué de coups, insulté, traîné dans la boue, son honneur est bafoué. Les conséquences ne sont évidemment pas les mêmes, mais le risque de cette souffrance intime suffit à imposer le silence ou le conformisme (sauf à quelques inconscients…)
  • Une société sous surveillance. A tout moment, chacun est susceptible d’être enregistré, filmé, écouté, dénoncé. Certains sites Internet se sont spécialisés dans la délation de masse. Tout faux pas, parole de travers, sortie incontrôlée comporte le risque de se trouver au cœur d’une polémique, méritée ou non. Tout se sait, tout remonte, tout sort. Big Brother est à l’oeuvre. Un vieux député socialiste déchu a été sanctionné pour défaut de titre de transport. Qu’il soit sévèrement sanctionné, oui, mais a-t-on besoin de l’étaler sur la place publique? D’en ricaner? Et jusqu’où?
  • Le déni du réel : l’essentiel du nouveau monde dans lequel nous vivons est de dissimuler la vérité. Voyez comme, au fil du temps, les statistiques disparaissent de notre paysage. Les chiffres de la délinquance, des migrations, qui étaient autrefois diffusés mensuellement ont été au fil du temps complètement éradiquées. Il fallait s’y attendre, la dernière statistique, celle du chômage, est en train d’être remise en cause. Les « braves gens » n’auront dorénavant plus accès aux statistiques mensuelles, mais ils ne connaîtront que les trimestrielles, demain, elles seront annuelles et puis, plus personne n’en parlera: le chômage sera devenu tabou. Quant à la situation désastreuses de certains quartiers, communautarisme islamiste, violence quotidienne, trafics, échec scolaire: silence, plus personne n’en parle.
  • Une presse uniforme: la mise au pas de 80% de la presse quotidienne ou hebdomadaire est un phénomène spectaculaire. Prenez l’immense majorité de la presse quotidienne, régionale, les grands journaux parisiens, le Monde, les Echos, les hebdomadaires, le Point, l’Express, l’Obs, Paris-Match, ils disent tous exactement pareil, au mot, à la virgule près, sur l’Europe, sur la politique française, sur Trump et les Etats-Unis, sur le Moyen-Orient, sur les migrations. Il reste Marianne, Charlie Hebdo, le Figaro, Valeurs actuelles pour garder une tonalité divergente. Mais pour combien de temps? Je ne sais pas si jamais dans l’histoire contemporaine, disons depuis 1945, la morale du troupeau a ainsi régné sur la presse.
  • La table rase: la chasse au passé, à la connaissance de l’histoire est désormais entrée dans les moeurs. L’enseignement de l’histoire a été largement aboli dans les établissement scolaires français au profit d’un vague enseignement sur les civilisation. La monarchie, la Révolution, les guerres, napoléoniennes ne disent plus grand chose aux jeunes générations Le centenaire de la Grande Guerre, cet événement fondateur, est largement occulté. Les traces du passé sont pourchassées, jusqu’à la tentation d’éradiquer les croix des paysages, de détruire les statues des grands hommes de l’histoire.
  • La crétinisation de masse: L’idéologie du nivellement qui emporte tout sur son passage comme un rouleau compresseur. Il faut briser l’intelligence collective, la connaissance, le savoir. Le bac a longtemps constitué un étalon de l’acquisition du savoir de base, récompensant le mérite intellectuel. L’ouvrir par tous moyens à 80% de la population en a banalisé le sens. De multiples études soulignent l’effondrement du niveau des jeunes Français, en mathématiques, en orthographe et un vertigineux déclin du quotient intellectuel. On veut aller encore plus loin désormais, par exemple en supprimant les séries du bac, ce qui reviendra à en réduire encore les exigences.
  • Le mépris du peuple: bien sûr, on fait semblant de l’aimer et de le respecter puisqu’en principe, en théorie, nous sommes en démocratie. Cependant la société moderne se caractérise par une profonde fracture et qui ne cesse de se creuser, entre l’infime minorité influente, bavarde, médiatisée, et l’immense majorité silencieuse. Et l’idéologie dominante donne une part croissante au mépris du peuple, de la « vile multitude ». Il est devenu totalement hors de question d’écouter ce que le peuple aurait à dire. Plus on l’invoque (« je suis le candidat du peuple! »), plus on le méprise, comme on méprise ses angoisses et sa souffrance qui doivent être niées ou alors exploitées le temps d’une campagne à des fins électoralistes. C’est ainsi que dans la France « dite d’en haut », le mot « populiste » est devenu l’insulte suprême.

Maxime TANDONNET

 

 

 


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Author: Redaction