La contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant

« Quand l'enfant réside chez sa mère, le père doit verser à cette dernière une pension alimentaire dans 84% des cas »

En avril 2016, le ministère de la Justice a publié une étude statistique sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Interview de la statisticienne Zakia Belmokhtar, auteur de cette étude.


 

Comment a été réalisée cette étude Infostat sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ?

Zakia Belmokhtar (ZB) : Cette étude s’appuie sur trois sources. On a tout d’abord collecté tous les jugements de divorce avec enfants mineurs prononcés en juin 2012, et on a extrait les informations contenues dans ces jugements pour les exploiter.

Cette 1ère  base nous a permis d’avoir les éléments de cadrage concernant le divorce, et en particulier sur toutes les questions relatives aux enfants et sur lesquelles le juge a statué.

Ensuite, avec l’aide de la société IPSOS, on a récupéré les numéros de téléphone de 3500 parents divorcés dont on a collecté le jugement. On les a interviewés par téléphone 4 mois après leur divorce, avec pour principal objectif de comprendre quels ont été les éléments qui ont déterminé leur choix sur la résidence de leurs enfants.

Enfin, toujours sur la même population de parents ayant divorcé en juin 2012, on a réalisé une 2ème  enquête par téléphone, un peu plus de deux ans après, soit en octobre 2014. Là aussi, 3500 parents ont été interrogés pour savoir si des changements avaient eu lieu concernant leurs enfants et si des recours avaient été déposés devant le juge aux affaires familiales. On les a aussi questionnés sur d’éventuels incidents de paiement de la pension alimentaire au cours du temps et sur les actions qui ont pu être engagées pour recouvrer les sommes dues. Et dans les deux enquêtes, on a obtenu des interviews des deux ex-conjoints, soit 1000 couples, ce qui a permis de croiser leur perception de la situation.

Quels sont les principaux enseignements de cette étude ?

(ZB) : Avec cette enquête, on apprend de la part des premières personnes concernées par le paiement d’une pension alimentaire qu'elle est huit fois sur dix versée de façon régulière et systématique au moment de l’enquête, mais que des incidents de paiement ont pu exister depuis le divorce, voire existent toujours, pour environ 25 % d’entre eux.

Autre enseignement : 15% des divorcés déclarent qu’un recours a été déposé devant le juge aux affaires familiales en vue de modifier un des aspects des questions résidentielle et financière liées aux enfants. On constate alors que dans deux recours sur trois apparaît la question financière. Et, comme on pouvait s’y attendre, ces recours, actions en paiement et dépôt de plainte s’inscrivent plus souvent dans des divorces contentieux que dans des divorces par consentement mutuel, ce qui témoigne de la persistance de sujets conflictuels après le divorce.

En cas de divorce, quel est le pourcentage de cas dans lesquels une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant est décidée par le juge ?

(ZB) : A partir des informations recueillies dans les jugements de divorce, on sait qu’en 2012, une contribution à l’éducation et l’entretien de l’enfant est versée pour 68% des enfants, ce qui revient à dire que pour 32%, aucune contribution n’est versée. A cette contribution peuvent s’ajouter des règlements en nature, comme le paiement d’un portable, d’une mutuelle, de soins de santé spécifiques… Dans certains cas même, 14% exactement, le parent débiteur ne prend en charge que des frais en nature. Il faut ici préciser que la mise en place d’une pension alimentaire est très liée au type de résidence fixée pour les enfants. Quand l’enfant réside chez sa mère, le père doit verser à cette dernière une pension alimentaire dans 84% des cas. Cette part est ramenée à 30% quand l’enfant réside chez le père. Et en cas de résidence alternée, aucune pension n’est due dans 75% des cas. Quand le juge en fixe une, elle est perçue par la mère dans la très grande majorité des cas. Ces résultats s’expliquent en grande partie par les situations d’emploi et de revenus différentes entre pères et mères. Il y a aussi un autre résultat important à relever : 8 couples sur 10 sont arrivés à un accord sur cette question financière au moment du divorce.

De façon générale, est-ce que le paiement de cette contribution pose problème ?

(ZB) : Aujourd’hui, on ne peut pas donner la part exacte de pensions non payées. Mais, les déclarations des parents nous permettent d’avoir une idée sur les incidents de paiement et les recours engagés ou non, comme je l’ai dit précédemment. On constate alors une perception des choses différente selon que le parent est créancier ou débiteur, puisque 38% des créanciers déclarent au moins un incident de paiement depuis le divorce, contre 12% des débiteurs.

De plus, les parents divorcés ont particulièrement retenu trois raisons pour expliquer le non-paiement : les difficultés financières, l’idée selon laquelle le créancier utiliserait cette pension à son profit plutôt que pour l’enfant, et le sentiment d’une décision injuste. Ils ont aussi très souvent évoqué parmi les autres raisons possibles le fait que ce non-paiement s’appuie sur un accord conclu entre les parents, donc inscrit en dehors du cadre judiciaire.

En cas de difficulté pour obtenir le paiement de la contribution, que fait généralement le parent lésé ?

(ZB) : Payer une pension alimentaire quand le juge l’a décidé est une obligation pour le parent débiteur. S’il ne le fait pas, plusieurs voies s’ouvrent au parent créancier pour récupérer les sommes qui lui sont dues. Il peut engager une action en paiement en faisant intervenir un huissier ou en demandant au tribunal d'instance une saisie sur rémunération. La caisse d'allocations familiales (Caf) peut aussi se charger de recouvrer la pension due et verser au parent créancier l'allocation de soutien familial.

Autre possibilité en cas d'échec de ces différentes actions : le parent créancier peut se tourner vers le procureur de la République pour obtenir un recouvrement par le Trésor public.

Toutes ces voies sont des voies civiles. Mais des voies pénales peuvent aussi s’ouvrir, avec un dépôt de plainte pour abandon de famille en cas de non-paiement répété. Ce délit est passible d’une peine pouvant atteindre deux ans d’emprisonnement et d’une amende allant jusqu’à 15 000 €.

C’est donc l’une ou l’autre de ces voies civiles ou pénales qui a été suivie selon 40% des parents ayant fait part d’incidents de paiement dans les deux années qui suivent leur divorce.

Et, pour finir, ces parents nous déclarent que la voie civile est plus souvent prise que la voie pénale, en faisant alors appel le plus souvent à un huissier ou à la CAF.

 

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Author: Redaction