Les causes d’un échec (Atlantico)

Hier, le site Atlantico m’a fait revenir, avec M. Husson, sur les raisons de la défaite du camp républicain en 2017 (voir ci-dessous). Comprendre le passé pour préparer l’avenir. Il me semble que la politique française est tristement devenue une vaste et honteuse foutaise, combinant à un degré jamais atteint la crétinisation, la lâcheté, le cynisme et la mégalomanie. Elle sombre toujours plus, de quinquennat en quinquennat, dans la manipulation nihiliste et un narcissisme qui fait froid dans le dos. Les trahisons, déloyautés, retournements de veste et les dissimulations, les coups de bluff, dans l’aveuglement général, ne sont plus l’exception mais la règle banalisée et admise. La relève? L’espérance? Qu’une poignée d’hommes et de femmes  honnêtes, parmi les républicains modérés, se lèvent et s’unissent pour dire sans ambages la simple vérité aux Français sur le désastre politique en cours, en les regardant droit dans les yeux, avec l’ambition, à long terme, de remettre la vie publique au service de l’intérêt général. Ce serait peu et énorme à la fois. Mais j’en suis à me demander sincèrement si dans ce pays, à l’exception de quelques intellectuels maudits, la flamme de la lucidité brûle encore quelque part.

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1-​Selon un sondage Ipsos Le Monde publié en 2016, 88% des français considèrent que la France « a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre, alors que 84% d’entre eux pensent que l’autorité est une valeur qui est trop souvent critiquée. Dans le même temps, un nouveau sondage Ipsos Sopra Steria indique que 65% de français estiment qu’il y a trop d’étrangers, 61% pensent que ces derniers ne sont font pas assez d’efforts pour s’intégrer, et que seuls 40% d’entre eux considèrent que l’Islam est compatible avec les valeurs de la société française. Au regard de tels résultats, comment expliquer la victoire d’Emmanuel Macron sur des valeurs telles que le « progressisme  » ou la « tolérance » ou, plus frontalement, comment expliquer que les candidats qui ont porté des thèmes apparaissant comme majoritaires ne sont pas parvenus à remporter la Présidentielle ?

 Il faut remarquer qu’Emmanuel Macron a été élu avec un niveau d’adhésion au premier tour assez faible : 17% des électeurs inscrits. Idem aux législatives : compte tenu du taux d’abstention considérable, de plus de 50%, En Marche a obtenu une majorité absolue en sièges à l’Assemblée nationale avec 16% des participants. Le camp conservateur était probablement majoritaire dans le pays en termes d’idées. Il a perdu en raison de la puissance électorale du fn de 20 à 25 qui lui enlève une grande partie de son potentiel. Depuis 1980, c’est à cela que sert le fn très médiatisé : faire perdre le camp républicain. Il a perdu aussi en raison du gigantesque scandale touchant François Fillon, qui a broyé le débat d’idées. De fait les questions de fond ont été totalement évacuées de cette campagne présidentielle. C’est là toute l’absurdité du présidentialisme français. On vote pour une image, en fonction des passions du moment, attisées par les médias. Les idées et les projets n’ont plus grand-chose à voir avec le scrutin dans un contexte de conditionnement collectif qui fait peine à voir…

2- Quels ont été les erreurs commises par ces candidats « conservateurs » vis à vis de l’électorat ? Faut il y voir une incapacité d’apparaître comme des candidats « acceptables », un trop plein d’idéologique, ou de « populisme » ? Quel a été le rôle des personnalités elles mêmes dans cette défaite ?

 En dehors des maladresses de communication lors du scandale, oui de nombreuses erreurs ont été commises. Le candidat républicain, à mon sens, en a trop fait sur l’aspect identité chrétienne, par exemple quand il a déclaré « je suis chrétien ». C’est peut-être vrai mais ce n’est pas l’objet de l’élection présidentielle, dans une République indivisible et laïque. On n’imagine pas le général de Gaulle, catholique pratiquant, déclarer lors des présidentielles de 1965 « je suis chrétien ». La religion est personnelle. Et puis, peu importe la croyance d’un candidat, la seule chose qui doit compter, dans une République démocratique, c’est l’orientation politique qu’il donne, la ligne qu’il entend faire suivre au pays. Donc, il me semble que M. Fillon s’est trop enfermé dans une posture traditionnelle. Un candidat aux présidentielles devrait parler de sa vision du pays, et le moins possible de lui-même. Il aurait pu parler davantage de la politique migratoire de la France et de l’intégration des populations étrangères dans notre pays. Il avait un excellent programme pour cela. Un discours de réalisme et de fermeté, foncièrement républicain est possible sur ces sujets, sans dériver dans l’identitaire, le « je suis chrétien » maladroit dans une République qui ne reconnaît aucune distinction d’origine ni de religion. Je pense que in fine, cela l’a desservi.

  1. Inversement, et toujours au regard de ces sondages, comment expliquer que la majorité des électeurs aient pu porter la victoire d’Emmanuel Macron, incarnant volontairement le ni-droite ni-gauche, ou le « pragmatisme » face à l’idéologie ? Comment LREM a t elle pu séduire ces électeurs « majoritaires » ? 

Encore une fois, il faut relativiser l’adhésion initiale à LREM qui a bénéficié du contexte chaotique de 2017. Mais je crois surtout que le principe du succès de ce mouvement tient en un mot : le dégagisme. L’affaire Fillon est venue après une succession de scandales qui profondément traumatisé les Français : DSK, Cahuzac, Thévenou, « les sans dents », les livres de confidence du président Hollande, puis, cerise sur le gâteau, cet épouvantable psycho-drame qui a entaché les présidentielles. Il me semble que les votes de 2017, présidentielles puis législatives, ont été dominés par un immense mouvement d’humeur contre la classe politique. M. Macron a su avec un talent formidable, incarner le renouvellement à un moment donné. Sur cette vague de mécontentement, il a triomphé. Toutefois les visages ont changé mais les problèmes et les inquiétudes des Français demeurent. A aucun moment, sur un cycle électoral de six mois, les questions de fond n’ont été abordées. Tout s’est joué sur fond de polémiques, de postures et d’images. Nous sommes encore dans la phase d’éblouissement. Mais la France risque de payer un jour ces élections sans débat démocratique.

 

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Author: Redaction