Jean Lacouture

images (1)Jean Lacouture, je le connaissais un tout petit peu: cousin germain de ma grand mère paternelle, il m’était parfois arrivé de croiser son chemin lors de manifestations familiales bordelaises ou parisiennes. L’image que j’ai de lui, comme intellectuel, est contrastée. Ses biographies sur Mauriac, Mendès-France, Blum, de Gaulle, pour m’en tenir à celles que j’ai lues, sont riches, bien documentées, fruit d’un abondant travail de recherche sur archives et d’entretiens. L’homme était extrêmement simple, accessible, gentil, ouvert, attentionné, profondément humain et d’un esprit de famille irréprochable. Cependant, à mon grand regret, parlant d’un membre même éloigné de ma famille, je ne saurais être totalement dithyrambique à son égard. Le côté « homme de gauche » revendiqué ne le grandit pas à mes yeux … Il a fait partie, à une certaine époque, de ces maîtres penseurs médiatiques ès-bonne conscience et donneurs de leçons. Son étiquette « de gauche », bien entendu, lui a ouvert toutes les portes, des gloires politiques, des radios, de la presse et des émissions de télévision. Mon cousin, il faut quand même le dire, en homme de gauche, s’est gravement trompé, tressant les lauriers de l’évacuation de Phnom Penh par les Khmers rouges, qualifiée « d’audacieuse transfusion de peuple »[2], alors que cet évènement marque le début de l’un des massacres les plus sanglants de l’histoire de l’humanité, celui de deux millions de Cambodgiens. Quelques années plus tard, son mea culpa signe la fin d’une époque d’aveuglement envers l’idéologie marxiste: « Pour le Vietnam, je plaide coupable. Je m’accuse d’avoir pratiqué une information sélective en dissimulant le caractère stalinien du régime Nord vietnamien.[3] » Grâce lui en soit rendue: il s’est comporté là en grand honnête homme et en homme d’honneur: reconnaître ses torts, à la suite d’une faute comme celle-ci, est une pratique tellement démodée… Moi, ce que je crois profondément, la leçon que j’en tire, c’est qu’un véritable intellectuel ne devrait jamais se prétendre de droite ou de gauche, notions qui impliquent par définition un présupposé sectaire ou idéologique et conduisent à une impasse. C’est très Français, de se dire « intellectuel engagé », de gauche. Cela n’évite pas de se fourvoyer dans des points de vue qui apparaissent, avec le recul de l’histoire, pour le moins malheureux…  (je n’en dirais pas plus, à propos d’un membre de ma famille).  Un intellectuel, un écrivain, me semble-t-il, ne devrait être qu’au service de la vérité, brute, objective, des faits, de la réalité des faits, dans une optique la plus impartiale possible, s’adressant à tout un chacun et pas à un camp contre un autre. Il n’a pas, au contraire d’une personnalités politique, en tant qu’intellectuel, à se dire de droite ou de gauche. Il lui faut renoncer au délice, à la volupté de se prétendre de gauche, c’est-à-dire, pour résumer, du camp du « bien ». Sinon, ce qu’il gagne en lauriers, en gloriole médiatique, en promotion de ses livres – il le perd en crédibilité et en liberté jugement…

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction