« Les femmes en politique: une évidence, vraiment? » : tribune de Marisol TOURAINE au Huffington Post


Marisol TOURAINE a publié une tribune sur le site du Huffington Post, « Les femmes en politique : une évidence, vraiment ? », à l’occasion du 70ème anniversaire du droit de vote des femmes.

Vous pouvez lire sa tribune ci-dessous ou sur le site du Huffington Post.

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« C’est bien la parité en politique, mais c’est bruyant ». « Ce n’est pas intéressant ce qu’elle raconte, mais au moins elle est jolie à regarder ». « Êtes-vous ministre parce que vous êtes une belle femme issue de la diversité? ». « C’est qui cette nana? »

Ajoutons-y quelques sifflets et l’imitation mémorable d’une poule dans l’hémicycle quand une ministre en robe ou une députée prend la parole. Voici la potion magique que boivent, chaque jour, les femmes qui ont eu l’envie d’exercer des responsabilités politiques et qui y sont parvenues.

Pourtant, cela fait aujourd’hui 70 ans que les femmes votent et sont élues. Bien plus longtemps encore qu’elles exercent des responsabilités ministérielles, le Gouvernement du Front populaire ayant nommé les trois premières femmes secrétaires d’Etat en 1936. Le 29 avril 1945, premier tour des élections municipales, la France rejoignait enfin les pays, déjà très nombreux, qui avaient fait des femmes des citoyennes à part entière. Près de 100 ans après l’instauration du suffrage universel masculin, les femmes pouvaient elles aussi décider, donner leur avis, exercer des responsabilités politiques, agir directement sur le réel.

Le 70ème anniversaire du premier vote des femmes est l’occasion de faire vivre cet héritage, qui va des précurseurs de la Révolution française, Condorcet et Olympe de Gouges, aux militantes suffragistes, comme Louise Weiss, et aux femmes de la Résistance.

Faire vivre ce précieux héritage historique et démocratique, c’est se rappeler la difficulté des conquêtes et être lucide sur les obstacles qui continuent de se dresser devant les femmes qui souhaitent, au même titre que les hommes, exercer leurs droits de citoyennes.

70 ans après, où en sommes-nous?

Le combat pour le droit de vote des femmes n’a plus lieu en France, mais à l’étranger: quelques pays résistent encore. Celui pour l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques, en revanche, est toujours d’actualité en France.

Les femmes représentent 27% des membres de l’Assemblée nationale et 16% des maires. Comme s’il fallait rappeler aux femmes qu’elles ne sont pas tout à fait à leur place dans les lieux de pouvoir, certains hommes politiques se permettent des sorties de route plus ou moins contrôlées, mais toujours franchement sexistes. Je ne connais pas une femme politique (pas une seule !) qui ne puisse raconter, pendant des heures, toutes les remarques, regards, voire même insultes, qu’elle a subi simplement parce qu’elle est une femme.

Pour faire progresser l’accès des femmes aux responsabilités, il n’y a qu’un remède: garantir la parité par la loi. La première loi sur la parité, votée sous le Gouvernement de Lionel Jospin, a bientôt 15 ans. Depuis, la France a progressé à grands pas. Les conseils municipaux et régionaux sont paritaires. La majorité actuelle, comme à chaque fois que la gauche a été au pouvoir, a pris le relais. Je suis fière d’appartenir au premier Gouvernement paritaire de notre histoire.

Au Gouvernement qui a garanti la parité dans les conseils départementaux. Au Gouvernement qui a doublé les amendes infligées aux partis politiques qui ne respectent pas la parité des candidatures aux élections législatives: acheter l’exclusion des femmes ne leur sera désormais plus possible. Et parce que la participation des femmes à égalité des hommes ne concerne pas que les plus hautes sphères du pouvoir, ce Gouvernement a aussi garanti la parité dans toutes les commissions consultatives placées auprès de lui ou dans les conseils citoyens chargés, dans chaque quartier prioritaire, de co-construire la politique de la ville avec les habitants concernés.

Ces actions ont un impact concret: la France est passée de la 63ème place en 2012 à la 20ème place en 2014 dans le classement du Forum économique mondial, pour ce qui concerne l’empowerment politique des femmes.

Mais cela ne suffit pas. Car il ne suffit pas de proclamer des droits, encore faut-il que les femmes s’en saisissent pleinement. En ces temps de doute politique, les femmes n’échappent pas à la tentation du repli, de l’abstention et même de la résignation et du vote extrême. Il convient donc d’encourager les femmes à prendre la parole, à agir, à s’engager. Dans leur ville, leur quartier, leur association.

Le chemin est encore long pour qu’en politique, les femmes soient reconnues comme les égales des hommes. L’aspiration des Françaises et des Français à l’égalité entre les femmes et les hommes est impérieuse. Cette égalité progresse, mais aucune conquête n’est irrésistible. En tant que ministre chargée des Droits des femmes, ma détermination est totale à la protéger et à la faire progresser. Pour qu’un jour, le fait que les femmes puissent monter à la tribune soit enfin une évidence.

Author: Redaction