L’erreur historique

imagesIl est des périodes où tout le monde se fourvoie, se trompe de A à Z, les gouvernements, les classes dirigeantes, les relais d’influence, la presse, les partis, les associations. En 1914, on pensait que la guerre serait « courte ». Dans les années 1920, on croyait qu’il suffisait de proclamer la guerre « hors la loi » (pacte Briand Kellog) pour assurer la paix… En 1950, on imaginait que le communisme soviétique était l’avenir du monde. De même, la pensée dominante est en ce moment dans l’erreur. Qu’entend-on dans tous les discours, la presse (exemple de la une de l’Express) et sur les ondes radio et télévision? Une sortie de la Grèce de l’euro marquerait la fin de l’euro, donc l’effondrement de l’Europe, le risque d’un retour des nationalismes et peut-être même de la guerre en Europe (sic). Ce raisonnement, aujourd’hui unique justification pour le maintien de la Grèce dans l’euro, ne tient pas la route:

– L’euro n’est en aucun cas le « ciment » de l’Europe. Le Royaume-Uni, la Pologne, la Suède, la Rounanie, la Bulgarie ne sont pas dans l’euro et font partie du même ensemble politique européen. L’unification de l’Europe remonte à la fin des années 1950, soit quatre décennies avant l’euro. Le ciment de l’Europe est avant tout formé des sentiments profonds que se portent les peuples, l’amitié entre leurs dirigeants, la conscience d’une destin commun et la volonté d’oeuvrer conjointement à ce destin. A cet égard, comment ne pas voir que l’Europe des années 1970 et 1980, à Six, voire à Douze pays, sans l’euro, étaient infiniment plus soudée et solide que le grand corps malade et conflictuel qu’elle est devenue?

-Une monnaie unique n’est pas un facteur de paix et de solidarité. On peut se haïr, se massacrer en partageant la même monnaie. Cela n’a rien à voir. On ne voit pas en quoi une monnaie en commun peut éviter les haines et les passions criminelles quand elles s’éveillent. Les pays de l’ex-Yougoslavie disposaient de la même monnaie avant de se déchirer dans une guerre sanglante. D’ailleurs, les guerres civiles qui caractérisent les guerres modernes et leurs atrocités sans nom, se produisent à l’intérieur d’un même ensemble politique et monétaire.

-Penser que « l’Europe avance » parce qu’elle produit des montagnes de directives, de règlements et de jurisprudence est une vue de l’esprit. L’image que donne aujourd’hui l’Europe, à ses peuples comme aux autres nations, est dramatique et sans précédent dans l’histoire moderne de notre continent. L’ultimatum de l’Eurogroupe lancé à la Grèce, ne peut qu’engendrer une réaction de dignité nationale offensée. Il est contraire aux fondements des traités européens qui respectent l’égalité entre les Etats. Il rappelle les pires moments de l’histoire européenne. Quant au vent de haine qui secoue la Grèce contre les Allemands, renvoyant au souvenir de 1941, il est tout aussi monstrueux, symptôme d’un état de déliquescence mentale avancée de cette Europe et du vent de folie qui souffle en ce moment. Les tensions, les haines, les nationalismes sont déjà parmi nous, issus non pas de l’éclatement de la zone euro, mais bien au contraire des conflits qu’elle engendre.

-La sublimation de l’euro, non plus conçu comme un simple outil de prospérité mais devenu une sorte de religion ou totem intouchable, la crispation des passions autour d’un maintien de la Grèce dans la zone euro en dépit des réalités économique, est la traduction d’un malaise extrêmement profond qui dépasse les seules questions économiques et financières. Les dirigeants européens se raccrochent à ce symbole comme à une bouée de sauvetage parce qu’ils sont en train d’échouer sur tous les plans, la politique européenne n’ayant pas su offrir de solutions communes sur l’immigration (échec des quotas), sur la lutte contre le terrorisme international et l’expansion de l’Etat islamique daesh, sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Les gesticulations, crises d’autoritarisme et ultimatums ne changeront rien à cette impuissance chronique, incapacité à décider, qui est la source de tous les maux.

-En l’absence de solution miracle et immédiate, c’est un devoir de lucidité qui s’impose aux Européens, c’est-à-dire à ceux qui pensent que l’avenir de leur pays est solidaire de celui de l’ensemble d’un continent, profondément imbriqué du fait de la géographie, de l’histoire de la culture, dans un monde dominé par les géants asiatiques et américains. Avant d’essayer de bâtir une Europe politique unifiée sur des bases renouvelées et renforcées, une Europe moins bureaucratique et plus proche des peuples, plus forte et plus unie, il faut au moins faire le constat de l’échec actuel d’un système et du précipice vers lequel il tend.  Marchant à l’aveuglette dans un brouillard opaque, nous sommes encore loin de cette prise de conscience.

Maxime TANDONNET


Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction