« Les grandes manœuvres » (pour Atlantico)

1. Le Canard enchaîné affirme que l’Elysée aurait organisé au début du mois d’août une réunion rassemblant Alain Juppé, Christian Estrosi et Jean-Luc Moudenc, maires respectivement de Bordeaux, Nice et Toulouse. Macron, en soignant ses relations avec les barons locaux des bastions urbains de la droite avance-t-il vers une absorption progressive de ses satellites politiques de droite ou faut-il au contraire s’attendre à ce qu’il prenne au piège ces grandes figures indépendantes une fois les élections venues ?

D’abord, il est triste de voir qu’on en est à s’étonner d’une rencontre entre un président de la République et les maires de grandes villes. Rien n’est plus normal et républicain de la part d’un chef de l’Etat, que de recevoir à l’Elysée les maires des principales villes de France quelle que soit leur étiquette politique pour parler des problèmes de leur cité et de l’avenir. Si le soupçon est né de l’article du Canard Enchaîné, c’est en raison de la suspicion engendrée par cette rencontre vue comme relevant d’une opération politicienne en vue des élections européennes. C’est là que nous constatons tout le déclin de la vie politique française, quand les enjeux de politique politicienne autour de la réélection future, écrasent le fond des sujet. Le rôle d’un président de la République, au-dessus de la mêlée, est de donner un cap au pays, et pas de préparer le prochain scrutin national. Un ralliement en bonne et due forme de ces trois personnalités à la liste LREM aux Européennes me paraît assez peu probable. Si un ralliement avait dû se produire, il aurait eu lieu en juin 2017, et pas maintenant où l’Elysée accumule les difficultés et semble engagé sur une pente défavorable. Ces personnalités voudront garder leur indépendance. Il est difficile de croire à une absorption progressive dans ces conditions. On ne peut pas parler non plus de « piège »: tout cela me semble assez calculé: les trois maires en question utilisent leur lien avec l’Elysée comme signe de leur liberté par rapport à l’appareil des Républicains, mais ils ne me paraissent pas dans une logique de soutien à la liste LREM qui reviendrait à s’engager dans une aventure aléatoire…

2.  Quel contrecoup pour le mouvement de Laurent Wauquiez ? S’il risque de perde d’importants points d’ancrage locaux et régionaux, un tel scénario ne viendrait-il pas à rebours confirmer sa critique d’une présidence aux services des villes au détriment des campagnes ?

Le contrecoup sera limité. Le mouvement de Laurent Wauquiez a d’ores et déjà enregistré les distances prises par ces personnalités, notamment M. Juppé et M. Estrosi. Ils ne sont pas les seuls, il y a aussi Mme Pécresse. Bien sûr que cela l’affaiblit car toute division est nuisible à la force d’un parti politique. Mais les contacts entre ces maires et l’Elysée n’apportent pas grand chose de nouveau. M. Wauquiez sait qu’il ne peut pas compter sur eux. A la limite, il serait presque préférable pour le mouvement LR que ces personnalités rallient purement et simplement LREM ce qui clarifierait la situation à droite. Mais tel n’est pas le cas. L’enjeu pour lui et son équipe est tout autre. Il est de gagner une crédibilité et d’apparaître comme une solution d’alternance possible auprès d’une majorité de Français, nonobstant les faits et gestes de quelques ténors comme M. Juppé et M. Estrosi. Pour l’instant, il n’y est pas encore parvenu. Les Français attendent une opposition rassembleuse sur les grands thèmes qui les préoccupent, chômage, dette publique, pouvoir d’achat, maîtrise de l’immigration, sécurité. Je ne suis pas certain qu’opposer ainsi la France des villes, supposée avoir la préférence de M. Macron, à celle des campagnes soit de nature à améliorer l’image de LR. Les Français attendent autre chose aujourd’hui de la politique que les polémiques, les petites phrases, les coups de communication, les manoeuvres électorales. Ils veulent être pris au sérieux et que la politique soit au service de l’intérêt général.

3.Le refus des conclusions du rapport Borloo sur la politique des villes françaises avait beaucoup déçu les différents élus laisse entendre qu’il n’y aura pas de grand plan national sur la politique de la ville. Faut-il au contraire s’attendre à une gestion plus au cas par cas ?

Oui mais on se souvient du contenu très discutable de ce rapport et son coût de plusieurs milliards. Il donnait là aussi une large part à la communication autour de l’idée invraisemblable de créer une « ENA pour les quartiers ». Ce projet semblait incarner le « mal français »: dépense publique supplémentaire, donc augmentation des impôts, culte de la bureaucratie, communautarisme. Je ne suis pas sûr que son abandon ait tant déçu les grands élus… La question des banlieue doit en effet cesser d’être traitée sous l’angle des coups de communication. Elle relève d’une action de terrain par ceux qui connaissent la réalité, sous tous les angles: urbanisme, emploi, sécurité, éducation. A certains endroit, la situation est réellement dramatique avec des taux de chômage de 20%, un niveau élevé d’échec scolaire et des problèmes de violence, y compris contre les forces de l’ordre. On a davantage besoin d’une volonté politique de tous les jours pour relever ces défis que d’un « plan banlieue » supplémentaire, annoncé à grand renfort de communication.

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Author: Redaction