Discours du Premier ministre à l’assemblée générale de la Mutualité française

Madame la ministre, chère Marisol TOURAINE,
Monsieur le président, cher Etienne CANIARD,
Mesdames, messieurs les délégués,
Mesdames, messieurs,
 
Je vous remercie très sincèrement de m’avoir invité à m’exprimer en préambule de votre Assemblée générale, que je sais importante, dans cette belle salle de la Mutualité.
 
Chaque année, votre Assemblée générale vous permet – mais vous venez de le dire – de réaffirmer cette belle ambition que vous avez en partage : accompagner les individus, faire le choix de la solidarité face aux coups durs de la vie ; de la solidarité, plutôt que de l’égoïsme, et du « chacun pour soi ».
 
Dans notre pays, les débats ont trop souvent tendance à s’abîmer dans la confrontation, les postures et les surenchères, alors que nous avons tant besoin d’apaisement et de rassemblement. Il y a aussi, et depuis des années, ces fractures sociales, territoriales, ces inégalités sociales, ces doutes profonds que ressentent nos compatriotes quant à notre destin commun. Et il y a enfin, bien sûr, cette menace terroriste qui met notre pays à dure épreuve et qui cherche – c’est son but – à nous diviser.
 
Face à cela, nous tous – les pouvoirs publics en tête, mais tous ceux qui ont une responsabilité dans la société – devons faire preuve, précisément, de la plus grande responsabilité. Nous tous devons prendre en compte, dans nos choix, l’intérêt général du pays. Et je sais combien le mouvement mutualiste, vos entreprises, vos dizaines de milliers de collaborateurs, œuvrent chaque jour pour la cohésion de notre société, pour renforcer les liens qui nous unissent. Vous avez donc un rôle irremplaçable.
 
Ma présence, ici, devant vous, avec la ministre de la Santé, c’est l’occasion de vous exprimer toute la reconnaissance du Gouvernement. De vous dire toute notre estime pour l’action que vous menez au service de nos concitoyens.
 
La mutualité française, ce sont 38 millions de personnes protégées. Les Français sont attachés à ce modèle. La preuve : en France, on n’adhère pas simplement à une « complémentaire santé », on « prend une mutuelle ». Et cette démarche, ces mots ont leur importance !
 
Au-delà de vos activités d’assurance, il y a aussi vos activités de soin dans vos 2 500 établissements et services. Grâce à ces dispositifs, de très nombreux Français, souvent les plus modestes, accèdent aux soins, bénéficient de vos dispositifs de dépistage et de prévention. Ils sont également pris en charge dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Votre présence sur l’ensemble de notre territoire est très précieuse, et garantit précisément cette solidarité territoriale souvent mise à mal.
 
Elle montre combien la mutualité française et les pouvoirs publics savent travailler ensemble, dans l’intérêt collectif.
 
Notre première priorité – et je sais qu’elle est partagée ici – c’est de consolider notre assurance maladie obligatoire.
 
Fin 2011, elle était en déficit de plus de 8,5 milliards d’euros, c’est-à-dire en grand danger. A la fin de cette année, grâce à l’esprit de responsabilité de tous, grâce aussi à l’engagement de Marisol TOURAINE, le déficit sera ramené à 5,2 milliards. C’est encore trop, mais c’est une réduction de 40 % en l’espace de cinq ans. Nous aurons accompli cet effort nécessaire sans jamais réduire la couverture sociale des Français –la ministre y est particulièrement vigilante.
 
Depuis 2012, nous rétablissons les comptes sans dérembourser des soins, sans instaurer de forfait ni de franchise, sans taxe supplémentaire sur les complémentaires santé. Si bien que la part des dépenses de santé prise en charge par l’assurance maladie progresse à nouveau : la sécurité sociale couvre 76,6 % des dépenses de santé en 2014, contre 75,9% en 2011.
 
Des déficits qui baissent – il faut continuer l’effort – et une prise en charge par la sécurité sociale qui augmente : c’est la solidarité de notre système de santé qui est garantie et qui progresse. C’est ce modèle social qu’il faut défendre.
 
Il y a – et c’est normal dans une démocratie – un débat dans notre pays sur ce que doit être notre système de santé. A travers notre système de santé, c’est le modèle social qui est interrogé – mais c’est aussi, au fond, la République. Les projets qui se dessinent, car il y a de grands rendez-vous en 2017, sont sans ambiguïté. Leur objectif : diminuer de plus de trois points la part des dépenses de santé prise en charge par la sécurité sociale, en les transférant directement au patient ou par l’intermédiaire de leur complémentaire.
 
Ce qui se dessine parfois, c’est donc le retour des bonnes vieilles recettes : celles des déremboursements et des franchises, peut-être aussi celles des taxes sur les complémentaires santé, dont la majorité précédente s’était fait une spécialité. Et avec les résultats que l’on connaît : toujours plus de déficits et toujours moins de solidarité. Car – faut-il le rappeler – il n’y a pas de magot ! Taxer les mutuelles, c’est taxer les Français. Dérembourser, c’est taxer les malades. Et notre fierté, c’est d’avoir pris à bras-le-corps la question du rétablissement des comptes de notre sécurité sociale sans avoir jamais cédé à ce genre de facilité comptable.
 
Je le dis sans esprit de polémique, mais parce que, comme je crois au débat démocratique, il faut que les Français puissent choisir en connaissance de cause. Je sais combien nous avons pu compter sur votre soutien – je l’ai bien compris – d’ »assureur paradoxal », pour reprendre votre expression, cher Etienne CANIARD. Mais si l’assureur est peut-être paradoxal, votre soutien aux efforts considérables pour renforcer notre sécurité sociale, lui, ne l’est pas. Il est tout simplement fidèle à vos valeurs, qui ont inspiré la création de notre Sécurité Sociale il y a un peu plus de 70 ans.
 
Vous toutes et vous tous, ici, en êtes parfaitement conscients : c’est en modernisant pas à pas notre système de santé que nous en consolidons le haut niveau de solidarité. Rester à la pointe du progrès médical, réussir le virage ambulatoire, mettre l’accent sur la prévention : tels sont les défis que la loi de modernisation de notre système de santé doit nous permettre de relever.
 
La mutualité française et les pouvoirs publics travaillent également ensemble à cette grande avancée – cet engagement du président de la République, vous le rappeliez – qu’est la « généralisation de l’accès à une complémentaire santé de qualité ».
 
Pour cela, les réformes ont été nombreuses, très nombreuses même, depuis 2012.
 
Nous avons, d’abord, agi en direction de nos compatriotes les plus modestes. Les plafonds de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ont été revus, dès l’été 2013, pour que plus de personnes aient accès à ces dispositifs. En tout, ce sont plus de 600 000 personnes supplémentaires qui ont été concernées.
 
Parce que le dispositif de l’acquisition d’une complémentaire santé restait trop complexe – c’est-à-dire qu’il excluait des personnes qui pouvaient y prétendre – nous l’avons réformé pour le rendre plus simple pour les foyers modestes auxquels il est destiné. Nous avons sélectionné pour ces foyers une offre lisible de contrats référencés et de bonne qualité aux meilleurs prix. Je sais que certains d’entre vous ont mal perçu cette nouvelle forme de mise en concurrence. Mais les résultats sont là : depuis leur mise en place il y a un an, en juillet 2015, plus d’un million de Français ont bénéficié d’un de ces contrats, en choisissant majoritairement les couvertures les plus protectrices, avec des tarifs réduits de 15 à 40 %. Pour ces ménages en situation de pauvreté, l’accès à une complémentaire santé de qualité est désormais une réalité.
 
Nous avons, ensuite, décliné l’accord conclu entre les partenaires sociaux, en janvier 2013, visant à généraliser la couverture complémentaire santé dans les entreprises. C’est une évolution considérable, effective depuis le 1er janvier dernier. Même s’il est encore trop tôt pour en tirer le bilan, cette évolution doit permettre à l’ensemble des salariés, y compris les plus précaires, de bénéficier d’une couverture complémentaire santé.
 
Nous avons également réformé les critères du contrat responsable. Vous aviez appelé cette réforme de vos vœux, ainsi que le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Ce dispositif fait désormais partie de l’arsenal de mesures déployées par Marisol TOURAINE pour réguler les dépassements de tarifs et d’honoraires. Là encore, il s’agit d’un objectif que nous avons constamment partagé.
 
Depuis 4 ans, ces réformes ont profondément modifié l’environnement dans lequel vous agissez. Nous avons parfois divergé sur la nature des réformes à entreprendre, mais nous nous sommes retrouvés sur l’essentiel, c’est-à-dire honorer l’engagement du Président de la République, c’est-à-dire améliorer la couverture sociale de nos concitoyens et maintenir un haut niveau de solidarité.
 
Lors de votre dernier congrès, le chef de l’Etat avait répondu favorablement à vos demandes de disposer d’un bilan des dispositifs existants d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Le gouvernement, vous le rappeliez, a confié ce travail à l’IGAS, les conclusions ont été rendues publiques il y a quelques semaines. Ce rapport recense une douzaine de dispositifs différents, la plupart ayant fait l’objet d’une réforme récente. Il recommande, avant d’entreprendre toute nouvelle réforme d’ampleur, une prise de recul sur les réformes déjà accomplies afin d’en évaluer les résultats.
 
Ce que souligne ce rapport, c’est la priorité pour vos organismes de s’adapter pleinement à ce nouvel environnement. Tout est largement entre vos mains, mais le Gouvernement peut vous aider. D’une part en stabilisant cet environnement. Et d’autre part en adaptant les règles qui régissent le fonctionnement de vos organismes.
 
C’est pourquoi le Gouvernement, à votre demande, vient de proposer – vous le rappeliez, monsieur le président – au Parlement de l’habiliter à réformer par ordonnance le code de la mutualité, dans un délai de six mois. L’Assemblée nationale a voté cet amendement. Nous défendrons cette disposition au Sénat, au-delà du vote qui a eu lieu en commission. Et nous veillerons à ce qu’elle figure bien dans le texte de loi adopté à l’issue de la navette parlementaire, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale. Vous pouvez compter, monsieur le président, sur notre soutien.
 
Cette ordonnance, et les textes réglementaires qui l’accompagneront, répondent à un enjeu clair : préserver le modèle mutualiste en tirant les conséquences des nouvelles règles issues des réformes récentes. La concurrence est forte dans votre secteur. Ce n’est pas nouveau. Mais vos valeurs ne sont pas un handicap. Au contraire : j’ai la conviction que dans le cas d’une réglementation repensée, s’appliquant à tous les acteurs du secteur, elles constituent et constitueront longtemps encore un avantage comparatif au moment de choisir une couverture santé.
 
Pour le reste, je rejoins pleinement les recommandations de l’IGAS : donnons-nous le temps de l’évaluation. Je suis particulièrement sensible aux craintes, aux inquiétudes qui sont les vôtres, de voir certaines de ces réformes accentuer la segmentation des risques entre actifs et inactifs, entre jeunes et moins jeunes. Nous devons y être particulièrement attentifs : l’évaluation des réformes engagées doit nous permettre d’apporter des réponses et, si vous craintes venaient à se confirmer, d’apporter, bien entendu, les corrections nécessaires.
 

 
Mesdames, messieurs,
 
Si nous avons été capables d’avancer ensemble – et je connais aussi les désaccords, les inquiétudes, mais nous sommes conscients, collectivement, de ce qui a pu aller dans le bon sens – c’est en particulier grâce à l’engagement d’un homme. Et je me tourne vers vous, cher Etienne CANIARD. Votre parcours mutualiste, votre implication au service de notre système de santé forcent le respect. Alors que votre Assemblée s’apprête à élire votre successeur – dans un immense suspense, et je ne dévoilerai pas son nom –, nous tenions, avec la ministre, à vous rendre très sincèrement, très chaleureusement, très amicalement, un hommage appuyé, même si je ne doute pas un seul instant que votre voix continuera à porter, comme en témoigne d’ailleurs votre publication récente.
 
Il nous appartiendra, avec votre successeur, de poursuivre les travaux engagés, de continuer à inventer la protection sociale du 21ème siècle. Les défis sont nombreux, vous le rappeliez.
 
Tout d’abord, poursuivre la modernisation de notre système de santé et la consolidation de notre assurance maladie obligatoire : beaucoup a été fait, mais il faut poursuivre avec constance, et aussi vigilance, car rien n’est jamais acquis en la matière.
 
Le second défi, c’est de repenser les relations entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire. Le débat – à bien des égards outranciers – sur la généralisation du tiers payant a été tout à fait essentiel.
 
Enfin, le troisième défi me semble être : concevoir une protection sociale qui accompagne chacun, sans rupture, quel que soit son parcours professionnel et personnel. Nous avons fait un pas important en instaurant une protection universelle maladie dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Le projet de Loi Travail – j’en ai parlé – permet une grande avancée avec le compte personnel d’activité. Nul doute que ce besoin de simplification et de continuité de la protection sociale devra trouver une réponse également en matière d’assurance maladie complémentaire.
 
Face à ces chantiers, face à ces bouleversements, face à ces défis, je sais que la mutualité française saura être force de proposition. Elle saura être exigeante et inventive. Chaque fois que vous nous proposerez d’avancer dans la solidarité, vous trouverez, mesdames et messieurs les mutualistes, un gouvernement à l’écoute et prêt à vous accompagner, vous qui, avec ce bel esprit mutualiste, accompagnez tant de nos concitoyens.
 
Mesdames et messieurs,
 
Je le disais au début de mon propos, notre pays est confronté à des défis considérables. Je rappelle souvent que la France compte dans le monde. Elle compte dans le monde, bien sûr – je n’ai pas besoin de le rappeler ici – par sa diplomatie, par ses armées. Elle compte par sa culture et par sa langue. Elle compte grâce à son économie, son industrie, son agriculture. Je me réjouis, bien sûr, qu’aujourd’hui la croissance soit de retour et que nous obtenions des résultats économiques.
 
Mais elle compte peut-être davantage grâce à ses valeurs. A ses valeurs qui sont celles de la République, à ses valeurs qui sont des valeurs universelles, dont la laïcité, qui nous permet de vivre ensemble. Et elles comptent peut-être avant tout dans les moments que nous vivons, avec les fractures, le repli sur soi, la montée des populismes, les inquiétudes quant à l’avenir de l’Europe.
 
Elle compte grâce à son modèle social. Et dans les débats qui s’ouvrent pour l’avenir du pays, il y a ce débat essentiel sur le modèle social ; il y a ce débat entre ceux qui défendent la solidarité – à condition bien sûr d’en moderniser, d’en transformer les instruments, de les adapter aux défis que nous venons de rappeler – et il y a ceux qui considèrent qu’au fond, toute solidarité est une forme d’assistanat, et qu’on perd de l’argent.
 
Dans ce modèle-là, dans ce modèle si français, dans ce modèle qui est au cœur du pacte républicain, vous jouez un rôle essentiel, et c’est ce que je voulais vous dire ce matin. Continuez à jouer ce rôle essentiel, exigeant, et si indispensable à notre pays.
 
Je vous remercie.
 

 
 
Discours du Premier ministre à l'assemblée générale de la Mutualité française

Author: Redaction