Le « renouvellement », paravent de l’écroulement du politique?

Voici ma dernière tribune d’hier soir, pour le Figaro Vox, qui vise à distinguer l’apparence, la surface des choses, en plein renouvellement, et le fond des questions, la conception de la politique qui elle ne me semble pas bouger, sinon peut être en pire…

L’élection à la présidence de la République de M. Emmanuel Macron est censée ouvrir une nouvelle ère de la vie politique française. La campagne de François Hollande, cinq ans auparavant, était dominée par « l’antisarkozysme » et l’ambition d’instaurer une « présidence normale » c’est-à-dire, exemplaire. Cinq ans plus tard, la victoire de M. Macron se place à l’aune du rejet, non pas d’un seul homme, mais de l’ensemble de la classe politique. Ce n’est pas le seul président sortant qui est traité en paria, en bouc émissaire de la Nation, mais un milieu politicien dans son ensemble que les Français, de scandale en scandale, de déception en déception, ne supporteraient plus.

Il n’est plus vraiment question, comme dans les précédentes élections présidentielles de « réforme », de « changement », voire de « rupture », mais désormais, de « renouvellement ». Le glissement sémantique est significatif: l’enjeu essentiel du scrutin touche bien davantage à l’apparence, à la surface, aux visages qui apparaissent sur les écrans de télévision, qu’au fond des sujets. Il fallait avant tout renouveler les têtes. M. Emmanuel Macron, plus jeune président de l’histoire à 39 ans, totalement méconnu vingt-quatre mois auparavant, symbolise le renouvellement. Mieux : sélectionnés sur leur CV, les candidats d’En marche, son mouvement tout juste sorti du néant, sont en majorité des néophytes en politique : 52% n’ont jamais eu le moindre mandat électoral.

Renouvellement de façade ou véritable renouveau ? Au-delà de ce chamboulement des visages, qu’est-ce qui change vraiment ? La caractéristique majeure de la vie politique française depuis plusieurs décennies, est son éloignement croissant de la réalité quotidienne des Français. L’actualité a été envahie par les psychodrames (DSK, Cahuzac, livres sulfureux autour de la présidence), les polémiques stériles (Léonarda, déchéance), la communication à outrance, l’ivresse des solennités, le grand spectacle permanent. La dérive vers la personnalisation médiatique du pouvoir, autour de l’ivresse de soi et de l’obsession d’éterniser une « trace dans l’histoire », a atteint des proportions vertigineuses. L’émotionnel et le sensationnel, le culte de la personnalité n’ont cessé d’écraser la politique au sens noble du terme, le gouvernement des réalités en faveur du bien commun.

Les premiers pas de la nouvelle équipe au pouvoir ne paraissent pas, de prime abord, augurer d’un changement notable dans les profondeurs de la vie politique française. La cérémonie du Louvre ne manifeste pas, a priori, une volonté de dépersonnalisation du pouvoir et de retour à la modestie et au désintéressement. L’opération surmédiatisée et téléguidée depuis Paris des investitures d’En marche ne caractérise pas non plus une intention de restaurer l’équilibre des pouvoir et le respect de la fonction parlementaire. Cette spectaculaire mise en scène, présentée comme emblématique du renouvellement, serait-elle le paravent d’une manœuvre visant à faire émerger une Assemblée soumise? La fuite de la vie politique dans les limbes, entre rêve et cauchemar, se poursuit ou s’accélère. Où sont passés les grands sujets de préoccupation des Français : la sécurité et l’autorité de l’Etat ; la détresse des cités sensibles ; la maîtrise des frontières, le chômage qui frappe 5,5 millions de personnes ; la guerre contre le terrorisme dans un pays ensanglanté ? Plus personne n’en parle.

Le renouvellement des visages serait-il le paravent d’un écroulement du politique en phase d’accélération ? Ne relève-t-il pas d’un gigantesque contre-sens de la nouvelle équipe sur l’attente profonde des Français ? Ces derniers ne souhaitent pas seulement un changement des têtes. Ils veulent une transformation du contenu de la vie politique : l’arracher aux délires narcissiques des dirigeants nationaux pour la recentrer sur l’action modeste et efficace, sur le gouvernement de la cité et l’intérêt général. Au vu des derniers évènements, le message ne semble pas, de prime abord, avoir été entendu.

Maxime TANDONNET

 


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Author: Redaction