Discours du Premier ministre – Comité interministériel aux ruralités

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, messieurs les ministres,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil départemental, cher Hervé Saulignac,
Monsieur le maire de Privas, cher Michel Valla,
Mesdames, messieurs les élus,
Mesdames, messieurs les représentants d’associations,
Mesdames, messieurs,

Après Laon, en mars 2015, après Vesoul, en septembre dernier, autour du président de la République, c’est ici, à Privas, que j’ai souhaité réunir ce troisième comité interministériel aux ruralités.

Je connais bien l’Ardèche … C’est mon cinquième déplacement depuis 2012. Et depuis longtemps. Au côté du député Robert Chapuis, j’ai appris les difficultés du quotidien liées à l’éloignement géographique, à l’isolement parfois. J’ai appris, aussi, à quel point les services publics de proximité jouent un rôle essentiel. Quand une école ferme, quand un médecin généraliste prend sa retraite, quand un commissariat de police, une brigade de gendarmerie s’éloigne, c’est tout une population qui a le sentiment d’être méprisée, comme rayée de la carte.

J’ai vu aussi, en Ardèche – ce département aux contrastes magnifiques – tout ce que la solidarité et la détermination des hommes peuvent faire. Privas, à l’histoire tourmentée, plus petite préfecture de France, est pour moi le symbole d’une ruralité dynamique et tournée vers l’avenir.

Je  veux saluer l’engagement des élus ardéchois pour leur territoire, qui a permis de très belles réussites économiques, touristiques et culturelles : de la descente de l’Ardèche à la grotte Chauvet, de la révolution numérique au Cheylard – je l’ai vu ce matin, cher Hervé Saulignac – à l’implantation de nouvelles industries, qui réussissent parce qu’elles savent innover. Vous faites la démonstration que rien n’est impossible, lorsque la volonté politique tire le meilleur parti des atouts locaux !

1. Agir pour la ruralité, c’est d’abord relever le défi de l’égalité

L’État est au côté de ces élus qui s’engagent pour que leur territoire se développe, se renforce.

Notre méthode est simple : adapter notre action à vos besoins, accompagner nos concitoyens. Ce qui implique un accès aux services publics, notamment aux soins de santé – c’est un engagement fort de Marisol Touraine.

Nous avons, pour cela, développé un réseau de près de 800 maisons de santé, dont 11 en Ardèche. Ces premières implantations sont un vrai succès.  Il y a une demande croissante pour de telles structures. C’est pourquoi nous avons décidé de porter à 1 400 le nombre de maisons de santé sur l’ensemble du territoire.

De la même manière, avec 1 750 bourses versées aux jeunes médecins pour les inciter à s’implanter dans les déserts médicaux – deux sont venus s’installer dans votre département – nos objectifs sont dépassés ; nous allons donc proposer 800 nouveaux contrats de ce type.

Ce Comité vient d’adopter, sur proposition de Marisol Touraine, des aides nouvelles en faveur de l’installation de jeunes médecins dans les hôpitaux publics des territoires isolés, ainsi qu’une adaptation régionale du numerus clausus pour les études de médecine, en fonction des besoins de santé locaux.

Nous agissons, enfin, pour que tous les Français puissent vivre à moins de 30 minutes d’un soin d’urgence ; 70 médecins ici, en Ardèche, sont ainsi désormais correspondants du SAMU.

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L’accès à l’éducation doit, lui aussi, être renforcé : il faut préserver et développer ce maillage fin qui permet que l’École de la République, ce fondement de notre société, soit présente sans distinction sur tout le territoire. Tous les petits écoliers de France doivent bénéficier des mêmes moyens de réussir.

14 départements ont d’ores et déjà signé des conventions de ruralité avec l’Éducation nationale  avec Najat Vallaud-Belkacem. Cet engagement de l’État et des collectivités permet, alors que certains territoires font face à un ralentissement démographique, de regrouper intelligemment les parcours scolaires et de maintenir les effectifs. Le rapport du Sénateur Alain Duran, que je reçois officiellement aujourd’hui, atteste de l’utilité de ce dispositif.

L’accès à l’éducation, c’est aussi l’accès au numérique, qui ne doit pas être l’apanage des grandes villes. 50 millions d’euros y seront consacrés. Huit collèges de ce département en bénéficieront, après la préfiguration du collège des Perrières à Annonay. C’est le gage que les nouvelles générations seront, où qu’elles vivent, formées, prêtes à affronter les nouveaux défis du monde professionnel. J’aurai l’honneur de signer tout à l’heure une convention de partenariat numérique avec l’Ardèche.

Enfin, sur la base du rapport sur les projets éducatifs territoriaux que madame la sénatrice Françoise Cartron va me remettre elle aussi tout à l’heure – et que je remercie –, les élus seront mieux accompagnés pour développer des activités périscolaires de qualité, complémentaires des enseignements théoriques, accessibles à tous les enfants. Les possibilités d’adaptation prévues en 2013 et 2014 pour la réforme des rythmes scolaires seront également pérennisées, pour l’année scolaire 2016-2017 et au-delà. Je sais votre engagement ici puisque 206 communes de votre département sont signataires d’un projet éducatif territorial.

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Faciliter l’accès aux services publics, c’est enfin l’objectif des 1 000 maisons de service au public. Elles se déploient partout en France. Il y en a 10 dans votre département. Je pense notamment à Saint-Agrève, ou aux Vans. Elles réunissent dans un même lieu des guichets d’accès aux caisses nationales de solidarité pour la vieillesse et la maladie, aux opérateurs de l’emploi, de l’énergie, des transports.

Cette recherche d’une proximité toujours plus grande m’a aussi incité à retenir une expérimentation, dans trois départements, de services publics itinérants, tels que proposés par le rapport du député Nicolas Bays. Ces services mobiles iront à la rencontre des habitants les plus en difficulté, du fait de leur âge, de l’éloignement, ou de leurs faibles moyens  pour se déplacer.

2. Agir pour la ruralité c’est veiller au développement de tous les territoires 

L’accès aux services publics est une condition nécessaire de l’attractivité de nos territoires. Nécessaire … mais pas suffisante. Il fallait agir, aussi, pour que de nouveaux habitants viennent s’y installer, travailler, entreprendre. S’y épanouir. Ce qui implique de pouvoir communiquer et accéder aux nouvelles technologies.

Accéder à un réseau de téléphonie, d’abord : d’ici à la fin 2017, il n’y aura plus aucune commune recensée en zone blanche. C’est une avancée concrète, considérable !

Je sais que certaines communes n’ont pas pu bénéficier de ce dispositif. Une troisième vague sera donc lancée dès cet automne. Et ce plan tiendra aussi compte des communes où le niveau de réception reste trop faible.  A la demande des collectivités, un effort de couverture 4G bénéficiera à 1 300 communes – contre 800 initialement prévues.

Pour que ces engagements soient respectés, des commissions régionales d’aménagement numérique réuniront dans chaque région les opérateurs de téléphonie, l’ARCEP et les élus locaux. Des antennes à domicile seront également mises sur le marché pour que les maisons les plus isolées soient elles aussi couvertes.

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Nous agissons, en parallèle, pour développer l’accès à Internet – je veux saluer le travail d’Emmanuel Macron et d’Axelle Lemaire. Pas moins de 11 milliards d’euros sont ainsi mobilisés pour le plan France Très Haut Débit, qui finance le déploiement de ce réseau dans tous les territoires – dont 100 kilomètres en Ardèche. Et ce n’est qu’un début !

Ce budget finance également les expérimentations de nouveaux « territoires collaboratifs », avec des plateformes locales de partage de biens et services, comme le rapport de Pascal Terrasse le préconisait.

Ce sont des démarches essentielles pour que de nouvelles entreprises s’implantent, pour que l’agriculture soit plus compétitive, pour que les circuits courts se développent, et la filière bois aussi.

Des démarches essentielles pour que les artisans, pour que les petits commerces se maintiennent et se renforcent.

Des démarches essentielles, enfin, pour le développement touristique et économique de ces territoires, auquel le lancement de l’Agence France Entrepreneur dans la ruralité va également contribuer.

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Vous le voyez : beaucoup a déjà été fait ! Et l’Ardèche – vous l’aurez compris – en est l’illustration, puisqu’elle bénéficie de tous les dispositifs mis en œuvre pour les territoires ruraux. Il s’agit de mesures répondant aux besoins quotidiens des habitants. Je pense aussi à l’accès à des moyens de transport durables, avec 57 bornes de rechargement pour véhicules électriques installées dans ce département. Je pense enfin à la mobilité : au-delà des mesures déjà prises, je viens d’ouvrir les crédits pour lancer en 2017 la déviation de la RN 102 au Teil. Je sais combien elle était attendue.

Toutes ces mesures que nous prenons, je veux le penser, ne sont pas étrangères au fait qu’il y a, à nouveau, plus de gens qui s’installent en Ardèche que d’habitants qui ne la quittent.

3. Privas répond à une double exigence : fédérer les initiatives publiques et les énergies locales

Ce troisième comité interministériel permet de renforcer encore notre action en faveur des territoires ruraux, en suivant deux principes : fédérer les initiatives publiques et rassembler les énergies locales.

Fédérer les initiatives publiques, c’est d’abord profiter de la modernisation et de la réorganisation de l’Etat pour imposer, aussi, plus de cohérence territoriale. Chaque administration centrale devra ainsi informer son préfet de département de ses perspectives d’implantation à deux ans. Si les préfets estiment que des projets risquent d’entraver l’accès des habitants au service public, ils disposeront d’un droit d‘alerte du gouvernement, qui prendra alors ses responsabilités. Cette mesure accompagne utilement les schémas départementaux d’amélioration de l’accès au service public, qui devront être élaborés d’ici 2017.

Nous proposons également que les divers dispositifs et financements d’Etat soient mieux coordonnés. Nous allons les regrouper dans des contrats de ruralités uniques, signés avec les intercommunalités et les pôles d’équilibre des territoires. Ils nous engageront pour six ans. Ces contrats permettront d’éviter les effets de saupoudrage et de mieux adapter les politiques publiques à la réalité de chaque territoire. C’est une nouveauté : Jean-Michel Baylet veillera à sa bonne mise en place dès la rentrée.

L’an dernier, nous avions décidé d’octroyer un milliard d’euros d’aide en investissements aux collectivités territoriales, dont 500 millions dédiés à la ruralité. Ces crédits dédiés seront reconduits, notamment pour financer ces contrats.

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Fédérer les initiatives publiques, donc, mais aussi rassembler les énergies locales. Et d’abord les associations, qui permettent à leurs membres de se réunir et de s’engager, ensemble, pour la qualité de vie dans les territoires ruraux. Dans l’esprit des assises de la ruralité, j’ai souhaité que ce troisième Comité renoue avec le dialogue et la concertation de ceux qui vivent et font vivre la ruralité. Nous avons donc choisi de les associer et retenu certaines de leurs propositions, notamment en matière de mobilité, d’accès aux nouvelles technologies, de santé. C’est le premier acte d’un partenariat entre l’Etat et les associations. Il sera officialisé par la signature d’une charte de coopération pour les années à venir.

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Mesdames, messieurs,

Ce gouvernement a réformé l’organisation administrative et politique de la France pour que l’action publique soit, partout, plus lisible et plus efficace. On ne pouvait pas continuer à faire ce constat d’une défiance croissante envers l’action publique et ne rien faire. Il fallait continuer de décentraliser, de rapprocher les citoyens des décisions, de clarifier les compétences.

Cette réforme, c’est aussi l’Etat qui s’adapte aux réalités, qui entend les spécificités, qui agit pour que la République n’abandonne personne, pour qu’elle soit là dans tous les territoires : villes, banlieues, zones périurbaines, territoires ruraux, mais aussi territoires de montagne, qui feront l’objet d’une loi spécifique.

Je sais l’énergie que vous déployez pour vos territoires – la conviction que vous y mettez, l’amour que vous leur portez. Ils ne peuvent souffrir les annonces sans lendemain. C’est pour cela que, là où certains avant nous ont renoncé – et aucun « plan Marshall » ne compensera les années perdues –, là où d’autres s’arc-boutent sur le passé, nous retissons, patiemment, les liens territoriaux, sociaux qui sont la base de la cohésion de notre Nation.

Il y a un débat qui s’ouvre dans notre pays. Certains plaident pour toujours moins d’Etat, pour moins d’agents publics, pour moins de moyens pour nos collectivités locales. Vouloir cela, c’est fragiliser l’édifice sur lequel s’est construit notre pays. C’est, disons-le, revenir sur cette conception républicaine qui veut qu’il n’y ait jamais de territoires mis à l’écart, de citoyens moins considérés que d’autres.

Je sais l’amertume et l’angoisse qu’il pouvait y avoir dans les territoires ruraux, qui se sentaient comme mis à l’écart d’un mouvement d’ensemble. Cette angoisse, cette amertume, nous avons voulu y répondre.

Du chemin reste à parcourir. Tout ne sera pas résolu en un jour. Mais, avec méthode et détermination, nous agissons pour les habitants des territoires ruraux. Car nous savons que chaque territoire contribue à ce qu’est la France, à son identité, et à sa force.  Agir pour tous les territoires, c’est non seulement le gage de notre cohésion. C’est aussi, j’en suis convaincu, le gage de notre réussite.

Je vous remercie.

Discours du Premier ministre du 20 mai 2016 – Comité interministériel aux ruralités

Author: Redaction