La confiance perdue

images (1)L’exercice du pouvoir politique suppose une part de bluff, de cette « chimère » qui guide les peuples. Les leviers d’action concrète, opérationnelle, ne sont jamais si nombreux et si efficace qu’on le croit. Jadis, le régime d’Assemblée, la valse des gouvernements constituait une entrave majeure à l’efficacité gouvernementale. Aujourd’hui, la stabilité existe en apparence mais la situation financière, le carcan des jurisprudences et du droit européen, les transferts massifs de compétence (à Bruxelles, aux collectivités) ont réduit les capacités d’action objectives du pouvoir politique. Cependant, l’essentiel n’est pas là. Il tient au fait que les dirigeants ont perdu cette aptitude fondamentale à changer le destin par la confiance qu’ils inspirent. Les grands redressements de l’histoire contemporaine proviennent de l’impact psychologique créé par une image, un symbole qui donne imagesconfiance: l’arrivée de Clemenceau en 1917, Poincaré, sauveur de l’économie française en 1926, de Gaulle, seul et démuni de tout en 1940, Pinay en 1952 puis en 1958… La confiance qu’inspire un dirigeant, avant même ses décisions concrètes, est de nature à mobiliser, à dynamiser une société. Le pire désastre de la politique actuelle tient à l’image donnée, qui exerce l’effet inverse. Le Premier ministre a commis une erreur monumentale, sans doute irréparable, en parlant de « sa peur » et de « son angoisse », des mots qui sont à l’opposé de ceux qui inspirent la confiance, puis en perdant son sang-froid à plusieurs reprises. Aujourd’hui, on ne voit plus en ce moment dans la société française de personnalité visible, médiatique, réunissant sur son visage et dans sa voix, les qualités qui inspirent cette confiance: la nouveauté,  le calme, la compétence, le charisme, le sérieux, le désintéressement, l’autorité naturelle, le bon sens de celui qui doit avant tout s’avoir s’entourer, le sang-froid, la modération. La vertu compte aussi, car dans une société aussi chaotique et Raymond_Poincaré_1914[1]tourmentée, les Français ont besoin de repères moraux, d’exemplarité, de référence. Les dégâts commis par la succession des scandales personnels, DSK, Cahuzac, « Merci pour ce moment », etc. ont gravement contribué à ruiner l’esprit public et à briser ses ressorts de la confiance dans notre pays.  La France n’a pas besoin d’hommes ou femmes providentiels qui prétendent porter son destin – le dernier était de Gaulle, les autres, qui l’ont prétendu, ont sombré dans la honte ou le ridicule – mais d’une figure plutôt modeste, sans prétention ni ambition mégalomaniaque, incarnant le sérieux, la volonté, le réalisme, une forme de consensus et la sobriété: la confiance en somme, des entreprises comme des citoyens, cette confiance sans laquelle rien n’est possible.

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction