La question prioritaire de constitutionnalité

Depuis le 1er mars 2010, tout justiciable peut, au cours d’une instance judiciaire, invoquer l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité, lorsqu’il estime que ce texte porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Le juge vérifie que la disposition législative contestée est applicable au litige, qu’elle n’a pas déjà été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que le moyen invoqué n’est pas dénué de tout caractère sérieux. 

Si ces conditions sont réalisées, la QPC est transmise à la Cour de cassation, qui examine, dans un délai de trois mois, si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux afin de décider, le cas échéant, de sa transmission au Conseil constitutionnel. 

Ce dernier dispose alors d’un délai de trois mois pour se prononcer.

S’il estime la disposition inconstitutionnelle, celle-ci est abrogée à compter de la publication de sa décision ou d’une date ultérieure qu’il détermine. Le Conseil constitutionnel détermine en outre les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.

Quelques QPC marquantes examinées en 2011

L’immobilisation d’un navire pollueur par le procureur de la République

La Cour de cassation a statué sur la conformité à la loi de la décision d’immobilisation d’un navire pollueur prise par le procureur de la République. Saisie de deux QPC relatives à l’article L. 218-30 du code de l’environnement, elle a décidé, dans le silence de la loi et pour assurer un parallélisme avec les décisions d’immobilisation de navires prises par le juge d’instruction, que les décisions prises par le procureur de la République d’immobiliser un navire pollueur peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal correctionnel dans les conditions prévues aux articles 41-4 ou 478 du CPP. Consacrant elle-même l’existence de cette voie de recours, elle n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel les questions posées.

Crim., 3 mai 2011, pourvoi n° 11-90.012

La prévisibilité de la loi pénale

La contestation portait sur le point de départ de la prescription des délits occultes (abus de confiance, détournement de fonds publics notamment) que la Cour de cassation reporte au jour de la révélation des faits (qui, par nature, sont dissimulés aux tiers). La QPC mettait notamment en cause l’impartialité objective des magistrats de la Cour de cassation, appelés à se prononcer sur l’application d’une jurisprudence considérée comme défavorable au prévenu. La Cour de cassation n’a pas transmis cette QPC, estimant qu’il lui appartenait d’interpréter les textes, interprétation laissant toujours place pour des revirements de jurisprudence. Le Conseil d’Etat, saisi de cette même question, a adopté une position analogue par un arrêt du 12 septembre 2011.

Crim., 20 mai 2011, pourvois no 11-90.042, 11-90.33, 11-90.025, 11-90.032

L’infraction d’inceste

Saisie d’une QPC mettant en cause la constitutionnalité de l’infraction d’inceste, prévue à l’article 222‑31-1 du code pénal, issu de la loi du 8 février 2010, la Cour de cassation a ordonné, le 22 juin 2011, le renvoi de cette question devant le Conseil constitutionnel, jugeant que la famille « n’[était] pas définie avec suffisamment de précision pour exclure l’arbitraire ». Faisant sienne cette analyse, le Conseil constitutionnel a retenu, le 16 septembre 2011, que le législateur « ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s’abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille » ; il a en conséquence déclaré contraire à la Constitution l’article 222-31-1 du code pénal.

Crim., 22 juin 2011, pourvoi no 10-84.992

La prise en compte de la détention provisoire subie à l’étranger

Revenant sur la position qu’elle avait adoptée en 1997, la Cour de cassation juge désormais qu’il y a lieu de prendre en compte la détention provisoire subie à l’étranger dans le décompte de la peine d’emprisonnement à exécuter en France. Elle a en conséquence considéré que la question qui lui était posée sur la prise en compte de la détention provisoire subie à l’étranger ne présentait pas de caractère sérieux et ne nécessitait pas le renvoi au Conseil constitutionnel de la QPC relative à l’article 716-4 du CPP.

Crim., 5 octobre 2011, pourvoi n° 11-90.087

Source : Dossier de presse du rapport annuel de la Cour de cassation 2011 (publié le 30 mars 2012)


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Author: Redaction