Le drame de l’impuissance européenne

images (2)Les décisions prises au conseil européen de Bruxelles du 23 avril sur l’immigration illégale en Méditerranée ne sont pas à la hauteur des enjeux: 1000 morts par noyades depuis le début de l’année; peut-être, selon certaines estimations européennes, 500 000 migrants risquant de tenter la traversée en 2015, ce qui soulève les gigantesques problèmes d’organisation de l’accueil, d’intégration des populations, d’acceptabilité par une Europe en crise qui compte 20 millions de chômeurs (zone euro), des problèmes gigantesques de déficits publics, de logement, etc. L’Europe doit être un continent ouvert à une immigation organisée, maîtrisée, régulée – elle accueille régulièrement environ 1 à 1,5 millions de personnes (eurostat). Elle n’a pas les moyens de subir sans dommage un flux incontrôlé supplémentaire. Face à cet enjeu, elle a montré avant-hier son incapacité à décidé, choisir, se gouverner. Les mesures annoncées sont faiblardes au regard du défi: crédits des secours en mer multipliés par 3, solliciter de l’ONU l’autorisation de détruire les navires des passeurs. Il fallait décider tout autre chose: faire du développement économique des pays du Sud une priorité politique absolue des Européens, au prix d’un engagement massif, engager une négociation avec les pays de transit – en conditionnant les aides – pour bloquer les embarquements de migrants sur les plages, intervenir militairement pour rétablir la stabilité des zones qui ont sombré dans le chaos en Libye et empêcher le départ en mer des « navires tombeaux ». Les intérêts vitaux de l’Europe sont en jeu, ainsi que des milliers de vies humaines. L’Europe compte 500 millions d’habitants, elle est la première puissance économique du monde. Son impuissance est inqualifiable. L’idée de prendre acte de son échec et de rétablir des contrôles systématiques aux frontières internes (France/Italie) ne servirait strictement à rien. D’abord, il serait irresponsable d’abandonner l’Italie, un pays aussi proche de la France, par l’histoire, la culture, à son triste sort. Ensuite, la mesure serait d’une absolue inefficacité. Les migrants souhaitant gagner le reste de l’Europe, qui ont traversé la Méditerranée, s’arrangeront pour passer d’une manière ou d’une autre. Même l’hypothèse inconcevable, débile et honteuse d’une muraille avec des fils de fer barbelés tout autour de la frontière italienne ne résoudrait rien. Quand je parle de l’Europe, je ne songe évidemment pas à la Commission ni la Cour de Justice ou à son Parlement (caricature de démocratie puisqu’élu à la proportionnelle de liste), mais à l’unité indispensable de ses dirigeants nationaux, l’imbrication de ses peuples et de ses nations, la solidarité intrinsèque qui devrait exister en eux et leur permettre ensemble de se gouverner. L’Europe politique est comme tétanisée par son histoire. Elle sait créer des normes juridiques, et dépenser des crédits. Mais elle est incapable de décider, de choisir, de se gouverner. Inconsciemment, elle l’assimile l’action, la décision, la notion de choix aux pires moments de son histoire, aux totalitarismes, fascistes et communistes, à la conquête coloniale, plus récemment, sa participation (une partie d’entre elle) à des opérations militaires qui ont mal tourné. Elle a honte d’exister en tant qu’acteur autonome de la vie internationale. Demander la permission à l’ONU pour détruire les bateaux des passeurs qui envoient des milliers de gens à la mort, il fallait le faire… Elle ne se rend pas compte que son inertie, sa passivité, son anesthésie, son refus du réel et de l’action, la condamnent, à terme, au chaos, à la violence, notamment l’importation de la terreur qui sévit au sud de la Méditerranée, et risquent, par une voie détournée, de ramener le pire sur son sol, la remise en cause des libertés publiques et de la démocratie et le retour sous une autre forme du totalitarisme le plus abject. D’ailleurs, ce phénomène est en marche quand on assiste un peu partout au foisonnement des extrémismes et aux amorces d’une remise en cause des libertés publiques par des gouverments démocratiques eux-mêmes.

Maxime TANDONNET.


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Author: Redaction