Discours du Premier ministre – Inauguration du bâtiment de jonction Orly 3

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Messieurs les présidents de conseils départementaux,
Mesdames et Messieurs,

Vous avez tout dit, cher Augustin de Romanet. Comme vous avez tout dit, je peux toujours revenir vers Antoine De Saint-Exupéry. Il paraît qu’il est de tradition de citer Antoine De Saint-Exupéry à chaque manifestation aérienne, si j’en crois le discours d’inauguration d’Orly que prononça le ministre des travaux publics et des transports, Robert Buron, en 1961. Comme le général de Gaulle a jugé ce discours « magistral », et comme je trouve important de respecter les traditions quand on inaugure un haut lieu de notre modernité, je vais donc citer Terre des hommes : « Telle est la morale que Mermoz et d’autres nous ont enseignée. La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout, d’unir les hommes ».

Depuis quelques temps parler d’aéroport a plutôt divisé que réuni. C’est d’ailleurs souvent le cas en France : parler d’aéroport divise. C’est donc un plaisir d’inaugurer aujourd’hui ce bâtiment qui ne relie pas simplement des terminaux entre eux mais qui relie aussi des métiers, des technologies, des existences et peut-être aussi des amoureux qui comme le chantait BREL s’agissant d’Orly « se tiennent par les yeux avant d’être bouffés par les escaliers. » Je le dis avec beaucoup d’émotion, en cette semaine où nous avons tous collectivement vu brûler une partie de Notre-Dame. En quelques minutes, en quelques heures on a craint que des siècles d’histoire, des siècles d’art, des siècles de présence dans la culture, l’imaginaire, le cœur des Français partent en fumée. Je voudrais le dire ici parce que les sujets de sécurité sont toujours des sujets essentiels. Nous devons au courage des sapeurs-pompiers, nous devons à leur professionnalisme d’avoir limité les dégâts, d’avoir sauvé ce qui pouvait l’être et de pouvoir espérer reconstruire une cathédrale encore plus belle dans des délais très resserrés. Nous le devons aux sapeurs-pompiers et aux agents du ministère de la Culture, de la Ville de Paris, aux agents de l’Evêché qui ont fait un travail remarquable mais on le doit au courage de quelques centaines d’hommes et de femmes qui ont voulu préserver l’essentiel.

Le problème c’est que quand on le dit on est toujours en-dessous de la vérité de ce qu’ils ont véritablement fait et je souhaite que notre pays mesure bien l’incroyable courage et l’incroyable professionnalisme dont ces hommes et ces femmes ont fait preuve dans ces instants qui ont captivé l’attention et marqué je pense pour longtemps les esprits de nos concitoyens. Mais le président l’a dit et au fond c’est une occasion importante de le rappeler, nous sommes, nous devons rester des bâtisseurs. Nous devons continuer à construire les lieux qui réunissent les hommes, et l’aéroport d’Orly en est un. Bien entendu très différent par sa nature, par sa fonction, par son époque de celui que j’évoquais à présent, mais au fond en est un. C’est ce qui donne une forme de solennité particulière à cette inauguration.

Orly a toujours voulu être, a toujours été d’une certaine façon, une vitrine de la France. La France est le berceau de l’aviation. C’est à Viry-Châtillon, il y a 110 ans qu’était ouvert le premier aérodrome organisé au monde. A l’époque chaque vol était une aventure, chaque vol était un combat et il pouvait parfois sembler miraculeux de revenir vivant de ce combat. Aujourd’hui évidemment les salariés d’Aéroports de Paris, la communauté aéroportuaire dans son ensemble vivent une autre forme d’épopée, peut-être moins aventureuse, mais impressionnante par les chiffres, par la masse, par les flux, par les enjeux qu’ils font vivre, et pas forcément plus calme. C’est une plateforme industrielle où l’excellence n’est pas une option et où beaucoup se joue chaque jour, individu par individu, voyageur par voyageur pour l’attractivité de la France. Orly c’est le deuxième aéroport français. Il a deux fonctions majeures. Il relie l’Île-de-France et les territoires français qui sont enclavés ou éloignés et dont le dynamisme dépend de ces connexions. On peut citer Aurillac, Quimper, Castres, bien d’autres évidemment. Je le dis parce qu’Elisabeth Borne, la ministre des Transports, tient à ses liaisons, se bat pour les soutenir et elle a mille fois raison.

En plus d’être le lien avec des territoires enclavés, il est aussi le premier pôle économique du sud francilien et il relie ce premier pôle économique à d’autres grands pôles de compétitivité internationaux comme la Chine ou le Brésil. Quand un voyageur arrive l’aéroport est souvent la première image que l’on reçoit du pays dans lequel on arrive, la première image que l’on a des services de l’État dans lequel on arrive, la première impression commerciale, le premier sentiment. On n’a pas souvent l’occasion de faire une première impression comme dit la sagesse populaire. Nous sommes en France le numéro 1 mondial pour le tourisme. Pour l’année 2018, nous avons battu tous nos records puisque nous avons accueilli plus de 90 millions de visiteurs. C’est un enjeu considérable, nous voulons atteindre le cap des 100 millions de visiteurs. Nous pouvons atteindre ce cap.

Mais au-delà de l’aspect quantitatif, des records, il y a la question de la qualité de l’accueil et de cette première impression que nous donnons. Et en la matière nous savons tous que nous avons des progrès à faire et nous savons tous que ce que nous faisons aujourd’hui constitue une de ces voies de progrès et nous permet d’être à la hauteur de nos attentes et de nos ambitions s’agissant de l’accueil des femmes et des hommes qui viennent visiter notre pays et qui viennent d’une certaine façon contribuer à l’enrichir. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes employés à réduire le temps d’attente aux frontières. Je disais tout à l’heure en citant Brel « il fut un temps où l’on aimait passer son dimanche à Orly », il fut même un temps où le héros de « A la recherche du temps perdu » amenait sa compagne, Albertine, visiter les aérodromes comme on visite un musée ou une église. Mais enfin reconnaissons qu’on n’a pas toujours ni le temps ni l’envie d’admirer les aéroplanes comme on disait à l’époque qui vont bientôt goûter au large pendant toute la journée. Nous avons donc décidé de réduire le passage des frontières à 45 min au maximum pour les voyageurs extra-communautaires et à 30 min au maximum pour les passagers de l’Union européenne, c’est notre objectif. A cette fin, les effectifs qui sont affectés à cette tâche sont passés – je voudrais donner les chiffres pour Orly parce qu’ils n’ont rien d’anecdotiques – de 496 au 1er janvier 2017 à 672 au 1er mars 2019. Ça n’est pas neutre, ça montre la volonté très fermement exprimée de consacrer des moyens à la plus grande fluidité et à la meilleure qualité de l’accueil.

En octobre 2017, des sas automatiques ont été aussi déployés. Le passage des frontières, ça n’est qu’un levier d’attractivité, bien entendu, mais c’est un levier important et il faut le traiter sérieusement. Le renouveau d’Orly accompagne un nouvel envol, qui s’étend bien au-delà de l’aéroport. Nous inaugurons aujourd’hui Orly 3. Paris-Orly souffrait jusqu’à présent d’un éclatement entre les deux aérogares non connectées, Orly-Ouest et Orly-Sud. Les pics de saturation de l’un ne pouvaient pas être compensés par les creux d’activité de l’autre. Désormais, le terminal unique offre une nouvelle unité et une nouvelle envergure à l’aéroport. Il augmente la capacité de l’aéroport, il améliorera le parcours des passagers en correspondance, notamment depuis les régions vers les Outre-mer. Il y a là un sujet d’importance décisive. Et puis, ce bâtiment, il est la pierre angulaire de l’ambitieux programme Nouvel Envol, cher à Augustin de Romanet, qui transforme Orly en une infrastructure parfaitement connectée et insérée dans sa métropole.

L’enchâssement d’Orly dans la ville, Madame le Maire, justifie d’ailleurs que nous ayons sanctuarisé dans la loi des mesures adoptées depuis longtemps pour protéger les riverains des nuisances. Je pense, vous l’avez dit, Monsieur le Président, au couvre-feu de 23h30 à 6 heures du matin, au plafond des 250 000 créneaux de vol par an, et à la contribution financière d’Aéroports de Paris au fonds de compensation qui permet l’insonorisation des logements. La loi PACTE, adoptée le 11 avril dernier par l’Assemblée nationale, intègre ces dispositions en précisant le cadre dans lequel s’inscrira l’exploitation de cet aéroport. Les rencontres d’Orly, qui se sont clôturées la semaine dernière, offre, je crois, un bel exemple de concertation visant à favoriser l’insertion la plus harmonieuse possible de l’aéroport en termes d’environnement, d’accessibilité et de développement économique.

Je voudrais souligner trois points qui retiennent particulièrement mon attention.

Le premier, c’est la modernisation des flottes d’avion. La ministre Elisabeth BORNE l’a annoncée la semaine dernière. Nous allons examiner divers dispositifs d’incitation, dont des modulations de taxes et de redevances payées par les compagnies aériennes, pour favoriser les avions les plus performants et pénaliser les plus bruyants, et pourquoi pas aller jusqu’à des restrictions d’exploitation pour les plus bruyants d’entre eux. Je sais qu’à la demande de la ministre, vous y travaillez, Monsieur le Président, en coordination avec l’ensemble des acteurs, et je pense que c’est une piste que l’on peut explorer.

Deuxième point important la réduction des nuisances sonores pour les populations riveraines. Elle implique d’optimiser les trajectoires aériennes. Une étude est en cours, et sera présentée à la prochaine Commission consultative de l’environnement d’Orly. Enfin, nous avons décidé d’augmenter le rendement de la taxe sur les nuisances sonores aériennes pour accélérer l’insonorisation des logements touchés par le bruit. Il y a, là aussi, quelque chose de légitime.

Enfin, les dessertes de l’aéroport et du pôle d’Orly vont connaître de vraies révolutions pour le quotidien des voyageurs. J’ai confirmé l’année dernière la réalisation du Grand Paris Express dans son intégralité, ce qui assurera la liaison d’Orly avec Paris en 2024 par la ligne 14, avec le plateau de Saclay, au plus tard en 2027, puis Versailles, au plus tard en 2030, par la ligne 18.

Je sais, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Élus, combien l’attente est forte, combien les enjeux de développement et de qualité de vie sont considérables. . Je sais la légitimité des aspirations. Je ne veux jamais promettre des choses qui ne sont pas tenables, qui seraient assez faciles à dire ici d’une tribune, et puis on verrait dans 10 ans. Je sais l’impatience, elle est légitime, et je crois que vous savez la détermination du gouvernement à faire en sorte que, dans la transparence la plus grande, dans le sérieux le plus complet, nous puissions avancer le plus rapidement possible. La fiabilisation des circulations ferroviaires pour le TGV et le RER C sera assurée grâce à la ligne ferroviaire Massy-Valenton, dont les travaux vont bientôt reprendre sur la section Est et dont le financement est en train d’être bouclé sur la section Ouest. La mise en œuvre d’une nouvelle gare TGV dans le secteur d’Orly Pont de Rungis reste aussi d’actualité. L’État s’est enfin engagé à financer le tramway T9 entre Paris et Orly ville, tout comme le prolongement du T7 à Juvisy.

Au-delà des transports, le territoire du Grand-Orly regorge d’atouts le marché d’intérêt national de Rungis, bien sûr, les entreprises qui gravitent autour, et bientôt la Cité de la gastronomie. C’est pour accompagner ce développement économique que le gouvernement a retenu le Grand-Orly parmi les « 136 territoires d’industrie ». Le foncier disponible permettra aussi de construire des logements pour les salariés. À cette fin, l’État accompagnera les acteurs locaux pour mettre en place, en lien avec les préfets concernés, un projet partenarial d’aménagement dans le cadre de la loi ELAN, qui a été votée à la fin de l’année dernière. Un mot peut-être sur la cession des parts de l’État au capital d’Aéroports de Paris, dont je sais qu’elle demeure un point de discussion et peut-être, pour certains, un point de crispation. Je suis persuadé que nous pouvons le surmonter. Je comprends parfaitement les inquiétudes, mais je crois qu’on peut collectivement éviter les caricatures. Cette décision reflète, de notre part, la volonté de redéfinir la place de l’État et de l’entreprise dans l’économie française.

Le rôle de l’État, c’est défendre les grands services publics, défendre les intérêts économiques stratégiques, défendre les filières dont nous considérons qu’elles sont absolument stratégiques pour le développement et la souveraineté de notre pays. Or, ce qui est stratégique, s’agissant de ce lieu, c’est la frontière. La frontière est stratégique parce que c’est un élément de souveraineté. Le caractère commercial de l’entreprise l’est moins. ADP compte déjà 49 % d’actionnaires privés, et je parle sous votre contrôle, Monsieur le Président, près de 75 % de son activité relève du résultat commercial. Il est donc évident que nous pouvons réfléchir ensemble et avancer sereinement. Compte tenu de l’émotion suscitée cette semaine par les événements que je rappelais au début de mon discours, et compte tenu du fait que des procédures juridiques sont en cours après l’adoption par l’Assemblée nationale du texte et avec la saisine du Conseil constitutionnel, vous comprendrez que le moment de cette inauguration ne soit pas le meilleur moment pour exprimer l’attachement que j’ai à ce projet et les raisons qui, à mon sens, le justifient. Mais vous n’auriez pas compris que je n’en dise pas un mot. Je voulais donc le dire ici, aujourd’hui.

Mesdames et Messieurs, le nouvel envol, ce ne sera pas simplement celui d’Orly, c’est celui des territoires qui l’environnent, c’est celui des territoires qu’il contribue à relier, et c’est aussi le symbole renouvelé de l’attractivité de notre pays, fidèle aux voeux du général De Gaulle que vous mentionniez, Monsieur le Président. Certains lieux nous ancrent dans un passé millénaire, et nous les chérissons comme des sentinelles inestimables. D’autres lieux, comme Orly, s’inscrivent dans une histoire plus récente et dans une forme de conquête de la modernité, des flux et, d’une certaine façon, du monde. Tous ces lieux contribuent à la richesse de notre patrimoine. Tous ces lieux contribuent à la fierté de notre pays. C’est pour cela que j’étais heureux de venir et que je n’ai pas souhaité renoncer à ma présence aujourd’hui.

Merci beaucoup à tous ceux qui ont participé à la construction, à la conception, d’abord, et pas simplement les ingénieurs, les architectes, mais aussi les juristes, les financiers, tous ceux qui se sont regroupés pour penser ce projet.

Merci à ceux qui l’ont mis en œuvre. Penser un projet, c’est indispensable, mais enfin, faire en sorte qu’il devienne une réalité, c’est au moins aussi important.

Merci à ceux qui vont faire vivre ce projet, qu’ils soient fonctionnaires de l’État ou salariés des différentes compagnies ou des différents acteurs qui interviennent sur ce site.

Merci aux élus d’avoir soutenu ce projet, et merci à tous de faire en sorte qu’Orly soit à la hauteur de nos espérances et à la hauteur des enjeux de notre pays.

Merci.
Discours du Premier ministre – Inauguration du bâtiment de jonction Orly 3

Author: Redaction