Législatives partielles, l’euphorie est-elle de mise?

Les Républicains viennent de remporter les deux élections législatives partielles de Belfort, et du Val d’Oise, avec respectivement 59% ds voix et 51,5%, contre le candidat de LREM. « Une belle victoire pour notre famille politique » déclare l’un des nouveaux députés LR.

Le résultat de dimanche est en effet révélateur de plusieurs phénomènes. Il consacre l’effondrement du PS et la chute du FN, permettant ainsi à LR de se positionner en première force d’opposition. Il souligne également la situation précaire de l’équipe au pouvoir. Dans un contexte officiel et médiatique dominé par l’optimisme, le culte du renouveau, de la recomposition, ces résultats tombent comme un pavé dans la mare. Ils expriment, ni plus ni moins, une lassitude prématurée de l’opinion envers la fuite du politique dans le virtuel – culte de la personnalité, postures, images, annonces, fausses réformes tonitruantes dans tous les domaines – au détriment du monde des réalités, du quotidien et de la préoccupation – ou la souffrance – des Français.   A ce rythme d’usure du pouvoir, la glissade des 4 années et demi à venir s’annonce vertigineuse et lourde de menaces d’explosion.

Pour autant, nul ne saurait jubiler. De longues séries de victoires aux législatives partielles, de 2012 à 2017, n’ont pas empêché les Républicains de se fracasser en 2017. Avec le système du présidentialisme à outrance, la vie démocratique est asservie au moindre scandale, manœuvre, manipulation et autre coup médiatique. Mais surtout, ces résultats, s’ils dénotent le rejet du pouvoir en place, ne manifestent guère d’enthousiasme pour une solution de recours. Le taux d’abstention est considérable: 74% à Belfort et 80%  dans le Val d’Oise. Comment le nier et fermer les yeux sur la faiblesse de la participation? Ce taux d’abstention dénote que la défiance des Français envers la politique ne cesse de s’aggraver.

Le sondage CEVIPOF sur la confiance des Français, vague 9, janvier 2018, en témoigne. A l’issue d’une année électorale à l’aune de la « transformation », il souligne que rien n’a changé en profondeur: le matraquage généralisé autour de « l’optimisme » et de la « table rase » laisse les Français de marbre. 33% d’entre eux font confiance à « l’institution présidentielle » (-1); 29% à l’Assemblée nationale (-13); 32% à l’Union européenne (-6). L’image des partis politiques ne cesse de se dégrader. Ils sont l’institution la plus impopulaire: 9% de confiance (-2)! Moins de 10% des Français font aujourd’hui confiance aux partis! 83% des Français pensent que les responsables politiques « ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens comme eux » (économie, social, autorité, immigration, sécurité…) La politique inspire aux Français : 39%, de la méfiance; 25% du dégoût; 11% de l’intérêt, 9% de l’ennui… Au total, 76% de perception négative et 22% de positive.

La fracture démocratique, le fossé entre la nation et ses milieux dirigeants, continue à s’aggraver par delà le « séisme » politicien de 2017. Le fond du sujet ne tient pas à telle ou telle performance électoraliste du jour. Il est tout entier dans la nature même de la politique et de la démocratie telle qu’elle est pratiquée.  La personnalisation médiatique du pouvoir à outrance, la plongée de la vie politique dans l’ivresse de la communication, le carriérisme narcissique sous toutes ses formes, le mépris des gens, du peuple – de ce qu’il pense et de ce qu’il veut – l’hallucinante débauche du « faire-croire et laisser-penser », la négation permanente du monde des réalités, l’obsession de la réélection et de l’image personnelle, au détriment de l’intérêt public, voilà tout ce que les Français, au-delà des hommes et des majorités, ne supportent plus.

La politique est à réinventer de A à Z, autour du Bien public, de la vérité, du rejet viscéral de tout excès de personnalisation du pouvoir, de la modestie, de la discrétion, de la mobilisation des énergies autour d’une ambition collective, de la volonté et de la fermeté dans la mise en oeuvre des décisions démocratiques, de la supériorité de la chose publique – res publica – sur toute forme d’intérêt personnel, matériel ou de vanité. La question n’est pas de « transformer » la France, formule excessive qui dénote une fuite du monde des réalités dans l’esbroufe, mais de substituer l’action en faveur de l’intérêt général à la provocation, aux calculs intéressés et à la manipulation. Et tant que cette prise de conscience du profond malaise politique de la France ne viendra pas, comme enfouie dans les sables de l’aveuglement, rien de solide ne se fera jamais, quels que soient les hommes et les majorités.

Maxime TANDONNET

 

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Author: Redaction