Discours du Premier ministre à la base militaire de Gao

Mon général, merci pour votre accueil.

Je veux saluer, bien sûr, le ministre de la Défense et des Anciens combattants du Mali, cher Tiéman Hubert COULIBALY ; le ministre de la Défense qui m’accompagne, Jean-Yves le DRIAN ; mon général, mon colonel, tous les officiers, sous-officiers, et militaires du rang ; saluer, bien sûr, les autorités civiles, ici, de Gao et de Kidal : les élus, le maire de Gao et le président de la région.

Si je suis ici à Gao auprès de vous, en compagnie du ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN – comme j’ai pu l’être précédemment au Niger, au Tchad, en Jordanie –, c’est d’abord pour vous faire part du soutien et de l’admiration de nos concitoyens, de vos compatriotes.

Ils ont conscience de ce que vous accomplissez, sur le terrain, à des milliers de kilomètres de la mère-patrie.

Et ils ont – sachez-le – une immense gratitude envers leurs soldats, envers toutes celles et tous ceux qui, comme vous, ont fait le choix de les défendre, de porter haut les couleurs de notre drapeau, de porter haut ces valeurs universelles que l’histoire a voulu confier à la France.

La France, précisément ses armées, combattent et combattront toujours les ennemis de la liberté, s’opposeront toujours à ceux veulent s’en prendre à nos valeurs et à l’humanité. Valeurs et humanité que nous partageons avec le Mali.

Hier, à Bamako, le président Ibrahim Boubacar KEÏTA m’a remercié, nous a remerciés une nouvelle fois pour l’engagement de la France. Et ces remerciements, qui sont ceux également des autorités locales, c’est à vous, en premier lieu, qu’ils sont adressés.

Face à nous se dresse une menace terroriste sans précédent. Elle vise directement notre territoire. Elle vise nos compatriotes installés à l’étranger. Elle vise, aussi, l’Afrique. Et son but, c’est semer le chaos et la terreur, asservir les peuples, nier leur culture, tuer en masse.

Le Mali, pays ami, que je connais bien, subit depuis plusieurs années les offensives des groupes djihadistes. Et c’est l’honneur de notre Nation – par la décision du chef de l’Etat – d’avoir répondu présent, il y a un peu plus de trois ans, le 11 janvier 2013 – je me rappelle ce jour, j’étais au sein du Conseil de défense comme ministre de l’Intérieur –, de s’être engagé militairement pour éviter une destruction certaine et un accaparement du pays.

Vous tous le savez mieux que quiconque : nous sommes en guerre. Oui, nous sommes en guerre. Une guerre qui est différente de ce que le XXème siècle a pu connaître. Mais une guerre contre un ennemi global, qui nous mène la guerre, et qui a ses bastions au Levant, bien sûr, mais aussi au Sahel. Ses visées ne connaissent aucune frontière. Il recrute sur tous les continents, prospère sur fond de trafic, embrigade au cœur même de notre société, de notre pays. Il pousse des Français à prendre les armes, à partir se battre et à se retourner contre leur propre pays, à tuer leurs propres compatriotes – comme, malheureusement, nous l’avons vu en 2015.

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Nous sommes en guerre, car une guerre nous a été déclarée.

Et cette guerre, nous devrons la mener dans la durée. Il faudra de longs mois, des années – ça peut être même l’affaire d’une génération –, mais avec détermination, et grâce à votre engagement, nous nous battrons. Et, avec une très grande certitude, nous vaincrons.

Aujourd’hui, l’existence même du Mali n’est plus menacée par ces groupes, ces hordes assoiffées de violence qui, voulant dicter leur foi et leur loi, se lançaient début 2013 à l’assaut de Bamako.

Les groupes djihadistes ne disposent plus de sanctuaire dans le Nord. Et parce que vous faites peser sur eux, avec l’armée malienne, une pression permanente ; parce que la plupart de leurs chefs, pas tous, ont été neutralisés, ils n’ont plus les moyens – même si, nous le savons, et il faut être lucides : le risque n’est pas éteint – de mener des actions de grande envergure – même s’ils peuvent frapper, et vous le savez.

Ici, à Gao, comme à Tombouctou, votre engagement, aux côtés de l’armée malienne, a permis de libérer un peuple, a permis à la vie de reprendre. Les mausolées millénaires de Tombouctou ont pu être reconstruits, la musique malienne – que nous connaissons bien en l’écoutant ici au Mali, ou en France, à Evry, ma ville – a pu de nouveau résonner. L’avenir, alors qu’il semblait bien sombre, s’est éclairci. Et tout cela, c’est grâce à vous et à votre combat quotidien.

Dès lors, la clé de vos succès sur le terrain, ce sont les partenariats avec les pays du G5 Sahel, avec les missions internationales – je pense en particulier à la MINUSMA, qui accompagne les forces maliennes face à un ennemi plus furtif mais toujours présent. Partenariat, aussi, avec la mission EUTM de l’Union européenne, qui forme les bataillons de l’armée malienne.

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En parallèle, les bailleurs internationaux contribuent au développement économique du pays – et nous savons la capacité, la force du peuple malien. C’est une condition de la stabilité du Mali, alors même que le processus politique a marqué une étape majeure en 2015, lors de la signature de l’accord de paix.

Là encore, ce sont les fruits de votre engagement, celui de vos camarades qui vous ont précédés – certains, nous leur avons rendu hommage il y a un instant, payant le prix du sang. Vous pouvez, les Français peuvent regarder le chemin accompli avec fierté. Il est la somme du courage et de l’abnégation de chacune et chacun d’entre vous. Il suffit de parler quelques instants avec vous pour le voir. Et vous savez quelle responsabilité repose vos épaules – quelle que soit d’ailleurs l’unité dans laquelle vous êtes engagés.

Il faut dorénavant consolider cette paix pour que le Mali poursuive son chemin, celui du renouveau. Je pense notamment au processus de réconciliation intercommunautaire dans le Nord. Nous en avons discuté hier avec le président KEÏTA, avec son Premier ministre, avec Jean-Yves LE DRIAN, et je sais que le président KEÏTA met toute son énergie pour que les choses avancent au mieux et au plus vite ; car il faut avancer. Il y a l’attente, bien sûr, de la population, ici dans le Nord, de pouvoir vivre en paix et de pouvoir commercer et circuler en toute sécurité.

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Grâce à votre action, les groupes djihadistes ont donc reculé, et ont subi de lourdes pertes ; comme ils reculent, d’ailleurs – même si ce sera long – en Irak. Mais ils sont toujours là, prêts à frapper comme ils ont frappé il y a une semaine à Kidal, tuant sept casques bleus, vers qui vont nos pensées, ainsi que vers les trois soldats maliens tués le même jour à Tombouctou.

La zone d’attaque s’est déplacée du Nord vers le Sud, touchant le cœur des capitales de la région, comme à Bamako le 20 novembre 2015, ou à Ouagadougou le 15 janvier. Et nous savons qu’ils se cachent aussi dans le sud libyen ou dans le bassin du lac Tchad, base de repli de la secte Boko Haram, qui mène ces actions terroristes effrayantes. Les modes d’action des armées terroristes ont également évolué avec, comme à Paris, une volonté de marquer les esprits, de mettre en scène leur crime, de semer la terreur.

Il faut donc poursuivre nos efforts, avec nos partenaires, en nous adaptant aux évolutions de l’ennemi. Et je veux saluer l’engagement de nos alliés américains pour leur appui au Sahel.

Je veux saluer, aussi, l’engagement de nos partenaires européens, en particulier l’Allemagne, l’Espagne, la Suède, la Belgique, qui avec d’autres assument leur responsabilité dans la bande sahélo-saharienne, dont nous connaissons les implications stratégiques sur l’ensemble du bassin méditerranéen.

L’Europe doit être présente – encore plus présente – en Afrique, parce qu’une partie de son destin se joue en Afrique, en Afrique de l’ouest et au Sahel ; pour des raisons démographiques, pour des raisons économiques liées aux migrations, et évidemment pour des raisons sécuritaires.

Ces efforts – qui doivent se poursuivre – concernent aussi la mise en œuvre de l’accord de paix. Car grâce à cet accord, l’armée malienne, monsieur le ministre de la Défense, pourra être refondée, renforcée, et redéployée sur l’ensemble du territoire. Il y a, dans ce domaine, une grande volonté d’aller de l’avant. Et il y a eu des avancées incontestables. Mais il faut progresser, encore davantage. D’abord, pour que les patrouilles mixtes reprennent dès que possible. Ensuite, pour que la mise en place du cantonnement des groupes armés se poursuive – c’est une attente forte, elle nous a été exprimée il y a un instant. Enfin, pour que s’engage le désarmement, puis l’intégration de ces groupes dans les forces nationales ou leur réinsertion dans la vie civile ou dans la nouvelle police territoriale. Ce sera, là aussi, une des clés pour que le Mali puisse faire face à la menace terroriste. Un Mali fort de sa diversité, mais fort aussi de son unité.

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En venant ici, à Gao, à votre rencontre, nous mesurons le chemin accompli et nous mesurons, une fois encore, l’exigence de votre mission et la complémentarité des différentes capacités et composantes de votre action, autour des forces terrestres.

Vous êtes ici les défenseurs de l’avant, au contact de l’ennemi, quand vos camarades en France protègent nos concitoyens sur le sol national dans le cadre de l’opération Sentinelle – opération dans laquelle la plupart d’entre vous avez d’ailleurs déjà été engagés. C’est la volonté, bien sûr, du ministre de la Défense, de garder en permanence cette complémentarité dans les missions qui sont les vôtres, en France ou dans les opérations extérieures.

Je salue, très sincèrement, une nouvelle fois, votre professionnalisme et votre capacité d’adaptation aux réalités si différentes de vos missions. Peu d’armées au monde sont capables de gérer simultanément, et avec autant d’efficacité, de telles contraintes opérationnelles et logistiques.

Mon général, vous aviez raison de souligner que c’était peut-être la plus belle armée du monde ; et vous êtes d’ailleurs admirés par vos camarades dans les autres armées.

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Je sais, et nous savons, avec Jean-Yves LE DRIAN, à quel point votre engagement est exigeant. Et je sais, aussi, que nous devrons continuer à faire des choix courageux au profit de nos armées, à tenir, sur le temps long, l’effort consacré à la défense et à la sécurité de notre pays.

Et donc, nous devons renforcer nos dispositifs de sécurité. La sécurité de nos compatriotes est une priorité, c’est pour cela que la loi portant actualisation de la programmation militaire du 28 juillet 2015 a amorcé, pour la première fois en cours de cycle, un renforcement en termes d’effectifs, d’équipements et de financement.

C’est un effort nécessaire et c’est un effort considérable, avec une hausse de 3,8 milliards d’euros du budget de la Défense sur la période 2015-2019. Et le président de la République, François HOLLANDE, a décidé de consolider cet effort après le 13 novembre, en confortant les effectifs.

Et vous connaissez l’engagement permanent, à vos côtés, de Jean-Yves LE DRIAN. Si nous avons considéré, avec le président de la République, qu’il devait rester à son poste de ministre de la Défense, c’est à la fois parce que la situation l’exige, la menace, la guerre que je viens d’évoquer, mais aussi parce que je sais qu’il a votre confiance, parce qu’il est à vos côtés en permanence.
Le message que je vous adresse est donc un message clair, sans ambiguïté : nous vous donnons, et nous vous donnerons, les moyens d’exercer votre mission ; et nous sommes à vos côtés, plus que jamais.

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Je suis très fier, très satisfait de ce que j’ai pu voir aujourd’hui. Et je remercie et félicite le général de division, Patrick BRETHOUS, pour son action à votre tête ; pour ses capacités de commandant, bien sûr, mais aussi pour ses explications, extrêmement précises et pédagogiques, sur la situation et les défis que nous avons à relever.

Votre contribution à l’opération Barkhane est essentielle. Lorsque j’ai échangé avec vous tout l’heure – trop rapidement –, j’ai vu la force de votre cohésion, chacun œuvrant à sa place pour l’exécution de la mission. J’ai ressenti, forcément, la motivation et, souvent avec le sourire, l’abnégation qui vous animent. J’ai aussi relevé l’exigence de l’environnement de votre action, le terrain qui use les hommes et les équipements, les conditions climatiques, les dangers liés aux mines.

J’ai enfin été marqué, frappé, par la complémentarité et la parfaite synchronisation – nous l’avons beaucoup évoqué, c’est un élément fondamental – des composantes aériennes et terrestres, comme par vos capacités de combat, de renseignement, de logistique, de soutien santé, de commandement, souvent très loin de votre base.

Je rencontrerai aussi, demain, des membres des forces spéciales, combattants aguerris qui s’illustrent à vos côtés dans la discrétion d’opérations régulières, dont je connais le bilan éloquent. Je les assure de ma reconnaissance pour leur engagement rapide et déterminant lors des attentats à Bamako et à Ouagadougou.

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Messieurs les ministres,
Monsieur l’ambassadeur,
Mon général,
Mon colonel,
Officiers, sous-officiers et militaires du rang de l’opération Barkhane,

Aujourd’hui à Gao, comme hier à N’Djamena, à Niamey, en Jordanie ou à Paris, nous avons pu, avec le ministre de la Défense – qui pourrait citer aussi l’incroyable engagement qui a été le vôtre en Centrafrique – constater une nouvelle fois votre valeur militaire. Vous accomplissez votre devoir avec une belle ténacité et une force de caractère à toute épreuve.

Chacun à votre niveau, vous faites honneur à la France. Une France qui, grâce à vous, est à la hauteur de son rang et au rendez-vous de son histoire.

Vous savez – je vous parle avec le cœur –, l’histoire peut être tragique. On retrouve, au fond, des éléments de l’histoire que nous avons pu connaître il y a déjà un siècle ; et c’est ici tout particulièrement vrai, parce que la géographie et l’histoire des hommes, parfois, s’imposent.

Mais vous pouvez être fiers. Et les Français sont fiers : ils sont fiers de leur gendarmerie, de leur police, de leurs forces de sécurité – et de leurs armées, notamment, qu’ils placent au premier rang des institutions qu’ils aiment et qu’ils soutiennent.

La France est une grande Nation. Je ne cesse de le répéter. Trop souvent, les Français, depuis l’hexagone, portent un regard négatif sur eux-mêmes. Il y a une forme de défiance, de dépression  nationale, alors qu’il suffit d’aller à l’extérieur, de voir et d’entendre nos amis maliens nous remercier – pas seulement les autorités, mais le peuple malien. De voir l’admiration qui est la nôtre, celle que nous recevons partout dans le monde.

La France est un grand pays, bien sûr, par son économie – nous l’évoquions hier avec la communauté française, monsieur l’ambassadeur : c’est 500 millions de chiffre d’affaires, ici, au Mali –, par la langue, que nous partageons avec nos amis maliens, par la culture, qui rayonne et qui doit rayonner encore davantage dans le monde – et il faut que la France soit encore plus présente sur ce continent d’Afrique –, par notre diplomatie, bien sûr, monsieur l’ambassadeur.

Mais elle rayonne – aujourd’hui plus que jamais – dans le monde grâce à nos armées et grâce à chacun d’entre vous.

Dans cette mission qui est la vôtre, et dans les épreuves que vous traversez pour la France, sachez-le : vous avez notre confiance, vous avez ma confiance.

Soyez fiers de votre engagement, soyez fiers, plus que jamais, de votre diversité : hommes, femmes, vous qui portez les couleurs de la République, mais qui représentez également la diversité de notre pays et toutes les couleurs de la Nation.

Soyez fiers de votre engagement, soyez fiers d’être français.

Vive la République, et vive la France !
Discours du Premier ministre à la base militaire de Gao

Author: Redaction